Avec Panique Éditions Sur Le Surréalisme

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Carole Gavaggio & Célia Michel

Nous sommes foncièrement féministes, et notre démarche artistique est une démarche d’ouverture absolue, au-delà des “écoles”, des modes, des frontières et des genres.

Bonjour, tout d’abord, merci d’avoir inclus de jeunes artistes turcs dans votre nouvelle édition “Premices” – cela nous a fait vraiment plaisir. Pouvez-vous nous parler de Joie Panique ? Quand l’avez-vous commencé, combien de personnes sont impliquées, quelle est votre mission et quel type d’activités avez-vous fait jusqu’à présent ?

Merci ! Nous sommes très fières de proposer des artistes de nombreux pays, dont la Turquie !

Joie Panique est une petite maison d’édition indépendante créée fin 2017 par deux amies passionnées. Nous fonctionnons en tout petit comité : nous sommes deux directrices éditoriales et nous avons la chance de collaborer avec un formidable graphiste, Frédéric Bélonie.

Notre objectif est d’offrir un champ libre aux artistes que nous aimons et que nous choisissons dans un esprit curieux et ouvert ! Nous publions des recueils artistiques collectifs, au rythme de deux par an pour le moment, et nous organisons des événements pour promouvoir les livres et les artistes : des lancements dans des librairies ou des galeries, et plus rarement de petites expositions.

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Céline Guichard et Panique éditions

Le choix des thèmes de nos recueils repose, là encore, sur nos goûts, notre univers, ce qui nous fait vibrer, d’un point de vue artistique comme dans la vie.

Ce qui frappe d’abord dans les livres de Joie Panique, c’est la délicatesse féminine et le minimalisme inhabituel pour de nombreux graphzines. Nous voyons également une grande variété de genres allant des œuvres textiles au collage, des photographies aux œuvres 3D. Avez-vous eu une formation artistique officielle ? Pouvez-vous nous parler de vos relations avec l’art, autres que l’édition ?

Nous accordons en effet une grande attention au graphisme et un grand soin à la forme de nos livres afin de mettre en valeur notre proposition artistique. Le choix du papier, la qualité d’impression sont au coeur de nos préoccupations : nous souhaitons proposer de beaux ouvrages à un prix accessible.

Nous choisissons des artistes d’horizons très variés qui utilisent des techniques diverses, comme le dessin, le collage, la photographie, la broderie, la tapisserie, la peinture… Nous ne nous interdisons rien ; le fil conducteur est celui de nos goûts, de ce qui nous fait vibrer ! Et c’est cette variété qui constitue la richesse de nos livres.

Nous n’avons pas eu d’éducation artistique officielle (nous avons suivi des études de littérature), mais nous sommes passionnées depuis toujours par l’art, par l’image, nous adorons fouiner dans les librairies, aller voir des expos, dénicher des pépites, découvrir des artistes… Nous avons construit nos goûts au fil du temps, grâce à ces découvertes, ces recherches, ces lectures, ces expositions… et grâce à notre entourage, aussi, qui gravite beaucoup dans le domaine artistique ! Nous sommes curieuses et toujours avides de découvertes.

Depuis 2017, vous avez publié quatre numéros sous les titres Fantasma, Baiser, Botanique et Prémices ; pouvez-vous nous dire pourquoi vous êtes-vous concentré sur ces notions et ce qu’elles signifient pour vous ?

Le choix des thèmes de nos recueils repose, là encore, sur nos goûts, notre univers, ce qui nous fait vibrer, d’un point de vue artistique comme dans la vie. Nous aimons proposer des thèmes qui laissent une large part à l’interprétation des artistes, pour ne pas les enfermer dans un cadre trop étroit. D’où le choix de mots à double ou triple sens, qui peuvent ouvrir sur mille interprétations possibles. Nous en discutons beaucoup entre nous avant de nous décider, et souvent les choix finissent par s’imposer comme des évidences !

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Zélie Doffémont ‘Prémices’ 2018

Nous vivons à une époque où Internet submerge la vie humaine ; avez-vous quelque chose à dire là-dessus, positif ou négatif ? Comment utilisez-vous Internet en tant que Joie Panique ?

Notre rapport à Internet et aux réseaux sociaux est très ambivalent. Nous y sommes présentes, et ce sont indéniablement des outils très utiles pour découvrir de nouveaux artistes dans le monde entier et pour les contacter ! Très utiles aussi pour promouvoir nos livres et faire connaître notre maison d’édition sans moyens financiers ! Nous avons également un site de vente en ligne (joiepanique.com).

En revanche, notre attachement au papier et à l’objet du livre reste essentiel ; il serait impensable pour nous de renoncer au toucher, à l’aspect sensuel du livre, en publiant des ouvrages numériques par exemple. Et les rencontres sont primordiales pour nous, au coeur de ce que nous faisons. Même si les échanges par Internet sont très utiles (notamment avec les artistes éloignés géographiquement de nous) et parfois très riches, rien ne remplace le contact et la rencontre.

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Stéphane Blanquet ‘Premices’ 2018

Des ouvrages collectifs = des visions singulières et multiples = une multitude de réalités = surréalisme !

Que penses-tu du mouvement ‘Riott Grrl’, le mouvement de contre-culture féministe qui a débuté dans les années 90 à travers les fanzines et la musique punk ? Quels sont selon vous les reflets de ce mouvement sur l’Europe continentale et la France ?

Quand ce mouvement est né, nous étions de jeunes adolescentes. Nous ne nous connaissions pas encore mais, chacune de notre côté, ce mouvement nous intéressait beaucoup ! En premier lieu via la musique, les concerts, quelque chose bougeait, naissait, ça hurlait, les femmes prenaient la parole et ça faisait du bien ! Même si ce mouvement et ce terme ont pu parfois être récupérés pour en faire un phénomène de mode, il y avait là quelque chose de fort et d’intéressant au départ. L’une de nous avait d’ailleurs créé un fanzine à cette époque, essentiellement tourné vers la musique, mais avec, déjà, de l’image…

Prémices Joie Panique artbook : 43 artistes, toute la place à l’image

Y a-t-il un mouvement féministe que vous soutenez ou auquel vous vous sentez appartenir ? Ou y a-t-il une position socio-politique, artistique que vous adoptez en tant qu’éditeur ?

Nous sommes foncièrement féministes, et notre démarche artistique est une démarche d’ouverture absolue, au-delà des “écoles”, des modes, des frontières et des genres. Cette ouverture rejoint forcément une vision politique et engagée. Notre manière d’éditer, dans une indépendance totale, est aussi un engagement. Et, bien sûr, le fait que nous soyons deux femmes l’est également !

De nos jours, nous voyons une résurgence du surréalisme dans de nombreux domaines. Où voyez-vous les éditions Joie Panique dans la tradition surréaliste ?

Des ouvrages collectifs = des visions singulières et multiples = une multitude de réalités = surréalisme !

Thomas Ott
Thomas Ott ‘Summer of Love’ 2018

Après un demi-siècle, peut-on parler d’une sorte de surréalisme vivant à Paris ? Pouvez-vous suggérer des noms dans la littérature, les beaux-arts ou le cinéma ?

Le mouvement surréaliste a bien entendu laissé un héritage très fort. Si on prend le surréalisme au sens propre, se situer au-delà du réel, inventer d’autres réalités, oui, de nombreux artistes que nous aimons, dans différents domaines, peuvent s’y rattacher aujourd’hui ; des artistes nourris de cette culture, mais avec un univers personnel et singulier, qui cherchent sans cesse, jouent et inventent un surréalisme d’aujourd’hui, passionnant à suivre. On pense notamment à Stéphane Blanquet (artiste protéiforme présent dans tous nos livres, depuis le début), ou au cinéaste Guy Maddin

Y a-t-il des projets sur lesquels vous travaillez actuellement ? Et y a-t-il quelque chose que vous voudriez ajouter ?

Nous sommes en train de travailler sur nos deux prochains recueils thématiques qui formeront un duo : FEU et EAU !! Les artistes proposeront une oeuvre pour chacun des livres afin que les oeuvres se répondent et dialoguent ! Une sorte de cadavre exquis entre deux livres, deux paradoxes, deux contraires qui s’opposent et se complètent.

Amandine Urruty
Amandine Urruty ‘La Salle’ graphite et fusain sur papier, 160x120cm (2018)

Merci pour cette belle interview. Merci à vous pour votre intérêt !!

Carole & Célia

Joie Panique Éditions


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