Valium For Ever: Entretien d’Henriette Valium avec Xavier-Gilles Néret (2018)

Henriette Valium

“Parce que je trouve que l’humanité actuellement est trop débile, et qu’on va attendre une autre civilisation.”

Henriette Valium


Cet entretien avec Henriette Valium a eu lieu à Paris le 8 septembre 2018, en tête à tête lors d’un déjeuner dans un bistrot, à l’occasion du séjour en France de l’artiste pour fêter les vingt-cinq ans du Dernier Cri. Le soir même, il participa au concert accompagnant la projection du film Mondo DC au Cirque Électrique. Il m’offrit en arrivant un collage que nous évoquons dans l’entretien. J’ai tâché dans cette retranscription de rendre avec fidélité la substantifique moelle d’une parole vivante et généreuse, indissociable en mon souvenir d’un délicieux accent québécois, d’un regard bleu pétillant et d’un sourire malicieux.

Interviewé par Xavier-Gilles Néret, 2018

Photographie de Marc Tessier, 2023

*Cette interview est un extrait du livre Henriette Valium, qui sera publié par LDC dans les prochains jours.

Xavier-Gilles Néret : Pakito Bolino m’a dit qu’il était venu te voir au Québec en 1990. Et il m’a raconté que s’il a fait Le Dernier Cri, c’est à cause de toi ! « C’est ta faute », comme il dit !… Parce qu’en allant à Montréal, il a vu un homme vivant dans un lieu qui était à la fois son domicile, son atelier de sérigraphie et son studio d’enregistrement… Et en rentrant en France, il s’est dit : il faut que je fasse la même chose ici, ainsi je serai libre.

Henriette Valium : Oui, c’est exact… Cependant on n’est jamais vraiment libre…

Henriette Valium & Pakito Bolino, In the memory of good old days – Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023

Mais pour lui, avoir un lieu où tu peux travailler et produire en autonomie, ça donne vraiment une liberté…

Oui, absolument.

Te souviens-tu de votre première rencontre, et de la manière dont ça s’est passé ?

Oui. En fait, ce n’était pas notre première rencontre, mais c’était la première fois qu’il venait à Montréal. À l’époque je travaillais à mon compte, comme sérigraphe, pour des bars et des groupes de rock, de musique, essentiellement. Ils venaient chez moi faire imprimer leurs affiches. La technologie numérique n’était alors pas encore tout à fait ce qu’elle est aujourd’hui. Donc j’avais là une fenêtre de business, je faisais une bonne paye. En fait, cet atelier m’est tombé dans les mains par hasard. Moi, au départ, je travaillais dans un club de spectacles qui s’appelait Les Foufounes Électriques, et j’étais graphiste. J’avais un ami qui étudiait la sérigraphie, Bruno Guay, et c’est lui qui a eu l’idée initiale. Dans l’enseignement de la sérigraphie, on ne se sert pas de produits à l’huile, avec des solvants, comme ceux utilisés pour faire de la sérigraphie commerciale, et il avait donc été formé avec des produits à l’eau. Mais les produits à l’eau, c’est très limité quand tu arrives sur le marché de la sérigraphie : tu ne peux pas faire plusieurs passages, le papier gondole, de sorte que la plupart des gens qui font leur business là-dedans utilisent la sérigraphie à l’huile. Je te parle surtout des grandes affiches en couleur. Et il avait eu l’idée de faire les affiches des Foufounes Électriques en sérigraphie, mais à l’eau, parce que c’est le plus souvent du noir et blanc, c’est très rare qu’on mette de la couleur. Bruno me demande 1500 dollars canadiens, peut-être l’équivalent de 1000 euros, et comme le patron n’avait pas d’argent, je les ai empruntés à un ami. Bruno installe donc son atelier dans le club. Sauf que quand il est arrivé, il a commencé à picoler, il n’assurait pas, et moi j’étais pris entre l’ami qui voulait son fric et les clients qui commençaient à m’appeler, parce qu’ils attendaient les affiches qu’ils avaient payées… Et moi, qui ne connaissais absolument rien à la sérigraphie, j’ai dit à Bruno que je prenais ça en main. Mon idée, c’était de ramer le temps de rembourser ma dette, et de foutre ça par la fenêtre. Mais une fois que je me suis mis à faire rouler la chose convenablement, tous les bars ont rappliqué, tu comprends…

Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023

“…eh bien pour les critiques de l’époque, c’était la fin du monde, c’était la fin de l’art. Relis ça aujourd’hui… Et pour un paquet de trucs c’est la même chose. Donc dans cent ans les gens vont voir mes trucs pornos et tout le monde va être à poil !…”

Et tu y as pris goût aussi…

Ben oui, mais c’est parce que tu fais du cash… Au départ, donc, je n’étais pas sérigraphe, c’était pour régler la dette initiale, mais finalement j’ai vécu là-dessus pratiquement quinze ans. À un moment donné, je me suis dit : bon, vu que personne ne veut imprimer mes bandes dessinées, je vais les imprimer avec ça. J’ai fait de l’autoédition, des gros livres qui sont aujourd’hui introuvables. C’était dans les années 1990. J’ai imprimé des BD que j’avais faites dans les années 1980. Mais il faut dire que moi je n’ai pas l’énergie de Pakito. Et vers les années 2000, suite à des problèmes matrimoniaux, il s’est trouvé que j’ai arrêté tout ça…

Et donc, la rencontre avec Pakito…

Il est arrivé à Montréal en 1990 avec de l’argent dans les poches, on a fait un disque, et aussi un livre avec le matériel sérigraphique. Et c’est là qu’il a eu l’idée de se monter un studio à lui en France. Parce qu’il a réalisé qu’en travaillant à l’eau, la sérigraphie est beaucoup plus accessible comme médium. Quand tu imprimes à l’huile, avec des solvants, il faut de la ventilation, c’est un autre monde, mais à l’eau, tu peux faire ça dans ta cuisine, c’est vraiment simple. Alors évidemment, tu as plus de limites, mais tu peux arriver à faire quelque chose. Lui, il fait ça bien !…


Caro Caron

Et tu l’avais déjà rencontré avant qu’il ne vienne au Québec…

Oui, à Angoulême, un ou deux ans avant, je ne me souviens plus trop de la date. Lui, il étudiait aux Beaux-Arts, à Angoulême, à ce moment-là. C’est là que je l’ai rencontré la première fois. On m’avait donné son adresse, pour aller dormir chez lui. On est arrivés à trois heures du matin, en pleine nuit…

Donc il t’a accueilli…

Oui, il n’a pas eu le choix ! Mais c’était bien, on a fraternisé tout de suite.

C’est quelqu’un qui a le sens de l’hospitalité…

Oui, absolument. Et moi, j’étais venu à Angoulême pour le festival québécois de la jeunesse, et j’étais supposé rester sur le stand du Québec, mais je suis resté avec Pakito. C’était l’époque où il faisait Les Amis, je pense. Je me suis tenu avec eux, tout le temps que j’étais là, et je n’ai pas été très présent sur le stand du Québec…

Et il t’a donc dit, bien plus tard, que c’était « à cause de toi » qu’il avait fait Le Dernier Cri…

Oui, exact. Mais c’est normal. Ça prend toujours du recul pour comprendre, parce que quand tu es dans le feu de l’action, ça roule, c’est par après que tu te dis : ah oui !… Mais tout ça est donc dû au hasard, parce que moi je ne pensais jamais être sérigraphe…

Les hasards de la vie…

Exactement.

Avant, tu faisais déjà de la bande dessinée…

Oui, ma première bande dessinée, j’avais dix-sept ans, et je l’ai détruite, parce que j’ai eu une phase, avec la mère de mon premier fils, où je ne pensais pas trop être un artiste. Ça a duré un an, et après le naturel est revenu au galop, et je suis devenu ce que je suis aujourd’hui.

Laure Phelin / Avril (Covid-19) 2020

Si tu devais te caractériser comme artiste, dirais-tu que tu es un auteur de bandes dessinées, ou dirais-tu autre chose ?

Pour commencer, on m’identifie beaucoup comme un bédéiste. Mais je fais aussi de la peinture, qui n’est pas vraiment de la peinture en réalité, en tout cas au sens classique de la peinture avec pinceau et toile. Ma BD, elle se rapproche souvent de Bosch plus que de Gotlib. Et puis je fais aussi de la musique, mais je ne me considère pas non plus comme un musicien. Je fais des collages musicaux. Je suis un peu dans ce qu’on appelle le Dark Ambiant. Ça donne des ambiances, souvent smooth, bizarroïdes, étranges, toujours anxiogènes. J’ai une identité qui est Henriette Valium, et j’en ai une autre comme colleur musical, c’est Laure Phelin. En fait, c’est le nom que j’aurais voulu avoir comme bédéiste, mais il était trop tard. Parce que pour mon nom, j’ai été baptisé. C’est quelqu’un qui m’a dit : appelle-toi Henriette Valium…

Caro Caron / Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023
Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Video record by Marc Tessier, 2023
Caro Caron / Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023

Pourquoi « Henriette Valium » ?

On faisait des fanzines, des petits recueils de bandes dessinées en photocopie, dans les années 1980, et puis à un moment donné on avait quelques filles qui étaient artistes avec nous. Dans ces années-là, beaucoup d’artistes se donnaient des noms loufoques ou bizarroïdes, et quand tu as dix-neuf ou vingt ans tu veux suivre le train, on n’échappait pas à la règle. On s’est dit : les filles vont signer avec des noms de gars, et les gars avec des noms de filles. Comme ça, juste pour s’amuser. Et moi comme je n’avais aucune idée, un ami m’a dit : eh bien, appelle-toi Henriette Valium. Ah, bon, ok. Et c’est resté comme ça. Ça devait être temporaire, mais les gens se mettent à te connaître sous ce nom-là : ah, c’est lui Valium !…

Et ça te plaît, ou tu regrettes ?…

Non, disons que j’ai fait la paix avec ça. Parce que dans les années 1990 j’ai voulu, comme certains le font, revenir à mon vrai nom, mais finalement c’était trop tard, toutes les entrées sur le web, c’est Henriette Valium.

Comment t’appellent les gens, ou tes amis ?

En général ils m’appellent Valium.

Tu parlais de fanzines. Et le mot graphzine, est-ce que tu l’as entendu au Québec ?

Un peu. Mais en général je te dirais qu’on fait moins de distinctions au Québec. Quand tu évolues dans un milieu de libraires, le graphzine, ils savent ce que c’est. Mais en général on parle plutôt de « fanzine », mot qui regroupe tout ça. Il y a le roman graphique qui est arrivé aussi. Mais pour moi, personnellement, ces distinctions sont un peu abstraites. Comme je suis un créateur, pour moi le jeu de départ est le même au fond, c’est juste que ça prend une forme différente à l’autre bout.

Et par exemple, te souviens-tu de Casual Casual, un zine canadien des années 1980 qu’éditait Peter Dako à Toronto ? Tu y as participé, il me semble…

Oui. À l’époque, tout ça se passait par la poste. Il fait partie des rares qui m’ont édité à ce moment-là. J’aurais fait n’importe quoi pour être édité par exemple par Raw, à New-York, et ils ont fini par me répondre à un moment donné… En fait, ce qui est arrivé, c’est qu’au début des années 1990, j’étais extrêmement découragé de faire de la bande dessinée. J’y avais passé énormément de travail, et évidemment avec mon style, j’étais inéditable à Montréal – je le suis toujours de toute façon… Bon, aujourd’hui, évidemment, j’ai fait la paix avec ça, mais j’ai longtemps nourri beaucoup de ressentiment. Quand tu mets un tableau au mur, même si tu l’as vendu pour des peanuts, il fait son travail. Mais la bande dessinée, il y a à la fin du processus un éditeur qui lui a un droit de vie ou de mort sur ce que tu fais, et une bande dessinée qui n’est pas publiée, tu peux toujours l’exposer comme de l’art séquentiel ou quoi que ce soit, l’important c’est d’en faire un livre. J’étais donc très découragé à l’époque, et j’écrivais à Raw, beaucoup, à Fantagraphics et à d’autres, et à un moment donné, je me suis tanné, et je me suis dit : je vais donner un dernier coup. J’ai imprimé un énorme livre, en cinquante exemplaires, vraiment celui-là c’est une pièce de collection, avec seize pages en anglais et seize pages en français, en sérigraphie, et puis je l’ai posté à plusieurs éditeurs, dont Raw. Mais pour Raw, j’ai pris un gros marker et j’ai couvert chaque page d’insultes : you fucking asshole if you don’t answer me it’s the last fucking time I send you my stuff… Et j’ai reçu une lettre : sorry, we can’t print you, but etc. Mais c’est Fantagraphics qui a sauvé ma BD, et j’ai continué à en faire parce qu’ils m’ont dit : d’accord, on va imprimer Primitive Crétin. Et j’ai dit : attendez, d’abord je vais le gonfler à soixante pages, parce que je n’en avais à l’époque qu’une trentaine et je trouvais que ce n’était pas assez. Donc finalement j’ai continué à faire de la BD. Mais de toute façon, j’aurais continué pareil. La bande dessinée, c’est pour moi comme une maladie d’obsession-compulsion, un peu comme un héroïnomane. Dans mon cas, c’est une relation d’amour-haine depuis le début. Parce que c’est beaucoup de travail, et en même temps, l’art en général considère ça de haut : la bande dessinée, ce ne serait pas sérieux. C’est peut-être un peu différent en Europe, ou ça a évolué, mais en tout cas, à l’époque, dans la sphère américaine, les bédéistes étaient considérés comme des ados attardés…

Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023

Et donc, Casual Casual, tu le connaissais…

Je ne l’ai jamais rencontré. On a correspondu, beaucoup. Et à un moment donné on s’est perdus de vue. Mais il faut dire que moi, je suis quelqu’un d’assez négligent pour faire des suivis… Par exemple, dans ces années-là, nous avons fait Iceberg, 6 numéros, et ensuite Motel, 6 numéros. Et à un moment donné, j’ai arrêté, parce que je me suis davantage concentré sur mon travail à moi. Je n’ai pas beaucoup d’énergie dans un travail collectif. D’autres artistes n’ont pas la même cadence de production. Moi j’étais vraiment épuisé par ça. Tu es toujours en train de pousser dans le dos d’un mec qui a peut-être plus de talent que toi mais qui n’a pas la passion…

Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023

Et pour toi, qu’est-ce qui est le plus important : les choses imprimées, ou les originaux, ou les deux ?

Je suis old school, ce qui est important pour moi, c’est l’original. Je fais encore mes originaux sur papier. Parce que je tiens à ce qu’il y ait une trace. L’original considéré de manière électronique c’est un concept que je n’ai pas encore assimilé complètement. Je connais des artistes qui font une production essentiellement par ordinateur. Moi, je fais une planche que tu peux encadrer et mettre sur un mur, comme un tableau.

L’original, pour toi, a plus de valeur que l’imprimé…

Oui. Évidemment, ça dépend aussi de la manière dont tu travailles… Je parle pour mon travail. J’imagine que pour d’autres, c’est différent… Si tu n’as pas d’original, et que tout est dans ton ordinateur, au final j’imagine que c’est l’imprimé qui compte le plus, je ne sais pas.

Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023

Il y en a pour qui l’original est un document de travail afin d’aboutir à l’imprimé. L’œuvre, c’est l’imprimé.

Non, pas pour moi. Par exemple, je travaille ces temps-ci sur Nitnit, donc « Tintin » renversé. J’aurais très bien pu le faire au complet par ordinateur et me contenter de réaliser des micro-collages pour scanner le tout, mais j’ai fait des originaux, uniquement pour avoir une plaquette, qui était complètement inutile en un sens, parce que quand je suis sur Photoshop je reprends aussi l’image au complet.

Dirais-tu que tu es un obsédé de l’image ? Par exemple, achètes-tu des livres, voire les collectionnes-tu ?

Oui, je suis un obsédé de l’image, mais je ne suis pas un collectionneur de livres. Je suis plus quelqu’un qui va attraper. Si une occasion se présente, je l’attrape. Mais ça dépend. Par exemple, j’ai en ce moment un autre projet de bande dessinée à partir de super-héros américains, et donc je sais qu’à un moment donné il faut que j’aille dans une librairie ou que je trouve un lot de vieux super-héros en noir et blanc. Mais, en général, j’ai fait des collages à partir de livres que j’ai trouvés dans des ruelles à Montréal, où parfois tu tombes sur des boîtes avec plein de livres, et j’en attrape un qui est magnifique. C’est rare qu’intentionnellement j’aille acheter un livre. J’ai aussi fait à un moment donné des collages complètement numériques, mais ça ne me plaît pas, et je suis revenu aux ciseaux, au papier et à la colle. Quand tu es devant ton ordinateur, c’est à la fois trop, parce que tu as des possibilités infinies, et pas assez, il manque quelque chose. Tandis que le collage conventionnel, analogique si on peut dire, t’impose des limites mais qui font que tu arrives à des résultats que tu n’as pas avec l’ordinateur… En tout cas, ce sont deux mondes, complètement.

Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023
Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023
Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023
Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023

Et le collage de la série Notre élite que tu m’as donné aujourd’hui, peux-tu m’en parler ?

Au départ, j’avais fait les Curés malades. Il y avait eu des articles sur les curés pédophiles, au Québec, j’ai pris des portraits de curés et j’ai fait des collages noir et blanc, que j’ai imprimés sur acétate, c’est-à-dire à la photocopieuse, sur des transparents, en les agrandissant, ensuite j’ai peint à la gouache, et j’ai ajouté derrière d’autres collages avec des photos de revues pornos. Il y en a vingt-cinq, mais je ne voulais pas les séparer, mon projet était de faire une sorte de jeu de cartes. Pakito l’a imprimé. Et suite à ça, j’ai fait une autre série de collages, Notre élite, avec la même méthode, mais cette fois-ci à partir de photos du dictionnaire Larousse, en me disant que ces collages-là je pourrai les vendre à l’unité. J’en ai fait quand même peut-être soixante-dix, ou quatre-vingt, et il doit m’en rester une trentaine. Je garde les meilleurs pour moi. J’en ai emporté huit à Paris, dont celui que je t’ai offert.

Donc tu aimes bien tes images, si tu les gardes.

Oui. Mon dernier tableau est une belle pièce, qui est dans une boîte, et mon idée serait de creuser un trou, d’y couler une tonne de béton, d’y placer le tableau, et de le recouvrir d’un sarcophage, pour faire une espèce de tableau-tombeau. Parce que je trouve que l’humanité actuellement est trop débile, et qu’on va attendre une autre civilisation. Je ne l’ai pas fait, il n’est pas enterré, mais il est dans une boîte, en haut de mon atelier, rangé. On peut le voir, éventuellement. Mais je ne cherche pas à faire d’exposition. C’est mon mécène qui organise ça. Mais lui, il me présente essentiellement comme un bédéiste.

Henriette Valium 2015

“Tu comprends ce que je veux dire ?

J’essaie de trouver une formule permettant d’avoir cette espèce de questionnement…”

Depuis combien de temps as-tu ce mécène ?

Une dizaine d’années. Quand il est arrivé, il me donnait de l’argent, et il prenait ce qu’il y avait sur la table. À un moment donné, il me dit : tu devrais faire des tableaux-bande dessinée. Je n’aurais pas dû accepter, mais, bon, j’ai dit oui. Alors je fais des tableaux-BD, qui ne sont pas pour moi le plus intéressant. C’est sûr que ça peut être impressionnant pour quelqu’un qui est extérieur, mais pour moi, c’est vraiment de l’alimentaire. Quand je travaille, j’ai besoin d’un challenge… Par rapport à des choses comme celle que je t’ai donnée, un tableau-bande dessinée ne te permet pas une seconde lecture, c’est du premier degré, c’est peut-être un peu funky ou underground, mais il n’y a pas le malaise que tu peux avoir avec ce genre de portrait-là, déformé avec du porno à l’arrière, ce qui t’invite à aller plus loin. J’essaie de trouver une formule permettant d’avoir cette espèce de questionnement-là dans un tableau-bande dessiné, mais je n’y suis pas encore arrivé… Tu comprends ce que je veux dire ? Par exemple, à un moment donné, j’ai fait un gros dessin de Goebbels avec sa famille. À mes yeux, c’est bien plus intéressant qu’un tableau-BD avec des tronches débiles et tout le reste, mais sans rien derrière.

Et en as-tu fait beaucoup des tableaux-BD ?

Oui, quelques-uns. C’est ce que mon mécène prend, parce qu’en plus il n’est pas tout seul, il y a sa femme avec lui. C’est un milieu très conservateur, surtout au Québec. Déjà, le fait qu’il m’aide, moi, c’est un peu bizarre. Mais bon, il le fait, parce qu’il apprécie mon travail. Mais les belles pièces, il ne les voit pas passer, je garde tout. Ça ne l’intéresse pas, parce que ce n’est pas vendable. Lui, il dit que ce sont des pièces de musée. Et je me suis pris la tête à un moment avec sa femme, parce qu’elle n’était pas d’accord qu’un artiste, par exemple, utilise de la pornographie pour la mettre dans ses œuvres : il est malade ce type, il ne respecte rien. Mais il ne faut pas oublier que tout ça évolue. Prenons Courbet, l’un de ses premiers tableaux, Un enterrement à Ornans, où il s’est mis à peindre ce qu’il voyait, et non plus des tableaux mythologiques, eh bien pour les critiques de l’époque, c’était la fin du monde, c’était la fin de l’art. Relis ça aujourd’hui… Et pour un paquet de trucs c’est la même chose. Donc dans cent ans les gens vont voir mes trucs pornos et tout le monde va être à poil !…

Y a-t-il des pièces à toi dans des musées ?

Non, pas encore. Tu sais, c’est vraiment plus une question de connexions que de talent. Même mon mécène, par exemple, il a fait un encan, récemment, à Toronto. Et alors tu vois comment ça fonctionne : lui il achète du Valium, qui a priori ne vaut rien par rapport au marché de l’art, ils organisent un encan, ils proposent une de mes pièces, ils mettent des mecs dans la salle pour monter la mise, et lui il rachète le tableau par personne interposée, de sorte que maintenant, j’ai une cote. Par conséquent, tout ce que lui a de moi a augmenté. C’est comme ça que ça fonctionne en fait. Le talent n’a aucun rapport. En général, dans le gang des artistes, tu vas prendre celui qui te fait la cour, qui va être le plus malléable. Pour en revenir à mon mécène, il a voulu modifier mon travail, en me disant : ah, tu devrais faire ci, tu devrais faire ça. Je lui ai accordé une seule concession, en faisant des tableaux-BD, mais c’est tout, j’ai refusé toutes ses autres demandes. Par exemple, faire de beaux petits tableaux avec des couleurs. Non, il y en a d’autres qui font ça mieux que moi. Dans mon cas, c’est une pulsion, une obsession-compulsion, ça n’a aucun rapport. Je n’ai jamais eu aucune visée esthétique. Dans un certain sens, le collage que je t’ai donné, ce n’est pas beau, mais en même temps le résultat est classe.

Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023

“Selon moi, nous les humains, on produit des objets de plus en plus complexes et aboutis, mais on termine l’époque antique de notre histoire. On est partis de la pierre taillée, et on a maintenant des ordinateurs, des Lamborghini, mais la structure sociale pyramidale n’a pas changé depuis les débuts.”

La politique, est-ce important dans ta vie, et, éventuellement, dans ton travail ?

Bonne question… Je te dirais, la politique locale, comme par exemple toutes les questions de souveraineté nationale du Québec, ces histoires-là, aucun intérêt. Moi j’ai été saoulé complètement par mes parents qui étaient des indépendantistes de type stalinien. Eux, ce sont des syndicalistes, et moi, j’ai vécu là-dedans, dans un univers politisé. Mes parents, ici, en France, ce seraient des communistes. Mais moi, je ne vais pas voter, je n’en ai rien à chier. En revanche, j’ai une fascination par exemple pour les personnages du Troisième Reich, du Reich nazi, des trucs comme ça. Je fais comme un constat permanent d’un truc qui se répète à l’infini. Selon moi, nous les humains, on produit des objets de plus en plus complexes et aboutis, mais on termine l’époque antique de notre histoire. On est partis de la pierre taillée, et on a maintenant des ordinateurs, des Lamborghini, mais la structure sociale pyramidale n’a pas changé depuis les débuts. Et la vraie révolution va être écologique. Selon moi, on devrait connaître un black-out, vraiment quelque chose d’assez dense. Ça va se passer un peu comme quand Rome est tombée, en Europe. Il a fallu attendre Napoléon III pour avoir le même niveau d’hygiène publique dans Paris que la Rome antique, avec la pose des égouts. C’est quand même quelque chose, 1400 ans. Aujourd’hui il y a Facebook, il y a plein de trucs, mais il fait chaud, c’est un phénomène mondial. J’ai des amis un peu partout, et cet été, tout le monde a crevé de chaleur. Je ne vois pas ça de manière très optimiste.

Laure Phelin, ‘Testament Leste 666’ Lande Promise
Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023

“Et la vraie révolution va être écologique. Selon moi, on devrait connaître un black-out, vraiment quelque chose d’assez dense. Ça va se passer un peu comme quand Rome est tombée, en Europe.”

Donc tu penses qu’il va y avoir une catastrophe…

Une dégénérescence, progressive. Des maladies, des trucs, je ne sais pas. Parce que les gens ne veulent pas que ça s’arrête. C’est comme une machine qui ne fait qu’avancer. Tu sais, il faudrait sept miracles. Il faudrait que (1) tout le monde, (2) partout, (3) au même moment, (4) réalise, (5) comprenne, (6) accepte et (7) agisse. Mais le type qui a son loyer à payer, il a besoin de fric, tu comprends, il est pris dans la machine, c’est comme une roue qui tourne.

Dirais-tu que dans ta pensée tu es profondément écologiste, ou pas ?

Oui, dans un certain sens. Mais en même temps… Tu sais, mon ex, la mère de mon plus vieux, c’est une végane de type stalinien. Ce n’est pas vraiment la viande selon moi le problème. Considère tous les problèmes de l’humanité comme une rivière de merde, qui coule. Une rivière, ça se remonte. Et la base, au départ, c’est le fric, tout ça c’est à partir du fric. Le fric, pour moi, c’est la méta-injustice, l’injustice qui entraîne toutes les autres. La viande, ce n’est pas tellement le problème. Par exemple, prends mes parents, octogénaires, ils mangeaient de la viande bio sans le savoir, mais ils n’en mangeaient pas tous les jours. Le problème, c’est de vouloir fournir de la viande à tout le monde tous les jours, trois repas par jour. Il est là le problème. Une bagnole, en soi, c’est magnifique, mais pas des milliards de bagnoles partout. Oui, j’ai une conscience écologique, mais en même temps, j’aime bien une bagnole, c’est pratique. Je ne serais pas le genre à foutre tout le monde à pied, non.

C’est vrai que certains écolos ont un côté facho…

Oui, certains, mais c’est comme partout. Tu sais, mon ex, elle est végane, et elle a fait le serment à un moment donné de ne plus s’asseoir avec quelqu’un qui mange de la viande. Il y a du dogmatisme partout. Moi j’ai déjà entendu un végane, un copain d’amis, qui avait le même discours qu’Hitler avec les juifs, mais lui avec les gens qui mangent de la viande. La même chose : « ah, il faut les foutre au mur !… »

Et ta fascination pour les dignitaires nazis, est-ce que tu peux essayer de l’expliquer un peu ?

C’est d’être arrivé à pousser à bout l’horreur et la démagogie, mais d’une façon très esthétique. En même temps, il y a un côté qui me charme, c’est un peu bête à dire, de voir ces beaux uniformes, ces logos. Ça m’interpelle, parce que moi je suis quelqu’un de très rigoureux et planificateur.

Ça correspond un peu à ton esthétique en fait…

Oui, absolument.

Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023
Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023
Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023
Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023
Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023

Tu disais que tu n’avais pas de visée esthétique, mais tu n’en pas moins une esthétique singulière, assez proche de celle des esthétiques totalitaires…

Oui. Dans mon dernier livre, qui a été édité en anglais, j’ai fait des marges avec des svastikas, en miroir, déployés, il y a plein de symboles, j’ai tout mélangé en fait, les symboles juifs, francs-maçons, etc. Tu sais, les gens vont essayer de chercher les messages. Mais il ne faut pas chercher à comprendre au fond, j’ai juste fait ça pour jouer. C’est une globalité.

Et il y a une dimension de provocation aussi…

Oui, évidemment. Parce que le svastika, quand tu l’utilises, surtout dans le monde occidental, c’est un symbole très ancien qui a été dévoyé, corrompu, par les nazis. Moi j’essaie de le réhabiliter à ma manière, si on veut. Mais je sais très bien que quand tu utilises ça, c’est un frein. J’ai été surpris d’être publié au Canada anglais, parce que j’étais sûr que ce truc-là ne serait jamais publié. Nathalie, mon ex, m’avait dit : tu ne devrais pas mettre des svastikas, tu ne seras jamais publié.

Et pourtant, ils l’ont publié. Peut-être que maintenant, ça passe…

Moi je pense que oui. Au Canada anglais, oui. Parce qu’à un moment donné j’étais allé voir, il y a beaucoup de sites qui militent pour la réhabilitation de ce symbole-là, des bouddhistes, des gens qui disent : non, arrêtez de voir ça comme un signe nazi. Mais moi je l’utilise parce que c’est esthétiquement magnifique. J’ai fait des milliers de variations là-dessus.

Et tu disais que tu ne votais pas… Tu n’as jamais voté, ou ça t’est arrivé ?

À une certaine époque. Et puis finalement, non, je ne vote pas, non.

Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023
Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023

Dirais-tu que ta posture a quelque chose à voir avec l’anarchie ? Est-ce que ça t’intéresse, l’anarchie ?

Oui, absolument. Premièrement, pour moi, la politique, c’est des millionnaires qui jouent au ballon. L’anarchie, c’est une utopie. Ce qui est dommage c’est qu’on a éduqué les gens à penser l’anarchie comme étant synonyme de chaos, de guerre. Alors que ce n’est pas vrai du tout. C’est l’absence de pouvoir, tout simplement. En fait, c’est une utopie, parce que tu te dis : est-ce que c’est possible qu’il n’y ait jamais de pouvoir ? Il y a eu des expériences qui ont été faites où tu mets une vingtaine de personnes dans une salle et immanquablement tu en as certains qui prennent les devants et les autres suivent. Moi je pense que c’est un des drames de l’humain, c’est-à-dire qu’on est grégaires et la grégarité c’est un paradoxe : on veut tout faire pour intégrer le groupe mais en ne pensant qu’à ses propres intérêts. Par exemple, il y a un mec que je connais, qui travaille dans le centre-ville, dans un truc d’analyse et de nettoyage des sols, donc a priori c’est écologique, et pourtant il va travailler en bagnole alors même qu’il y a un métro à côté de chez lui et un métro à côté de son boulot. Et il invoque un paquet de prétextes, lui qui a en principe tout pour être conscientisé et qui pourrait très bien décider d’aller travailler en métro. Mais ceci dit, moi, avec de l’argent, si je me retrouvais à la campagne, j’aurais une putain de bagnole, je serais motorisé, je me connais.

Où vis-tu exactement ?

Moi je vis dans un garage, à Montréal, chez ma fille, près du métro Joliette, un peu l’équivalent de la Bastille. J’ai un garage où j’ai posé des toilettes, un bain, deux lavabos, j’ai tout isolé, et c’est une gestion de l’espace à la japonaise. Mais je ne paie presque rien.

Et à nouveau ce n’est pas qu’un logement, c’est aussi ton atelier, ton studio…

Oui, c’est tout en même temps. Parfois je mange dans mes collages… Beaucoup de gens ne seraient pas capables de faire ça. Mais je suis quelqu’un de très organisé. Même si je n’en ai peut-être pas l’air, je suis quelqu’un d’assez strict en fait. Tu vois, mes BD, mon prochain livre, il n’y a rien au hasard. C’est un chaos calibré, si on veut.

Et pour en revenir à l’anarchie, c’est une idée importante pour toi, même si c’est une utopie.

Oui.

Dirais-tu que tu es anarchiste ?

Bonne question… Non, je ne suis pas vraiment à cent pour cent anarchiste. Mais ça dépend de l’idée que l’on se fait de l’anarchie. Pour moi, l’anarchie, ce n’est pas le chaos, il y a des règles. Je ne sais pas. Cela dépendrait de quelle sorte d’anarchie tu parles.

Et toi, alors, de quelle anarchie te sens-tu vraiment proche ?

Je l’appellerais une « anarchie fantasme ». Un rêve onirique de voir tous ces gens s’organiser sans avoir un patron, faire ce qu’ils veulent et tout. Mais comme je te le disais, je pense que la plupart des gens – c’est le côté grégaire – sont insecures, ont des peurs, donc ont besoin d’un patron. Ce n’est pas la cause du système, c’est le résultat. On a besoin de ça.

Et toi, te sens-tu grégaire, ou au contraire es-tu le mouton noir ?

Moi, à m’écouter, je ne verrais jamais personne. Et les alcooliques anonymes m’aident beaucoup pour ça, depuis que j’ai arrêté de boire et que j’y vais régulièrement. Il faut absolument que je voie des gens au moins une fois par semaine. Parce qu’à m’écouter je suis fondamentalement asocial.

Misanthrope ?

Misanthrope, je l’étais. Maintenant, j’aime l’humain. Mais pendant longtemps, je n’étais pas loin d’être misanthrope. Depuis dix ans, ça m’a réconcilié avec tout ça. Parce que moi, il y a dix ans, quand j’ai arrêté de consommer, je ne voyais plus personne. J’étais dans un petit réduit et je passais des semaines sans voir personne.

Et je buvais.

Drogue aussi ?

Non. Cigarettes, alcool.

Tu as arrêté les deux en même temps…

Oui. Je n’ai pas eu le choix.

Mais malgré ce côté isolé, ou solitaire, en revanche, dans ta manière de t’exprimer, tu es jovial, tu es un charmeur…

Oui, j’ai un côté social, depuis toujours.

Donc, tu es quelqu’un qui aime vivre seul, mais quand tu es en société, tu donnes le change…

Oui, mais ça, ça vient beaucoup de ma famille. Ma mère, malgré l’image de quelqu’un de vraiment cool, est en réalité une personne très autoritaire, contrôlante, de sorte que moi, ça m’a amené à être très habile, à dire toujours ce que l’autre veut entendre. J’ai des difficultés à dire non. Parce qu’à elle, quand tu disais non, c’était la guerre atomique. L’équation était : si tu es contre moi, tu es mon ennemi. Tu n’argumentais pas avec elle, jamais. Par conséquent, j’ai déçu beaucoup de gens, parce que mes actions souvent ne correspondent pas à mes paroles. Mais maintenant, je le sais, et j’essaie de faire des efforts. C’est ce que j’ai expliqué à Bolino, parce qu’il disait : ah, on ne te voit plus, tout ça. Là j’ai fait un effort pour venir en France pour les vingt-cinq ans du Dernier Cri. Ça a mis un mois à prendre la décision. Actuellement, à Paris, c’est une orgie de social pour moi. Quand je suis à Montréal, je vais à ma petite réunion des alcooliques anonymes une fois par semaine, puis je vais chez une amie, et j’en ai assez. Après, du dimanche au vendredi, je ne vois personne. Je travaille.

Le travail artistique, c’est obsessionnel…

Oui, c’est une obsession-compulsion.

Tous les jours tu dessines…

Absolument. Et quand j’écoute la télé, c’est que je suis vraiment très fatigué. Et puis, c’est toujours des films, jamais autre chose. Finalement mon univers reste simple et limité.

Et là, en ce moment, as-tu le temps de dessiner ?

Non, là je ne dessine pas. Quand je vais rentrer, je m’y remettrai.

Et voyages-tu beaucoup ?

Ça c’est une autre question, c’est une bonne question. J’ai perdu beaucoup de motivation à voyager. Avant, ça m’excitait, mais j’ai moins de motivation. C’est comme là, avec ce séjour en France, j’ai eu ma dose pour les cinq prochaines années, minimum. Pakito voudrait que je revienne pour un truc à Bordeaux. Il faut que je lui dise : écoute, Pakito, on se revoit dans quelques années. Et puis, on vieillit aussi, tu sais, moi je vais avoir soixante ans. Je m’ennuie de mes pantoufles.

De quel milieu social tes parents étaient-ils issus ?

C’étaient des fils et filles d’agriculteurs qui ont passé leur vie à essayer de faire croire qu’ils n’étaient pas des fils et filles d’agriculteurs. C’est cette génération-là, surtout au Québec. Et eux, c’étaient des gens qui se sont battus pour la création des syndicats. En fait, la société québécoise, si on veut, en 1950, était un peu comme les Français en 1900. Tu sais, la séparation de l’Église et de l’État, les syndicats, tout ça, nous c’est arrivé dans les années 1950. Mes parents, c’est la dernière génération où la religion avait une emprise énorme sur la société du Québec.

Eux, ils étaient très antireligieux…

Oui, anticléricaux, antireligieux, vraiment, complétement.

Des vrais communistes. Tu disais l’équivalent des communistes…

Il n’y a pas de parti communiste au Québec. Mais la mentalité de mes parents, c’est qu’ils sont très frustrés, par exemple, par tout ce qui s’appelle l’élite bourgeoise, friquée, qui, à leurs yeux, accapare les ressources. En même temps, mes parents ne sont pas des gens qui ont une ouverture d’esprit. Moi, c’est récent qu’ils me considèrent comme un artiste. Avant, ils me disaient plutôt : non, ne perds pas ton temps à dessiner, vas traire les vaches… Mon père et moi, on est complètement à l’opposé du spectre. Lui c’est un comptable qui a subi sa vie tous les jours, qui haïssait la comptabilité, qui haïssait les anglophones, qui haïssait les juifs anglophones. Il était comptable pour des juifs anglophones…

Antisémite ?

Non, pas vraiment antisémite. Je dirais plus : xénophobe. C’est-à-dire que le manque d’ouverture d’esprit les amène à se rapprocher de leur clan et donc à rejeter l’étranger.

Et toi, ça n’a jamais été ton cas ?

Non. Mais sauf que eux, cette génération-là, ils étaient déjà très avancés au niveau de leur pensée sociale par rapport à la norme de leur époque.

Donc ils étaient arriérés pour l’ouverture à l’étranger, mais avancés pour les questions sociales, et ils n’arrivaient pas à faire la connexion entre les deux…

Non, ils ne l’ont jamais faite. Mais il faut dire que le Québec de la fin des années 1950 était très similaire à la décolonisation d’Afrique, c’est-à-dire une population extrêmement jeune qui voulait un morceau de gâteau. Mais le Québec a ceci de particulier, qu’on est des colonisateurs qui ont été colonisés. On est comme dans un oignon, mais au milieu, c’est-à-dire entre le cœur, qui est les autochtones, et les angloaméricains, qui sont extérieurs.

Donc ton père était comptable, et ta mère ?

Elle a fini par travailler comme caissière dans une pâtisserie. Mais le pire, c’est que moi, mon père, je l’ai vu subir sa vie, je l’ai vu subir tout, toute sa vie, mais il n’a jamais pris une seule décision de changer quoi que ce soit. Et c’est ça, moi, que je trouve fascinant. À quel point l’individu peut endurer une situation qui au départ est inconfortable, ou même négative pour lui, et il va préférer endurer ça que de faire le saut pour être libre. Parce que cette sortie, elle est effrayante pour ces gens-là. Mais tout ça, c’est du conditionnement.

C’est le conformisme. Ton père est un conformiste.

Exactement.

Sauf peut-être pour la politique, pour leur engagement.

Leur engagement social, de syndicalistes, était assez exceptionnel pour l’époque.

Et toi, as-tu exercé des métiers salariés au cours de ton existence ?

Oui, au début, quand j’étais jeune. J’ai été préposé aux malades dans un hôpital. Mais moi, mon problème, c’est que j’ai toujours eu beaucoup de difficulté avec la figure paternelle : employeur, propriétaire, même conjoint, de sorte que ça a été le bordel toutes les fois.

Donc, tu es vraiment un anarchiste, au sens propre, tu rejettes toute figure de pouvoir.

Oui.

D’où ta fascination pour les figures d’Hitler et des dignitaires nazis : d’un côté, il y a chez toi une attirance sans doute esthétique, mais, d’un autre côté, c’est en quelque sorte la manifestation extrême de tout ce que tu hais, de tout ce que tu rejettes.

Oui. C’est ça. Mais en même temps, moi, ça me fascine. Surtout qu’en fait, eux, ils ont poussé l’esthétisme assez loin, c’était simple, efficace…

Et l’imagerie de l’Union soviétique ?

Oui. Ils étaient forts aussi. Mais le problème, c’est la moustache de Staline. J’ai beaucoup de difficulté à faire le portrait de quelqu’un qui a une barbe ou une moustache.

Hitler aussi a une petite moustache…

Oui, mais ses amis sont intéressants. Hitler, j’ai fait peu de portraits de lui en fait. Mais j’ai surtout beaucoup trafiqué les autres. Dès qu’il n’y a pas de moustache, moi ça va, mais quand il y a une moustache… Cependant, j’ai un projet de faire un portrait de Staline, depuis longtemps.

Et dans ce cas, les portraits que tu fais, c’est plutôt de la peinture ?

Ce sont des étages. C’est-à-dire que c’est de la peinture, mais pas au sens classique du terme. Par exemple, récemment, j’ai fini quelque chose où l’image est formée par des étages de morceaux de carton, avec le fond du tableau qui est troué.

Tu n’aurais pas le projet de faire un livre uniquement avec des portraits de dignitaires nazis ?

Oui, ce serait bien !

Au Dernier Cri, tout en sérigraphie !…

Oui, je vais faire ça. Tu me donnes une idée. Je vais dire : d’après l’idée géniale de Xavier-Gilles Néret !… Ah ah ah !…

Pour en revenir au travail salarié, tu disais que c’était quand tu étais jeune…

J’ai travaillé aux Foufounes, qui était quand même moins pire qu’un milieu de travail ordinaire. Et je suis devenu sérigraphe, à mon compte. Et maintenant, depuis 2000 à peu près, je suis assisté social, je touche une petite somme.

Et le reste de tes revenus, c’est ton mécène, juste une personne…

Oui, c’est mon mécène. Je pourrais vivre sans lui. Mon B.S. [« bien-être social », l’équivalent du R.S.A.] me le permettrait. Mais disons qu’il me tient la tête en haut de l’eau.

De toute façon, tu n’es pas un grand consommateur…

Non, en effet… Mais j’ai un vélo !…

Tu vis simplement…

Oui, voilà. À l’occasion, je peux claquer mon fric, par exemple, dans du matériel pour peindre. À l’occasion mais rarement. Sinon, réparation du vélo, ou d’autres trucs… Là, je me rends compte qu’en revenant au Québec, il faudrait que je me rachète des fils, pour faire un peu de noise bizarroïde.

Quand tu vois ton avenir, tu vas continuer à dessiner, à faire des livres…

Oui, je ne pense pas que je vais changer vraiment. Je pourrais faire plus de pub, mais pour moi c’est abstrait tout ça. Je vois ça comme une dinde qui pond un œuf, après elle prend le camion pour aller au marché vendre ses œufs. Moi, mon plaisir, c’est de faire le tableau. Une fois qu’il est fait, j’en fais un autre. Je ne prends pas le téléphone. Je ne vais jamais dans les vernissages à Montréal. Ça ne m’intéresse pas vraiment, parce que c’est toute une partie de connexion, de pistonnage. Pour moi, non, c’est abstrait. J’ai l’impression que je vais finir quand même par être reconnu – je le suis déjà un peu –, mais plus tard. C’est sur le long terme cette affaire-là, j’imagine.

Et quant au Dernier Cri, tu te sens assez proche de Pakito, c’est une sorte de frère…

Oui.

Et y a-t-il d’autres gens du Dernier Cri dont tu te sens proche ?

Fredox et Laetitia. Ceux qui ont un peu mon âge en fait. Les plus jeunes, je ne les connais pas. Je viens rarement à Paris. À Montréal, on est tous aux portes de la vieillesse, ceux que je connais ont entre cinquante-cinq et soixante-cinq ans. Il n’y en a pas beaucoup. Il n’y a personne d’autre que moi qui est au Dernier Cri. Certains font de la BD, mais il n’y en a plus qui continuent en fait.

Ils ont arrêté, ils sont passés à autre chose…

Oui. Ou ils vont travailler. Ou j’en connais qui font dans l’art contemporain. Ils gagnent leur vie là-dedans. Mais c’est fini les graphzines trash et tout. Ils font de belles installations…

Des trucs qui se vendent aux institutions…

Exactement.

Et ça, ça ne t’a jamais tenté, toi ?

Non.

L’art contemporain, ça t’intéresse ?

Non. Longtemps j’ai tout rejeté en bloc. Mais à un moment donné j’ai participé avec mes BD à une exposition collective au Québec, dont le thème était très intellectuel, la révolte ou quelque chose comme ça, je ne me souviens plus exactement, et j’y ai vu une installation d’un Sud-Américain qui m’a un peu réconcilié avec l’art contemporain. À partir de déchets il construisait une favela, et il expliquait que plus de la moitié de la population mondiale vivait là-dedans. Depuis je suis moins catégorique. Je prends les œuvres qui passent devant mes yeux un peu à la pièce, c’est-à-dire que soit je ressens quelque chose, soit je ne ressens rien. Je ne peux pas dire aujourd’hui que je rejette complètement l’art contemporain, non, je pense qu’il y a des choses intéressantes.

Et toi, préfères-tu travailler seul ou avec un éditeur ?

Je préfère travailler seul. Si on me le proposait, je ne ferais pas de la commande. Je ne travaillerais pas avec un éditeur qui viendrait me voir pour me dire : fais donc un truc dans ce genre-là… Non. Mais de toute façon, ils ne m’approchent jamais.

C’est-à-dire que l’éditeur est un exécutant de ton travail…

Dans un monde idéal, oui. Mais mon Nitnit, en français, je doute qu’il y ait un seul éditeur qui ose le publier… Pourtant, je pense qu’on a le droit à la satire. C’est un droit. En tout cas, en anglais, Nitnit va être édité. C’est déjà bien.

On le trouvera en France, dans quelques bonnes librairies…

Oui, sûrement, ou sur le web. Mais ça va être un livre rare. Toi, je vais t’envoyer le PDF en français, tu l’auras en électronique.

Mais j’essaierai de trouver le livre, parce que j’aime les livres en papier…

Évidemment. Quand j’ai fini Le Palais dé Champions, je pensais le vendre en livre électronique, mais les gens ne veulent pas les livres électroniques, ils le veulent en support papier.

Oui, c’est mieux ! Et que penses-tu du livre publié par L’Association, Ab Bédex Compilato, qui reprend tes anciens ouvrages en un seul volume ?

Ah, oui, c’est bien. Déjà, j’étais vraiment surpris qu’ils le fassent… Les ouvrages repris sont complets. J’ai peut-être même fait quelques remaniements pour insérer des planches que je n’avais jamais réussi à mettre ailleurs.

Et ce livre est-il diffusé au Canada ?

Oui, il est disponible en librairie. J’espère qu’ils le vendent encore. J’imagine. Je sais que depuis que c’est Killofer, c’est comme une autre affaire, L’Association. Mais tu vois, moi j’étais sûr que mon dernier livre Le Palais dé champions allait passer comme une lettre à la poste, mais non, ils ne l’ont pas édité. C’était Stéphane Blanquet, à un moment donné, qui était supposé le faire. Mais comme je ne suis pas en France pour cogner aux portes… Quoi qu’il en soit, ça ne s’est pas fait.

Et Blanquet, tu le connais bien ?

Oui, Je l’ai rencontré à quelques reprises. Il avait édité une petite plaquette à l’époque de Chacal Puant.

Tu as été bien reçu en France, édité par Le Dernier Cri, Chacal Puant, Sortez La Chienne, L’Association, etc. As-tu pensé t’y installer ?

Oui. Mais le problème c’est qu’avant j’avais l’illusion mais pas la motivation, aujourd’hui, c’est le contraire, j’aurais la motivation mais pas l’illusion. C’est-à-dire que quand j’étais aux Foufounes, c’était plus un fantasme : oui, je voudrais foutre le camp et aller en France, mais quand tu as des enfants, un boulot, tout ça, ce n’est pas évident… Aujourd’hui, je pourrais très bien venir en France et vivre de ce que je fais, mais en même temps, si c’est pour vivre serré à Paris, j’aime mieux rester où je suis, il y a plus d’espace.

Peux-tu me parler des Foufounes Électriques ?

C’est un club de bands, une salle de concert, punk, rock. Un peu comme le CBGB à New-York. De grosseur, je dirais, intermédiaire, pas petite mais moyenne, assez grande. Il y avait presque des concerts sept jours sur sept à un moment. Beaucoup de bands sont passés par là. Un lieu important.

Et toi, que faisais-tu là-bas, à part les affiches ?

J’étais graphiste, je faisais les pubs, les affiches, les designs des tee-shirts, un paquet de trucs. Ce lieu existe encore. Mais la belle période, on l’a connue, je dirais, les dix ou quinze premières années, de 1984 à 1997. Il y a eu une fermeture à un moment donné dans ces années-là.

Y a-t-il eu des livres sur ce club ?

Non, je ne pense pas. C’est le problème du Québec, on n’accorde pas vraiment d’importance à ces choses…

Le graphisme que tu y faisais, c’était intéressant, ou c’était juste pour gagner ta vie ?

C’était intéressant, parce que j’avais semi-carte blanche, je dirais.

As-tu gardé des archives de tes travaux ? Tu as tout ?

Oui.

Donc éventuellement, tu pourrais faire un livre sur cette époque, avec toutes les affiches que tu as faites…

Oui. De ce que moi j’ai fait avec mes designs, parce que j’en ai fait un paquet d’autres à partir des images des bands. Mais eux ont des archives de tous les trucs qui se sont passés, des archives papier. Et moi je trouve dommage qu’ils n’aient pas d’archives visuelles des films. Il y a un mec qui a filmé beaucoup d’événements, mais il garde tous ses trucs pour lui. C’est ça qui est dommage. Moi-même j’ai voulu avoir certains documents, parce que j’ai eu un band de musique, et j’ai joué là-bas, mais ça a été impossible d’avoir quoi que ce soit.

Même avec les artistes, il ne les partage pas…

Non. J’imagine qu’il attend d’aller jusqu’au cimetière avec ça.

Et le pire, c’est que quand ce type va mourir, sa veuve va probablement tout mettre à la benne, comme ça arrive souvent…

Exactement. Tu sais, les archives, c’est fait pour être partagé. Il y a quand même un mec qui compile tout ça, et à un moment donné il m’a demandé ce que j’avais sur les Foufs, et j’ai envoyé toutes mes affiches, tout ce que j’avais de matériel visuel à moi, j’ai tout nettoyé. Il était très content, il ne s’attendait pas à ça. Parce que les affiches sont dans une boîte, au sous-sol, ils s’en foutent un peu, c’est triste. Ils avaient une mine, ils avaient des trucs magnifiques là-dedans. Moi j’ai même eu Kurt Cobain à côté de moi, pendant un après-midi, juste avant qu’il ne devienne célèbre.

Pour finir, une dernière question : quels sont les artistes qui t’ont le plus marqué ?

Moi je te dirais, au départ, dans le désordre, Hans Bellmer, ça a été un choc, et George Grosz… Ensuite il y a Willem, dans la BD, et puis aussi Crumb, évidemment, Hergé, il ne faut pas l’oublier, j’ai un immense respect pour lui, même si c’est un néo-colonialiste d’extrême-droite crypto-gay, il a tous les défauts, mais…

Nitnit, c’est un hommage.

Oui, absolument. Il faut voir ça comme quelque chose fait avec un immense respect, même si l’histoire est terriblement odieuse, mais on ne se surprend pas des répliques dans la bouche des personnages, c’est naturel. Et en même temps, j’ai respecté la structure de l’histoire d’Hergé. Je les connais par cœur les Tintin, presque. Je les ai lus enfant. C’est un grand respect, mais je ne suis pas sûr que tout le monde voit ça de la même façon…

Bellmer et Grosz sont tes deux phares…

Oui, mes deux fortes influences. Quand j’ai vu leurs tableaux, adolescent, je suis resté scotché, Bellmer surtout, avec la sexualité… Ça c’est la classe, Bellmer.

Et est-ce que tu lis ?

Pas beaucoup. Non, malheureusement, je ne suis pas très lecteur. Moi, je regarde les images, comme un enfant…


VALIUM FOR EVER DU VALIUM POUR TOUJOURS


henriettevalium.com


neret
Xavier-Gilles Néret ‘Graphzine-Graphzone’ 2019

Pour ceux qui veulent voyager au centre de l’histoire graphique underground. “Graphzine Graphzone” est la première étude approfondie consacrée aux graphzines préparée par Xavier-Gilles Néret.

GRAFZINE GRAFZONE


Henriette Valium: Le Salon Vendetta & Le Festival Vendetta Ta-Ta-Ta

Dessin en hommage à Henriette Valium by Julien Gardon

“Nul n’est prophète en son pays. À part peut-être Ben Laden !

LE SALON VENDETTA & LE FESTIVAL VENDETTA TA-TA-TA

Chéries Graphies

Sébastien Boistel / Ventilo Magazine no: 476

Après la pause covidienne, le salon marseillais du fanzine Vendetta fait son retour. Et la nique aux censeurs avec un hommage au pilier de l’underground canadien, Henriette Valium.

Sur la porte du Dernier Cri, à la Friche de la Belle de Mai, un écriteau en guise d’avertissement : « Interdit aux moins de 16 ans ». La réalité, deux étages plus bas, serait-elle moins crade, avec ce Pôle Emploi au frontispice duquel un chômeur a inscrit à la bombe « Donnez-moi du travail » ? Au Dernier Cri, en tout cas, on n’en manque pas, l’équipe étant en train d’usiner ferme pour l’ouverture de la neuvième édition du salon marseillais du fanzine et de la microédition, Vendetta, qui se déroulera du 10 et 12 février. Un festival créé en 2013, en marge cette année où Marseille fut éphémère Capitale européenne de la Culture. Et qui, Covid oblige, a dû faire une pause en 2022. Alors, pour son retour, Pakito Bolino, fondateur du Dernier Cri et du salon, met les bouchées doubles. Sans cacher une certaine nervosité. Il faut dire que le climat est loin d’être serein, comme en atteste la polémique qui a entouré l’exposition de Bastien Vivès à Angoulême, puis son annulation. Dans le Monde, une quarantaine d’acteurs culturels ont dénoncé une société au « bord de l’obscurantisme ».


Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023
Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023
Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023
Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Video record by Marc Tessier, 2023

After the Covid break, the Marseille salon of the Vendetta fanzine is back. And the picnic to the censors with a tribute to the pillar of the Canadian underground, Henriette Valium.

On the door of the Dernier Cri, at the Friche de la Belle de Mai, a sign as a warning: “Forbidden to under 16s”. Would the reality, two floors below, be less dirty, with this Pôle Emploi on the frontispiece of which an unemployed person wrote in a bombshell “Give me work”? At the Dernier Cri, in any case, there is no shortage of them, the team being hard at work for the opening of the ninth edition of the Marseille fanzine and micropublishing fair, Vendetta, which will take place from 10 and February 12. A festival created in 2013, on the sidelines this year when Marseille was ephemeral European Capital of Culture. And who, Covid obliges, had to take a break in 2022. So, for his return, Pakito Bolino, founder of the Dernier Cri and of the show, is working hard. Without hiding a certain nervousness. It must be said that the climate is far from serene, as evidenced by the controversy that surrounded the exhibition of Bastien Vivès in Angoulême, then its cancellation. In the World, about forty cultural actors have denounced a society on the “edge of obscurantism”.

After the Covid break, the Marseille salon of the Vendetta fanzine is back. And the nick of the censors with a tribute to the pillar of the Canadian underground, Henriette Valium (on the cover of this issue)

Ventilo no: 476 (2023)

Après s’être retourné le cerveau et les pupilles à la Friche, direction donc Data et l’Embobineuse pour mettre ses tympans à rude épreuve.

De quoi rappeler à certains quelques mauvais souvenirs. Alors, pour faire la nique aux censeurs de tout poil, Vendetta va rendre hommage à Henriette Valium, un pilier de l’underground canadien. Qui, nous explique Pakito, « est peut-être celui qui a contribué à ce que le Dernier Cri existe. Alors que j’y faisais les beaux-arts, quand il est venu à Angoulême dans les années 80, je l’ai hébergé. Puis, quand je vivais à Paris, j’ai eu l’occasion d’aller le voir au Canada. Et en voyant son travail, ce qu’il avait réussi à faire, je me suis dit que, moi aussi, je devais monter mon propre atelier de sérigraphie. »

Voilà pourquoi, au quatrième étage de la Friche de la Belle de Mai où, bientôt, pas loin d’une petite centaine d’exposant s’installeront à la faveur d’une pénombre aussi tortueuse que leur production, ça ne chôme pas. Pour reproduire, à l’entrée, la couverture d’une de ses œuvres, Cœur de maman. Ou reconstituer, quasi à l’identique, son atelier ! « À la fi n de sa vie, Valium vivait dans un garage qu’il a lui-même aménagé en glanant ici et là des morceaux de palettes, des bouts de bois. Sa cabane au Canada… »

Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023

Henriette Valium 2015

“At the end of his life, Valium lived in a garage that he built himself by gleaning here and there pieces of pallets, bits of wood. His cabin in Canada…”

Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023
Henriette Valium & Pakito Bolino, In the memory of good old days – Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023

“Is perhaps the one who helped make the Le Dernier Cri exist. While I was studying fine arts there, when he came to Angoulême in the 80s, I hosted him. Then, when I was living in Paris, I had the opportunity to go see him in Canada. And seeing his work, what he had managed to do, I said to myself that I, too, should set up my own screen printing workshop.”

Something to bring back some bad memories. So, to poke fun at censors of all stripes, Vendetta will pay tribute to Henriette Valium, a pillar of the Canadian underground. Who, Pakito explains to us, “is perhaps the one who helped make the Le Dernier Cri exist. While I was studying fine arts there, when he came to Angoulême in the 80s, I hosted him. Then, when I was living in Paris, I had the opportunity to go see him in Canada. And seeing his work, what he had managed to do, I said to myself that I, too, should set up my own screen printing workshop. »

This is why, on the fourth floor of the Friche de la Belle de Mai where, soon, not far from a hundred or so exhibitors will be settling in favor of a penumbra as tortuous as their production, it is not idle. To reproduce, at the entrance, the cover of one of his works, Coeur de Maman. Or reconstruct, almost identically, his workshop! “At the end of his life, Valium lived in a garage that he built himself by gleaning here and there pieces of pallets, bits of wood. His cabin in Canada…”


Henriette Valium, Pakito Bolino & Caro Caron (2019)

Pakito ne cache pas son admiration : « Si c’est la dernière expo du Dernier Cri et la dernière édition de Vendetta, autant fi nir avec un vrai punk ! C’était aussi presqu’un moine, capable de passer des mois sur une planche, des années sur un album. Mais, s’il a été édité en France au Dernier Cri à ou à l’Association, il n’a pas bénéfi cié d’une grosse diff usion au Canada. Comme on dit, nul n’est prophète en son pays. À part peut-être Ben Laden ! »

Et d’espérer que l’expo puisse tourner tandis qu’il fait le tour du chantier. « Ici, on pourra voir ses vidéos. Et là, il y aura la possibilité d’écouter sa musique. Il avait un groupe de punk, Valium et les dépressifs, et on a fait aussi des trucs ensemble, un peu plus indus. Il a commencé la sérigraphie en faisant des affi ches pour des groupes et pour une salle mythique à Montréal, les Foufounes électriques. »


Pakito does not hide his admiration: “If this is the last exhibition of Le Dernier Cri and the last edition of Vendetta, you might as well end up with a real punk!” He was also almost a monk, able to spend months on a board, years on an album. But, if it was published in France at Dernier Cri or at the Association, it did not benefit from a large distribution in Canada. As they say, no one is a prophet in his country. Except maybe Bin Laden! »

And to hope that the exhibition can rotate while he goes around the construction site. “Here we can see his videos. And there, there will be the possibility of listening to his music. He had a punk band, Valium and the Depressives, and we also did some stuff together, a little more industrial. He started screen printing by making posters for groups and for a mythical venue in Montreal, Les Foufounes Electriques. »


Henriette Valium & Pakito Bolino, In the Name Good Old Days – Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / 2023
Le Salon Vendetta & le festival Vendetta ta-ta-ta / Photo by Marc Tessier, 2023

De fait, ce salon ne serait pas ce qu’il est sans son prolongement musical, Vendettatata. Après s’être retourné le cerveau et les pupilles à la Friche, direction donc Data et l’Embobineuse pour mettre ses tympans à rude épreuve. Au programme, entre autres, le son poppunk de Péritel, la noise de Tremble, les machines de Tout Est Cassé ou encore la papesse du synthé bruitiste, Jean-Michelle Tarre.

Mais Vendetta, dans une ville qui, contrairement à Poitiers, n’a pas de fanzinothèque ou de lieu à proprement parler dédié à la microédition, c’est avant tout l’occasion unique de rencontrer la crème du fanzinat. Qu’il soit canadien, québécois… Mais aussi, évidement marseillais, comme Même Pas Mal, Corbak Press ou Bizarroïde Édition.

Sébastien Boistel

Salon Vendetta : du 10 au 12/02 à la Friche de la Belle de Mai (4 rue Jobin, 3e). www.lafriche.org

Vendetta ta-ta-ta : les 10 & 11/02 à Data (44 rue des bons enfants, 5e) et à l’Embobineuse (11 boulevard Bouès, 3e). Rens. : www.lembobineuse.biz

Ventilo Magazine no: 476


Desperfecto de Henriette Valium (Detail)

In fact, this show would not be what it is without its musical extension, Vendettatata. After turning your brain and your pupils upside down at the Friche, head to Data et l’Embobineuse to put your eardrums to the test. On the program, among others, the poppunk sound of Scart, the noise of Tremble, the machines of Tout Est Cassé or even the popess of the noise synth, Jean-Michelle Tarre.

But Vendetta, in a city which, unlike Poitiers, has no fanzinotheque or place strictly speaking dedicated to micropublishing, it is above all a unique opportunity to meet the cream of the fanzinage. Whether Canadian, Quebecois… But also, of course, from Marseille, like Even Pas Mal, Corbak Press or Bizarroïde Édition.

Sébastien Boistel

Salon Vendetta : du 10 au 12/02 à la Friche de la Belle de Mai (4 rue Jobin, 3e). www.lafriche.org

Vendetta ta-ta-ta : les 10 & 11/02 à Data (44 rue des bons enfants, 5e) et à l’Embobineuse (11 boulevard Bouès, 3e). Rens. : www.lembobineuse.biz

Ventilo Magazine no: 476


Henriette Valium: (May 4, 1959 – September 3, 2021), known professionally as Henriette Valium, was a Canadian comic book artist and painter based in Montreal, Quebec. n March 2013, some of Valium’s art pieces were shown at Espace Robert Poulin in Montreal. Valium won the Pigskin Peters Award at the 2017 Doug Wright Awards for his Palace of Champions graphic novel (Conundrum, 2016).


Levent Güner’in Ardından

Levent Güner

Bu Dünyadan Bir Levent Güner Geçti

Utku Yurttaş

Rio de Janeiro’da sabahın yedisi. Uyandım, göz ucuyla facebook’ta olan bitene bakarken Yücel Erten’in ”Levent Güner… Işıklar ve alkışlarla…” gönderisini gördüm. İnanmak istemiyor insan. İsim benzerliği heralde diye düşündüm. google’a sordum ve haberin doğru olduğunu görüp evin içinde yüksek sesle bağırıp ağlamaya başladım. Bedenim ilk defa ölüm karşısında böyle bir tepki veriyordu. Bu kadar sevdiğim bir dostumu kaybetmemişim daha evvel. Bilmiyordum nasıl bişey olduğunu. Karım koşup yanıma geldi ne oluyor diye. İnsan ister istemez ölüm haberi duyunca merak ediyor ölen kişinin yaşını. Ölen kişi çocuksa insan daha çok üzülüyor, 97 yaşındaysa, e iyi yaşamış, allah rahmet eylesin deniyor. Karımda herkesin merak ettiği gibi doğal olarak kaç yaşındaydı diye sordu. Zor soru. Herkesin içinde olan çocuğu Levent tamamen özgür bırakmıştı. Heybetli cüssesinin aksine Levent’in ruhu ve kalbi çocuk gibiydi. Yaşı yoktu.

2004 yılı, Yıldız Teknik Üniversitesi’ndeki son senemdi. Beşiktaş kampüsünde arkadaşlarla otururken heyecanlı bir şekilde geldi davulcu Özgür Devrim Akçay. Nam-ı değer ”Kopuk Özgür”

Levent Güner, Brüksel, 2009

”Moruk, süper bir abiyle tanıştım. Tiyatrocu. Devlet Tiyatrolarında Zafer Algöz’ün yönetmenliğini yaptığı bir çocuk oyununa müzik grubu aranıyor. Bu abi de benden müzik ekibi oluşturmamı istedi. Piyano çalmak ister misin? ” dedi. Benim hoşuma gitti teklif. Hem Zafer Algöz hem Devlet Tiyatroları ortamı. Peki dedim çalalım. Tanışmak için o zamanki Akm’nin en üst katındaki Borsa lokantasına gittik. Oturan abi bizi görünce ayağa kalktı, aslan gibi yakışıklı, inanılmaz nazik bir jön ”Merhaba Utku benim ismim Levent, çok sevindim geldiğine” dedi. Bu sırada sağımdan solumdan çok acayip kostümlü insanlar koşuşturuyor, sonra hoop altı yedi tane kuğu gibi bir birinden güzel balerinler geçiyor, Nur Subaşı (sonradan öğreniyorum kim olduğunu) Levent’in yanına gelip bir espri patlatıyor. Arkamda oturan bas biraz sonra temsilde söyleyeceği partisini gürlüyor. Allah diyorum, nereye düştüm ya rabbi. Cennetteyim heralde.

Levent başlıyor anlatmaya. Ne çalacağız, nasıl bir oyun olacak. Benim içim içime sığmıyor. Bir hafta sonra, şu ana kadar en çok gülüp eğlendiğim projelerimden bir olacak oyunun provalarına Tülin Özen, Yasemin Balık, Emin Olcay, Gökçer Genç, Zafer Algöz ve Levent Güner ile başladık.

Biz yirmili yaşların başındayız. Enerjiler patlıyor. Bu vur patlasın çal oynasın şenliğindeki ortamda Levent bizi dizginlemeye çalışıyor. “Oğlum yapmayın etmeyin, free jazz çalmayın bu adamların kafası karışır, tiyatrocular müzik konusunda biraz yeteneksizdir, yardımcı olun. Özgür birleri ver, Utku sende biraz normal akorlar çal.”

Levent abinin şahane mentorluğu sayesinde bir kaç hafta sonra süper bir latin orkestrasına dönüştük. Hepimizin Levent’e acayip kanı kaynadı, ve uzun yıllar sürecek olan dostluğumuz başladı.

Amsterdam’da sarhoş olup sokaklarda kaybolduk, gülme krizlerine girip yerlerde yuvarlandık, Fethiye’de tekneyle gün batımında uzaklara gidip yunuslarla yüzdük, bir gün oyuncu Şenay Gürler’le beraber teknenin motoru bozulunca denizin ortasında kocaman bir motor yata otostop çektik, Berlin’de ve Köln’de defalarca şahane tiyatro temsillerine gittik, Wuppertal’de Pina Bausch kumpanyasından Cafe Müller izlerken Henry Purcell’ın ”O Let Me Weep” aryası başlayınca ağladık. Biz gösteriyi izlerken Wim Wenders Pina filmi için sahneye set kurmuştu, Wenders sahneye çıkıp “verdiğimiz rahatsızlıktan ötürü özür, beş ay sonraki filmin Lichtburg’taki (Almanya’nın en havalı sinemalarından biri) galasına hepiniz davetlisiniz” deyince Levent çok sevindi fakat sonra hay allah o ay buraya tekrar gelemem provam var deyip üzüldü. Levent büyük bir Pina hayranıydı. Gösteriden sonra Pina’nın efsane dansçılarından Dominique Mercy ile tanıştırdım, acayip hoşuna gitti. Sonrasında Pina’nın bir kaç dansçısıyla beraber Cafe Ada’ya şarap içmeye gittik. 2004’te Akm’deki ilk günümde yaşadığım ”ne şahane ortam” duygusunu bu sefer ben ona yaşatıyordum.

Levent Güner ve Utku Yurttaş

Bu hayatta tanıştığım en nazik, cömert, neşeli, insanı enerjisiyle yukarlara çıkaran, iyi kalpli, şahane sanat sepet muhabbetleri yapabildiğim insanlardan biriydi Levent.

Müthiş oyunculuğunun yanı sıra, müzik konusunda çok kabiliyetliydi. Perküsyon çalardı, hatta şarkıcı Alpay’la bir kaç konser vermişliği vardır. Sanırım Amerika’da bile çaldılar beraber. Gitar çalıp şarkı söylerdi, alto saksafon çalardı, ahşap masa sandalye yapardı, yelkenden anlardı, çok iyi bir fotoğrafçıydı. Benim uzun yıllar sosyal medyada ve konser afişlerimde kullandığım fotoğrafların mimarıdır.

Çevresindeki herkese çok iyilik yapmıştır. Levent iyilik yapmaya odaklanmıştı. Bana maddi manevi çok iyiliği dokunmuştur.

Harbiye’deki evi kültür sanat tekkesiydi. O zamanlar youtube, spotify falan yoktu, hepimiz orda toplanıp son çıkan caz, latin cd’lerini dinleyip, tiyatro, heykel, edebiyat üzerine konuşup aydınlanırdık. Bu muhabbetlerimize en şahane sofralar, mezeler eşlik ederdi. Levent sofra kurmayı çok severdi. Meyhanelerde en baba sofraları kurdurup kimseye asla hesap ödetmezdi.

Son yıllarda pek arayıp sormadım, vefasızlık ettim Levent’e. Geçen eylül ayında arayıp ”abi kusuruma bakma, sana çok vefasızlık ettim, seni çok seviyorum ve epeyi özledim” deyince telefonda ağlamaklı oldu ”ah be Utku, sen benim oğluşumsun, canım benim” deyip ısrarla Çeşme’deki evine davet etti. Maalesef gitmeyi başaramadık. Geçen ay Amazon’daki arsamızda yaptığımız kızılderili evinin fotoğraflarını yollayınca, bana son mesajı “oh be çatıya bak, yüreğim ferahladı” oldu.

Önümüzdeki hafta Kolombiya’daki üç konserim de Levent’i anma konserleri olacak. Onun sevdiği ve bestelediği bir kaç parçayı çalacağım.

Levent Güner

Beraber çalıştığımız tiyatro oyunundaki replikle veda edeyim sana canım arkadaşım.

”Güle güle Aleko. Ne garip, şimdi yalnızım…”

6 Şubat 2023, Rio De Janerio


Kuzgun Acar’a İşaret Etmek İçin 16 Neden

Kuzgun Acar (portre)

Kuzgun Acar’a işaret etmek gerekir çünkü o(nun)…

  1. Yaptığı her yontuda bir çığlık vardır.
  2. İnsanın zapt edilemeyeceğine, durdurulamayacağına, duramayacağına inanmıştır ve hareketin heykelini yapmıştır.
  3. “Yanlış”ı bulmanın “doğru”yu bulmak yolundaki en büyük adım olduğunu düşünür.
  4. Çivileri sever, eserlerine irkilmeden yaklaşamazsınız.
  5. Malzemesini hurdacıdan toplar, kaynakçı gözlüğüyle çalışır.
  6. İnsanın ancak kendi vicdanı kadar insan olabileceğini bilir.
  7. Devinim ve eylem adamıdır. Sadece kendi yaratıcılığından beslenmiştir. Her şeye karşı bir başkaldırır.
  8. Eserlerinde “hacim” olgusunu iplemez, tel elekten heykeller yapar.
  9. Mimiklerini kullanmakta zorluk çeken amatörlerden, öğrencilerden ve işçilerden oluşan sivil bir “Sokak Tiyatrosu” için özel masklar yapmıştır.
  10. Hayatının son günlerinde Marmara Adası’na “Balıkçılarla birlikte ağ çeken bir Atatürk heykeli” yapmayı düşünmüştür.
  11. Babasıyla birlikte Boğaz’da balığa çıkar. “Ördek” ve “Hanım İğnesi” isminde iki teknesi olmuştur.
  12. Hem “Afrikalı bir büyücü”, hem “İstanbullu bir beyefendi” hem de “19. yüzyıldan kalma bir nihilist” olarak yaşamıştır.
  13. Gerektiğinde, otomobillerin altını yıkamış, mensucat ustabaşılığı, bar fedailiği ve meyhanecilik yapmıştır.
  14. Akademi’de -bir ağaç dalını kırdığı için- Zeki Faik tarafından fişlenmiştir. Asıl neden, komünist olmasıdır.
  15. Eylül 1972’de gözaltına alınmıştır. Kendisiyle beraber gözaltında bulunan diğer insanlara çokça yardım etmiştir.
  16. 1967 yılında Türkiye’nin ilk gökdeleni olan Emek İşhanı’nın (Ankara-Kızılay) cephesine 13 metre boyunda bir “Türkiye” rölyefi yapmıştır. Dönemin en büyük rölyefi olan bu çalışma gazetelerde “Soyut Sanat Değer Buldu!” manşetiyle tanıtılmıştır. Ölümünün “hemen” ardından 1976 yılında yerinden sökülen “Türkiye” rölyefi Emekli Sandığı’nın deposuna kaldırılmış, 1990’da ise parçalanıp hurdacılara satılmıştır ve kaybedilmiştir. Bu ihmal, sanat çevrelerinde “öfke”yle karşılanmıştır.

Araştıran ve Derleyen: ZaferYalçınpınar

Şubat 2009, kargamecmua


EVV3L kapsamındaki Kuzgun Acar araştırmaları şurada:

evvel.org/ilgi/kuzgun-acar


Hidden History of the 21st Century: TIMELESS EDITION

Timeless Edition: Seal and Signature, 2022

A l’aube du millénaire, à l’aube de ce siècle maudit où la cybernétique, les technologies de l’information et de l’intelligence artificielle ont envahi nos vies et sous couvert de positivisme toutes les valeurs humaines ont été arrogantes, et brutalement élaguées ; sans parler de la défense de l’héritage de la tradition moderniste, dans les bas-fonds de cette vie dite moderne où les jeunes se transforment en poubelles d’internet avec l’intention d’être une star du rock and roll, qu’avons-nous vraiment immanent à la culture écrite ?

“Dans la société postmoderne, où le social se dissout dans le quotidien, la critique de la vie quotidienne inclut inévitablement la critique des structures socio-politiques. Il est important dans ce contexte que le processus objectif, les zones de subjectivité que l’autorité normalisatrice de la consommation n’a pas encore dominées, communiquent sur la base d’une éthique anticapitaliste. Réduire la part de l’objectif, de l’argent, de l’échange et de la consommation dans la vie quotidienne sont des conditions nécessaires à l’émergence d’une subjectivité anti-autoritaire. Une libre anarchie d’émotions, de rencontres, d’intuitions, d’intensités libérées de l’objectivité. Décrypter, évacuer, satiriser et scandaliser les signes du quotidien, qui trouve finalement son expression dans la consommation. Perturbation et perturbation des relations de consommation avec les jeux et la contre-simulation. Mêlant dysfonction, défaitisme et inadéquation avec un enthousiasme anarchique et une créativité face à un quotidien conformiste où tout tient. Exposition critique de tous les pans de la vie quotidienne par des effets aliénants. À la différence de la fugacité des signes et de l’échange, la fugacité des intensités anti-autoritaires se rencontrant sur la base de l’entraide et de la solidarité, qui ne permet pas l’institutionnalisation du consommateur. Ce n’est pas une éphémère qui se vit et s’oublie, mais une éphémère qui porte l’espoir et la possibilité de se retrouver dans un autre espace autonome à l’avenir. Une anarchie qui ne se limite pas à la décentralisation et vise à éliminer toutes sortes de relations de pouvoir, de contrôle, de gestion, d’autorité et de hiérarchie dans la vie quotidienne.” -Sociologue Yaşar Çabuklu

En plus de toute cette médiocrité, on assiste à la germination de nombreuses idées innovantes et mouvements artistiques qui ont pu exister en créant leurs propres espaces indépendants, notamment sur le continent-europe et diverses parties du monde depuis les années 1980. Dans ce contexte, nous ne pouvons nous empêcher de mentionner TIMELESS Edition, qui a contribué à nous faire découvrir ces talents extraordinaires, notamment avec ses trésors culturels écrits uniques.


Genesis Breyer P-Orridge (R.I.P) with her book TRANART (2015)

Yoksa Dadaesk başkaldırı, Sürrealist Devrim ve Sitüasyonist Enternasyonal’in özgürlük düşünü çoktan rafa kaldırıp, kaderimizi sosyal medya algoritmalarına mı bıraktık?!

Bin yılın şafağında, sibernetik, bilişim ve yapay zeka teknolojilerinin hayatımızı istila ettiği, ilerlemecilik (positivism) kisvesiyle insani tüm değerlerin acımasız, küstah ve zorbaca budandığı bu lanetli yüzyılın şafağında, modernist geleneğin mirasına sahip çıkmak şöyle dursun gençlerin bağlantı hızıyla -rock’n roll yıldızı niyetine- birer internet çöpüne dönüştürüldüğü bu sözde modern gündelik hayatın sığlığında, gerçek anlamda yazılı kültüre içkin elimizde ne var?!

“Toplumsal olanın gündelik olan içinde eridiği postmodern top­lumda gündelik hayatın eleştirisi, ister istemez toplumsal-politik yapıların eleştirisini de içerir. Nesnel sürecin, tüketimin standartlaştırıcı otoritesinin henüz hâkimiyet kuramadığı öznellik alanları­nın, anti-kapitalist bir etik temelinde iletişime girmesi bu bağlamda önem kazanır. Gündeliğin içindeki nesnel olanın, paranın, mübade­lenin, tüketimin payının azaltılması anti-otoriter bir öznelliğin olu­şabilmesi için gerekli koşullardır. Nesnellikten kurtulmuş duygula­rın, rastlaşmaların, sezgilerin, yoğunlukların özgür anarşisi. Her şe­yin önünde sonunda ifadesini tüketimde bulduğu gündelik hayata ilişkin göstergelerin deşifre edilmesi, anlamlarının boşaltılması, hicvedilmesi, skandalize edilmesi. Tüketim ilişkilerinin oyunla, kar­şı simülasyonla bozulması, aksatılması. Her şeyin uyduğu konformist bir gündelik hayata karşı işlevsizliğin, bozgunculuğun, uygun­suzluğun anarşizan bir coşku ve yaratıcılıkla birleştirilmesi. Gün­delik hayatın tüm parçalarının yadırgatıcı, yabancılaştırıcı efektler aracılığıyla eleştirel teşhiri. Göstergelerin ve değiş tokuşun geçici­liğinden farklı olarak anti-otoriter yoğunlukların tüketimsel kurum­sallaşmaya imkân tanımayan, karşılıklı yardım ve dayanışma teme­linde buluşmalarının geçiciliği. Yaşanıp unutulan bir geçicilik de­ğil, ileride başka bir otonom alanda buluşma umudunu ve imkânını içinde taşıyan bir geçicilik. Kendini desantralizasyonla sınırlama­yan, gündelik hayattaki her türlü iktidar, denetim, yönetim, otorite ve hiyerarşi ilişkisinin ortadan kaldırılmasını amaçlayan bir anarşi.” -Yaşar Çabuklu

Özellikle 1980’lerden bu yana kıta-avrupasında ve dünyanın çeşitli bölgelerinde kendi bağımsız alanlarını yaratarak varolabilmiş, ve halen de varoluş mücadelesi veren bir çok yenilikçi düşünce, alternatif-kültür ve sanat hareketinin filizlendiğini görüyoruz. Bu bağlamda ortaya koyduğu nitelikli eserlerle bizleri bu sıradışı yeteneklerle tanıştıran TIMELESS Edition’a değinmeden edemezdik.


I can’t believe they can’t talk to each other directly… by Shintaro Kago

Or have we already shelved the dream of freedom of the Dadaesque rebellion, the Surrealist Revolution and the Situationist International and left our fate to social media algorithms?!

At the dawn of the millennium, at the dawn of this cursed century when cybernetics, information and artificial intelligence technologies invaded our lives and in the guise of positivism all human values ​​were arrogantly and brutally pruned; let alone defending the legacy of the modernist tradition, In the shallows of this so-called modern life where young people are turning themselves into internet trash -with the intention of being a rock’n roll star-, what do we have truly immanent to written culture?

“In the postmodern society, where the social dissolves into the everyday, the critique of everyday life inevitably includes the critique of socio-political structures. It is important in this context that the objective process, the subjectivity areas that the standardizing authority of consumption has not yet dominated, communicate on the basis of an anti-capitalist ethic. Reducing the share of the objective, money, exchange and consumption in everyday life are necessary conditions for an anti-authoritarian subjectivity to emerge. A free anarchy of emotions, encounters, intuitions, intensities freed from objectivity. Deciphering, evacuating, satirizing, and scandalizing the signs of everyday life, which ultimately finds its expression in consumption. Disruption and disruption of consumption relations with games and counter-simulation. Combining dysfunction, defeatism and inappropriateness with anarchic enthusiasm and creativity against a conformist everyday life where everything fits. Critical exposure of all parts of everyday life through alienating effects. Unlike the transience of signs and exchange, the transience of anti-authoritarian intensities meeting on the basis of mutual aid and solidarity, which does not allow for consumer institutionalization. It is not a transience that is lived and forgotten, but a transience that carries the hope and possibility of meeting in another autonomous area in the future. An anarchy that does not limit itself to decentralization and aims to eliminate all kinds of power, control, management, authority and hierarchy relations in daily life.” -Sociologist Yaşar Çabuklu

In addition to all this mediocrity, we are witnessing the sprout of many innovative ideas and art movements that have been able to exist by creating their own independent spaces, especially in the continent-europe and various parts of the world since the 1980s. In this context, we cannot help but mention TIMELESS Edition, which has been instrumental in introducing us to these extraordinary talents, especially with its unique written cultural treasures.

NAROK group exhibition poster

“Catalogue of the mindblowing and huge exhibition dedicated to the NAROK group exhibition done by Le Dernier Cri in Marseille from Nov 2021 till Feb 2022. This exhibition was initiated by Pakito Bolino after being inspired by ‘NAROK’ photo book by Stephen Bessac and published by Timeless Ed. in 2019.

This book shows the various reinterpretations of Thai hell’s gardens done by a myriad of artists from all over the world. To recreate those hellish visions, they used very different medias such as painting, drawing, screen printing, etching, sculptures, video,… This a state-of-the-art tribute to the mortuary cult and also to Thai popular culture dealing with that subject such as horror mangas.”

NAROK exhibition catalogue, Co-published by Le Dernier Cri and Timeless Editions, 2022
NAROK Exhibition Opening in Marseille, 2021
NAROK exhibition catalogue, Co-published by Le Dernier Cri and Timeless Editions, 2022
NAROK exhibition catalogue, Co-published by Le Dernier Cri and Timeless Editions, 2022
NAROK

BUY BOOKS AND PRINTS !!!

NAROK Exhibition Catalogue

Le Dernier Cri & Timeless Editions

2022 – France


Antoine Bernhart ‘JUJU JINX’, Timeless Editions 2022

Antoine Bernhart’s “JUJU JINX”

Nearly 15 years after his Skull Skool series, Antoine Bernhart returns with Johnny Skull and his brand new skeleton army. But wait, there’s more, much more. The cast of Antoine’s intimate theatre of cruelty features a priapic Elvis, disturbing Wild Ones, sleazy folk bands, fiendish cowboys, shibari masters at their best, an extra-lustful Bettie Page, dead and undead famous rock’n’rollers including the ones Antoine worked for (The MeteorsTall BoysThe Cramps,…)

Antoine Bernhart ‘JUJU JINX’, Timeless Editions 2022
Antoine Bernhart ‘JUJU JINX’, Timeless Editions 2022

Antoine Bernhart ‘JUJU JINX’, Timeless Editions 2022

The sick and sexy dark ink from Antoine Bernhart

will inevitably cast a spell on you.

Foreword by Nick Garrard of Psychobilly scene fame

The book is available in a standard and different special editions.

JUJU JINX (standard edition) – Antoine Bernhart


Antoine Bernhart ‘PAPIERS HANTÉS’ – Timeless Editions 2022

Antoine Bernhart started to produce automatic drawings in the mid 60s and they were published along with Christian Bernard’s writings in 1968 as a book called ‘H‘.

This book drew the attention of PHASES which was an international art group created by Edouard Jaguer gathering writers influenced by Lautréamont, some Surrealist artists and some from the Lyrical Abstraction movement.

Antoine became a member of this artistic group as soon as his automatic drawings were published in the PHASES magazine (which included collaborators such as Wifredo Lam and Pierre Soulages).

PAPIER HANTÉS is a book compiling recent and older examples of Antoine’s automatic drawings which were exhibited at the MAMCO (Museum of Modern Art of Geneva) as well at Les Abattoirs (Museum of Modern art of Toulouse).

‘PAPIERS HANTÉS’ – Timeless Editions 2022

This extract from the Christian Bernard foreword give us a very good glimpse of the book’s content :

When Bernhart puts his pen to Bristol board, the lines it will draw are not present in the artist’s mind; they are not lucidly projected. A nascent curve suggests an organic shape which slowly becomes clearer and merges into others which carry it or drown it under their adjacent movements. In other words, the artist welcomes the shapes that appear in the wake of his pen and accompanies them in their maturation and proliferation.”

PAPIERS HANTÉS (standard edition) – Antoine Bernhart


Timeless Editions

FOR BOOKS AND FAR WORSE

RESISTANCE Since 1997


Dave 2000: Un Château Perpétuel -Interview Exclusive-

Vues d’ exposition ‘Un Château perpétuel’ Le Dernier cri, La friche belle de mai
Photographié par REAP, Marseille, Février 2022

“Un château perpétuel est un vortex, une méta-peinture sans limites de dimensions ni de bords où l’ héritage dadaïste, expressionniste et médiéval se colisionnent avec d’ anciennes cultures et d’ autres plus modernes dans une vision fantastique.

Un château perpétuel est un fleuve de papiers peints puis découpés, un flux continu de peinture comme une fin en soi qui ne propose pas un résultat mais de multiples formes et combinaisons.Un château perpétuel se développe et étend son espace au gré des pinceaux et de leur fantaisie. Dans un chateau chaque élément fonctionne en lui même comme dans un tout fractal. Quant-au peintre d’ un château, il s’ y trouve comme Alice au pays des merveilles, il rêve et fabrique sa réalité en même temps qu’ il la traverse. Dans un château perpétuel, un peintre ne s’ autorise pas de s’accompagner de croquis préparatoires, pas plus qu’ il ne se permet une esquisse sur les supports.”

Vues d’ exposition ‘Un Château perpétuel’ Le Dernier cri, La friche belle de mai
Photographié par REAP, Marseille, Février 2022

Bonjour Dave, après une longue pause, j’espère que vous pourrez nous accorder un peu de temps pour avoir une petite conversation spécialement lorsque vous serez de retour dans le cyberespace avec vos aquarelles. Tout d’abord, merci beaucoup pour vos efforts et votre soutien pour notre exposition collective “Retina Decadence” il y a 2 ans. Malgré la faible participation due à la pandémie, l’exposition a été l’un des jalons de l’histoire de l’art souterrain d’Istanbul. Nous n’avons toujours pas réussi à nous débarrasser des effets des vidéo-animations d’Acid TV.

Malheureusement, la galerie a été bientôt fermée, mais les activités clandestines continuent à plein régime, et en tant que fanzine Löpçük, je fais de mon mieux pour créer une culture graphique critique anti-impérialiste.

Peut-on parler d’un vivre-underground computer culture aujourd’hui, où même le concept de « cyberpunk » s’est éloigné de son contexte et s’est transformé en une perception techno-fétichiste et s’est vidé ?

Il semble que la scène démo est toujours et contre toute attente encore extrêmement vivace. On peut y voir des choses artistiquement significtatives par exemple dans les compétitions de démos limitées à 4kb octets. Pour donner un ordre d’ idée un CV sauvegardé sous Word pèse entre 20 Kb et 30 Kb. Dans ces 4 Ko octets des orfèvres du code peuvent faire tourner : un moteur 3D et un contenu pour le moteur 3D. Ces démos sont de véritables performances, le code est au caractère près. C’ est de la pure poésie mathématique et syntaxique. Certains codeurs ont mis au point des moteurs 3D pour des ordinateurs “obsolètes” tels que des Commodore 64 ou même des ZX spectrum tandisqu’ il étaient considérés impossibles à programmer du temps où ces machines étaient utilisées dans les années 80/90. C’ est un point important ici et qui fait écho à l’ émergence des IA génératrices d’ images (Midjourney, DALL E 2 …). Ces IA sont proposées à qui le voudra pour jouer le rôle de “directeur artistique”; il s’ agit d’ écrire une simple phrase qui sera ensuite interprêtée par l’ IA qui produira une image faisant appel à des supercalculateurs dont l’ énergie nécessaire au fonctionnement est celle d’ un avion de ligne à sa vitesse de croisière.

Dreamdealers ‘Inner Vision’ Amiga demo (1991)

Pour en revenir à nos coders architectes des mathématiques ils ont le rôle inverse de ces IA dopées aux supercs aclculateurs en codant aujourd’ hui des programmes inconcevables dans les années 80, non pas car la technologie n’était pas assez avancée pour les concevoir – un Commodore 64 est aujourd’ hui le même qu’ en 1982 – mais bien par les progrès de la connaissance humaine en matière de programmation, non par un progrès technologique. Ces rétro demo makers sont les anges maudits des industriels du tout numérique leur philosophie n’ étant non pas le progrès en ligne droite de la technologie (et jusqu’ au mur s’ il le faut) mais la compréhension des technologies qui furent en place puis trop rapidement – progrès oblige – mises au rebus et sous exploitées.

Ces demo makers proposent le progrès de la connaissance et une certaine humilité dans le caractère dit “obsolète” du matériel employé tandis-que l’ industrie propose une course à l’ armement technologique explosive infinie dans un milieu fini. Choisis ton camp camarade, surtout si tu as des gosses : )

Vues d’ exposition ‘Un Château perpétuel’ Le Dernier cri, La friche belle de mai
Photographié par REAP, Marseille, Février 2022
Vues d’ exposition ‘Un Château perpétuel’ Le Dernier cri, La friche belle de mai
Photographié par REAP, Marseille, Février 2022

Call from the grave II, Group Exhibition, La Pop Galerie, 2020
Call from the Grave ll (Group Exhibition, 2020) Jurictus, Sam Rictus, Zven Balslev, Dave 2000, Andy Bolus, Le Dernier Cri

“Après, vous n’achèterez jamais plus le paquet de bandes dessi nées à la con que vous lisiez d’habitude” ,avait écrit Willem. illus­tre dessinateur et caricaturiste, notamment dans les colonnes de “Libé”, à propos du “Dernier Cri”.

Mondo Dernier Cri, Affiche 2020

Un “graphzine” à qui. à Sète, jamais à court d’idées quand il s’agit de mettre en relief les arts graphiques modernes (qu’ils oient brut ou rock’n’roll), Pascal Saumade a ouvert les portes de la “Pop Galerie”, quai du Pavois ‘Or. Et ce en marge de l’exposition “Mondo Dernier Cri, une Internationale Serigrafike” pré­sentée au Miam.

En tant qu’artiste de la vieille école, comment évaluez-vous les sous-cultures actuelles des jeunes par rapport aux années 90 ?

Les sous-cultures se numérisent, comme à peu près tout ce qui peut être convertie sous forme de “0” et de “1”. C’ est un constat factuel. Le numérique ne complète plus, il remplace. Les sous-cultures numérisées sont comme tout ce qui est numerisable et en conséquence révisionnable, censurable par ceux qui ont la main mise sur les serveurs. Alors maintenant que je suis barbu comme un gandalf je pense que la liberté et l’ énergie que j’ ai pu vivre dans les années pré-internet étaient bien entendu beaucoup plus riches de rencontres et de chocs artistiques intenses que ce qu’ il est encore possible de vivre aujourd’ hui. Il l’ étaient forcément d’ autant plus intenses que l’ accès à la culture – et encore plus aux sub-cultures – ne se faisait PAS par internet. Ce qui impliquait une durée, entre deux chocs esthétiques. Cette durée a été anéantie à l’ avènement des moteurs de recherche. Jusqu’ au milieu des années 90 nous n’ étions pas en fRance globalement équipés d’ internet, le monde n’ entamait alors que sa lente et exponentielle glissade vers l’ empire de la suggestion. Aujourd’ hui des algorithmes nous suggèrent de partout, nous manifestent ce que nous sommes censés aimer – ils le savent mieux que nous ou plutôt il ne le savent pas mais ont le pouvoir de nous imposer les opinions que nous sommes censés adopter. Les années 90 – 80 bien qu’ elles aussi numériques mais très peu connectée furent dispensées de cette machine à uniformiser les désirs et les comportements. Pour accéder aux sous-cultures il fallait par exemple envoyer de l’ argent et une lettre postale dans un pays lointain pour recevoir quelques semaines plus tard la démo de tel ou tel groupe. Ces groupes étaient référencés dans des fanzines papier eux même commendables de la même façon. Le façonnage d’ un goût artistique se faisait lentement, rythmé par les lenteurs de la poste, les limites des moyens financiers, les difficultés à contacter ces groupes obscurs et bien sûr le degré d’ ivenvestissement personnel (trouver des timbres étrangers, écrire une lettre et attendre un retour demandait un effort beaucoup plus conséquent que de cliquer des liens sur internet). Une démo se refilait de la main à la main entre amateurs locaux de la même musique générant du contact humain, de l’ échange verbal et un tissus culturel et social d’ initiés. Exactement le contraire du bazar illimité ultra suggestif d’ internet . La rareté et l’exception était le corolaire de l’ absence d’ un moyen de diffusion massive et nous étions suggérés et conseillés par des amis, des artistes, des amateurs forcenés, pas par des algorithmes appartenant à des entreprises cotée au premier marché.

Alors ce qu’ on peut penser de l’ état des subcultures c’ est qu’ elles survivent avec l’ élégance d’ une mauvaise herbe, du genre de celle qui sont matures à cinq mois et libère plus d’ oxygène que les tractopelles de l’ industrie et leur parterres de ronds-points.

Call from the Grave ll (Group Exhibition, 2020) Jurictus, Sam Rictus, Zven Balslev, Dave 2000, Andy Bolus, Le Dernier Cri

Synthèse & collage numérique (2018)
Dave 2000 ‘Phase 1’ Graff. 2020

Quand on regarde les réseaux sociaux, on voit tout le monde dans une attitude anticapitaliste et complaisante, mais que se passe-t-il réellement ? En tant qu’artiste, comment évaluez-vous ces extensions médiatiques qui nous sont présentées alors que « l’humanité » gémit de douleur dans la captivité des puissances impérialistes supranationales ?

Les populations sont sans défense devant des industriels, des banquiers, des militaires, des administrations et le contrôle inédit des GAFAM qui permettent de faire tourner le cirque. Mauvaise nouvelle, le monde a été kidnappé. Les medias sociaux sont des jeux vidéos dangereux, bien plus dangereux que le plus dégueulasse des FPS ou on pourrait torturer des petits chats au fer à souder. On attend Insta Kids avec une impatience à peine dissimulée. Victime de sa construction neurologique, le sapiens sapiens peut supporter sa vie vide de sens si il peut s’ en rêver une autre plus glamour sur Instagram.Echange paillettes virtuelles contre acceptation de soi même. Ca doit embaucher sec en psychiatrie en ce moment non ?

Dave 2000 ‘Phase 2’ Graff. 2020

Quatre entreprises (Twitter, Youtube, Instagram, Facebook) dominent le monde ; Si nous considérons la civilisation comme un processus qui progresse jusqu’à sa perte, que pensez-vous que la jeunesse actuelle et l’humanité sont en train de perdre ? Suis-je trop pessimiste, corrigez-moi si je le suis.

Au contraire, je te trouve même plutôt optimiste. Les populations vont perdre progressivement et par à-coups leurs libertés jusqu’ à l’ asservissement total car elles acceptent massivement (car suggérées en permanence et de plus en plus efficacement) de troquer leurs libertés contre du confort. Ce troc est rendu ludique, donc en quelque sorte distrayant (crédit social, évaluation permanente dans les écoles, permis à …,media sociaux et followers etc … ) et donc accepté sans mouvement sociaux massifs. On nous fourgue l’ objet de notre asservissement en nous ventant libertés et facilités (encore de la suggestion). Par exemple aujourd’ hui ne pas posséder de smartphone revient a accuser un déficit de connectivité aux autres, un handicap social. Ne pas posséder de smartphone est aussi un handicap lorsqu’ il faut présenter des QR codes à la chaine. Il faut se soumettre au geste de dégainer le smartphone sinon le prix à payer sera l’ inconfort d’ une exclusion d’ abord moindre et qui deviendra invivable.

J’ ai dessiné nombreuses personnes dans la rue cet été. Beaucoup avaient des smartphones, une sur deux, à la main ou nà l’ oreille … Lorsqu’ elles le regardent elles sont toutes les sourcils plus ou moins froncés et ont l’ air éberluées lorsqu qu’ elles relèvent la tête et se sortent la gueule de la matrice LCD. Ce n’ est pas drôle de dessiner ces gens, les mêmes poses, les mêmes trognes mollement accaparées, mais en même temps si moi aussi j’ étais happé par un téléphone je ne pourrais pas les dessiner. Comme eux qui ne me voient pas, je ne les verrai pas non plus et il ne se passerait rien d’ autre que le croisement de plusieurs corps en mouvement enregistrés par des caméra 360° à tous les coins de rue pour seuls témoins. Zéro conscience les uns des autres. Les zombies m’ ont toujours fascinés et lorsque je regarde cette population avec un regard curieux semblable, l’ humanité s’ ensevellissant elle même dans une matrice totalitaire parait être un spectacle grotesque qui ne manquerait pas de pépitos s’ il n’était pas aussi tragique. Le spectacle “des sidérés” même s’ il ne m’ inspire guère me fascine.

Dave’s sketchbook or Carnets ambulatoires, 2022
Dave’s sketchbook or Carnets ambulatoires, 2022
Dave’s sketchbook or Carnets ambulatoires, 2022

Le serment des voraces – 80x60cm – acrylique sur toile
France – acrylique et encres sur papier craft blanc – 97×205 cm

En tant qu’artiste, comment évaluez-vous la période à venir et le “Great Reset” ? Êtes-vous mondialiste ou nationaliste, de quel domaine vous sentez-vous le plus proche ?

Je suis une personne qui regarde le cirque du pouvoir devenir dingue et les populations du monde écrasées à tous les niveaux par une oligarchie discrète dans ses agissements et disposant de moyens de contrôles des masses inédits dans l’ histoire de l’ humanité. La position nationaliste est elle encore viable lorsque les nations ne sont plus que des parts de marché divisées par cette oligarchie?

Que voudriez-vous dire sur le fait que Banksy et des artistes similaires, qui ont développé des critiques politiques radicales du siècle avec leurs œuvres, poursuivent également leur carrière avec les valeurs bourgeoises auxquelles ils s’opposent et avec de riches collectionneurs ?

A mon sens Banksy n’ est pas un artiste mais un communicant habile doublé d’ un piètre graphiste. Je laisse la parole à ses sponsors et aux trépannés du bulbe qui voient en lui une sorte de demi dieu de la suverssion pour parler de son book a défaut de parler d’ une oeuvre.


“Le Dernier Cri”, c’est d’abord une aventure artistique lancée par un artiste-punk phocéen. Pakito Bolino. Aux confins de l’art brut, du fanzine (ces petits jour­naux artisanaux alternatifs épris de rock, de bande dessinée, de SF…) il est l’un des fers de lance internationaux de ce mouve­ment rebelle qui a tenu à se libé­rer du marketing, en favorisant et décuplant la créativité de bon nombre d’artistes “under­ground”, pour beaucoup fans de métal et musiques extrêmes.

La Pop Galerie ‘Call from the Grave ll’ 2020

Vous souhaitez parler de l’exposition ‘Call From the Grave’ qui se tient à La Pop Gallery ? Cela ressemble à une exposition impressionnante et fantastique qui réunit les grands noms de la culture Grafzine, je me demande si l’événement n’a pas été un peu éclipsé par la pandémie ?

C’ est très flatteur, je suis sûr que Sam Rictus et Jurictus qui y ont participé auront une érection telle en lisant tes mots qu’ espérons qu’ elle ne leur soit pas fatale. Andy Bolus et Zven Balslev ont aussi exposé des peintures, dessins et collages. Bien sûr l’ exposition fut rendue difficiles par les règles arbitraires sans cesse changeantes de notre gouvernement fantoche mais ce fut l’ occasion de rencontrer Pascal Saumade, curateur au Musée International des Arts Modestes et qui tient la Pop Galerie. Il se définit non pas comme un collectionneur (au sens de “qui voudrait tout” comme il le dit) mais un amateur de pièces singulières. Je m’ arrêterai vite ici sinon je me perdrais sur la rivière étoilée du souvenir : l’ alerte à la bombe en gare de Sète; le couvre feu déclaré à Montpellier qui empêche les habitants de venir jusqu’ à Sète, l’ imitation sonore du chanteur de Pantera par Sam Rictus avant le premier café … Le mime de la copulation du diable de Tazmanie par Judex qui nous avait rejoint et les truculents récits liégeois de Cha Kinon qui ont pour héros des sacs de sport, des étrons et des belges …

Call from the Grave ll (Group Exhibition, 2020) Jurictus, Sam Rictus, Zven Balslev, Dave 2000, Andy Bolus, Le Dernier Cri
Zven Balslev, Call from the Grave ll (2020)
Andy Bolus, Call from the Grave ll (2020)
Dave De Mille, Sam Rictus, Jurictus, Call from the Grave ll (2020)
l’exposition est une excuse, la conversation est merveilleuse

“A la Pop Galerie de Pascal Saumade, une rencontre du troisième type”

“La preuvre à travers le panel d’œuvres, pour la plupart dessi­nées à l’encre de chine, qui or­nent les cimaises de la Pop Ga­lerie. Elles sont signées Jurictus, Sam Rictus, Zven Balslev et Dave 2000. El elles envoient… grave.”

Citations d’Marc Caillaud
mcaillaud@midilibre.com

Call from the Grave ll (Group Exhibition, 2020) Jurictus, Sam Rictus, Zven Balslev, Dave 2000, Andy Bolus, Le Dernier Cri
Article de Marc Caillaud
Dave De Mille, Call from the Grave ll (2020)
Call from the Grave ll (Group Exhibition, 2020) Jurictus, Sam Rictus, Zven Balslev, Dave 2000, Andy Bolus, Le Dernier Cri
Sam Rictus, Call from the Grave ll (2020)

Comment trouvez-vous Zven Balslev et Cult Pump, êtes-vous intéressé par son travail ? Il semble très bien garder l’esprit Underground Comix vivant à Copenhague.

C’ est un des dessinateurs les plus drôle et les plus poétique de notre époque. Le Docteur Good a rendu son energy drink par le nez en tournant les pages de son livre YAMA HAHA . Tous les dessins se composent de figures qui évoquent plus qu’ elles explicitent, et quand elle le font on se demande bien des pourquoi ? Des mais ? Bref, on s’invente une histoire contrairement aux comics qui nous en raconte une. On se marre de la naiveté décidée de ces compos en forme de mini poèmes absurdes, énigmatiques comme des figures de tarots sous LSD. Ses dessins me renvoient à une enfance intérieure, de jeu, de décodage, de figurines en plastiques sorties des tirettes mystérieuses de fêtes foraines. C’ est généreux, sans complexe, faussement évident et enfantin, comme tout ce qui est génial.

For Zven Balslev & Andy Bolus LDC Editions:

lederniercri.org/artiste/zven-balslev

lederniercri.org/artiste/andy-bolus


A6 – technique mixte

Qu’as-tu fait depuis ‘Call From the Grave’, tu sembles être sérieusement dans l’aquarelle, l’acrylique, les dessins et tu n’hésites pas à porter l’aventure aux graffitis ; en même temps, compte tenu du Kaizer Satan 3 sorti de LDC, nous dirions que vous êtes dans une période très productive où vous avez beaucoup développé votre art.

Dans le parc d’ attractions qui me sert d’ esprit et d’ agenda j’ ai mis en place plusieurs manèges. Les aquarelles de mes carnets sont la résultante de mes errance dans la ville de Marseille ou ailleurs. L’ aquarelle est une technique fabuleuse à bien des égards. Elle est très nomade, une boite de couleurs de la taille d’ un paquet de cigarettes, un carnet , un pinceau à réserve et en route pour l’ aventure. J’ observe dans la rue, dessine parfois d’ après nature pour capturer des formes, des rythmes. Me sert globalement de l’ ambiance urbaine pour dessiner ce qui me passe par la tête durant ces immersions. Ca a pour effet de radicalement changer mon rapport à la ville et de rendre ludique la réalité sordide des zombies ultra-connectés, des arbress coupés pour être remplacés par des sucettes publicitaires automatisées etc … L’ épouvante normale devient un jeu et ce jeu m’ appartient.

“Un château perpétuel” est une des attraction phare de mon esprit. Il s’ agit d’ une méta-peinture sans limite de bord ou de format composée de grands papiers peints à l’ acrylique. Chaque élément étant indépendant des autres mais fonctionnant dans un tout. Un château perpétuel n’ a pas non plus de nombre d’ éléments définis. Ainsi un peintre se lève le matin et si il se trouve désoeuvré après sa deuxième cafetière il n’ a qu’ à se dire à lui même “un peintre va perpétuer un château perpétuel”. “Un château …” n’ est donc pas un Work in progress comme on dit dans la société globale car un WIP a un début et une fin mais une peinture sans fin si ce n’ est la mort du peintre ou la cessation de sa pratique. Cette idée de peinture sans fin, sans bords et sans cadre m’ est venue d’ un ras le bol des expositions montrant des formats A5/A6 diposés orthogonalement dans des cadres Ikea et parfois même avec le sur-cadre d’ une Marie-Louise. Je trouve à titre tout à fait personnel indigne d’ artistes qui se réclament d’ une expression brute, sans tabou de se fourvoyer avec ce genre d’ accrochage standardisé. Je veux montrer de la peinture brute, sans fards, sans ce dispositif de mise en exergue ridicule soumis aux codes des galeries. De la peinture qui dit au spectateur “regarde, je ne suis qu’ un bout de papier peint qui est beau en lui même et par lui même”. Cette nudité dans la scénographie permet aussi au spectateur grâce aux relatifs grands formats de s’ immerger dans une oeuvre qui sans apparats semble alors accessible dans le sens d’ un “moi aussi je peux le faire, ce n’ est que du papier, de la peinture, des brosses, le coeur, l’ esprit et la main” au contraire des cadres et sur-cadres qui signifient “c’ est encadré, c’ est précieux, c’ est expert, voila ce que tu dois admirer et ne pourras jamais faire pauvre spectateur”.

Dave 2000, drawing, 2021
Dave 2000, drawing, 2021

J’ imagine en ce moment un nouveau manège urbain qui s’ intitulera “7074L GLO34L” et consistera à coller des peintures ironiques qui nieront ou détourneront les affiches de politiciens ou d’ annonceurs qui envahissent les panneaux d’ expression dites “libres”.

Pour finir et en prévision de l’hiver il me reste à terminer une animation 3D noir et blanc dans la lignée de “5 automates” et basée sur le roman “Le maître et Marguerite” de Mikhaïl Boulgakov.

Brown posca on paper – A4

Dans ce nouvel épisode, on pousse les portes du dernier cri, maison de micro-édition underground pilotée par le terroriste graphique Pakito Bolino. Basé à la Friche depuis 1995, cet atelier s’attache à promouvoir des auteur·trice·s en marge de l’industrie et de l’art contemporain.

Qu’aimeriez-vous dire à propos de l’exposition NAROK, je pense que cet événement était plus une exposition essayant de capturer l’atmosphère Asian Extreme. Comment trouvez-vous ces idées créatives de Pakito ; il synthétise les mouvements graphiques et d’illustration modernes avec des écoles excentriques qui ont germé dans des contrées lointaines (comme le japonais Heta-Uma), et il arrive toujours à nous surprendre ; Selon vous, qu’est-ce qui le rend si créatif comme ça, pensez-vous qu’il a un vrai côté malveillant et négatif ? Ou ne montre-t-il que cette facette de lui-même dans ses œuvres artistiques ?

Je pense que Pakito n’ a pas besoin de chercher d’ idées, les intermittents de l’ art “cherchent”, Pakito “trouve” sur son chemin artistique car pour lui l’ intermittence de l’ artiste n’ existe pas. Quand il n’ est pas à imprimer pour le DC, il est en vadrouille pour on ne sait quelle intervention, rencontre, ou salon d’ édition. Hors des heures ou il n’ est pas pris dans le courant des activités du DC il dessine quotidiennement ce dont il parle comme d’ un défouloir. Ce qui le rend si créatif est d’ avoir dédié sa vie à l’ art sans calcul, sans carrière et dans ce que l’ art a de plus humain, énergique, partageur, inventif, et résistant au formatage global. Avec Odile de La Platine (chargée des impressions en offset pour le Dernier cri et à la tête d’ une des dernières imprimerie artisanales de Marseille) le Dernier cri possède ses propres moyens de production autonomes ce qui est aussi une pièce maitresse de la créativité car ces moyens permettent la liberté, autant dans le propos que dans des choix techniques (nombre de couleurs, formats, pages si il s’ agit de livres).


B E W A R E !!
Xavier-Gilles Néret「GRAPHZINE GRAPHZONE」

Il y a quelques années, grâce à Mavado Charon, il m’a envoyé le livre Graphzine Graphzone. Comme le livre est en français, je n’ai pas pu tout lire, mais il est évident que des études sérieuses ont été faites en France depuis les années 70, quand on regarde les artistes de l’ancienne génération comme Pascal Doury, Bruno Richard, Olivia Clavel , et des magazines de contre-culture comme Elles Sont de Sortie et Bazooka. En tant que l’un des artistes phares de ce domaine aujourd’hui, de quelle école vous sentez-vous plus proche ? Et de combien de générations peut-on parler ?

Je me trouve bien mal placé pour en parler car avant le début des années 90 je vivais dans un bled situé dans les montagnes vosgienne en fRance et ce que je connaissais de l’ underground se limitait à la musique, à la scène démo et au piratage informatique. Je ne connaissais presque rien aux sous mondes de l’ art si ce n’ est des jaquettes photocopiées de démos de metal ou de punk et des cracktros des jeux vidéos piratés avec leurs lettrage délirants. C’ était déjà très fort, d’ autant plus que ces choses difficiles à se procurer révelaient à mes oreilles et mes yeux l’ existence d’ un monde d’ autonomie et de liberté jusqu’ alors complètement absent de ma réalité colonisée par la télévision et les livres sur les vainqueurs (souvent post-mortem) de l’ histoire de l’ art. Lorsque je rencontrais le travail des artistes dont tu parles plus haut j’ avais déjà une culture sub-graphique construite sur ma pratique et aussi les rencontres faites à Strasbourg, notamment avec Vida Loco qui préparait alors son premier livre “8Pussy” qu’ il serigraphiait lui même. Pour en revenir aux artistes que tu évoques, même si leur travail n’ a pas eu d’ influence sur moi je sentais cette vivacité, cette volonté libertaire et ce refus des limites de l’ industrie. Tout ça m’ inspirait énormément et cette même énergie continue à porter ma pratique et définir mes choix actuellement.


Tranchée Racine Hebdomadaire – N°9 – 12 artists /12 artworks

Quand on regarde Stéphane Blanquet et l’UDA, on voit une attitude surréaliste, élitiste qui vient surtout de l’école de Roland Topor ; Bien qu’il y ait aussi des artistes très talentueux chez LDC, c’est comme une équipe qui travaille plutôt dans une ambiance rock’n roll. Pakito a-t-il une attitude ou une position contre l’art élitiste dans un sens réel, dans un contexte idéologique, ou est-ce que tout le processus fonctionne comme ça à cause de son style de vie ou de celui des artistes collaborateurs ?

UDA et LDC ne proposent pas la même chose. UDA permet à des artistes underground de voir leurs oeuvres diffusées par exemple dans “La tranchée racine”, un hebdomadaire au format d’ un quotidien d’ information imprimé en quadrichromie par une entreprise en sous-traitance. Les moyens de productions sont ici ceux de n’ importe quel éditeur mainstream en somme. UDA organise aussi des expositions collectives dans des lieux prestigieux tels que la Halle Saint Pierre à Paris tournant autour de la personnalité de Stéphane Blanquet, CF : “Stéphane Blanquet et ses invités” à Aix en Provence.

LDC quant-à lui propose à des artistes de venir dans son atelier avec des originaux, de les scanner, les mettre en couleur si nécessaire, de choisir un papier, un format, des encres. Le DC permet aussi d’ apprendre à imprimer en sérigraphie si les artistes ne savent pas le faire eux même et pour finir de monter une exposition dans l’ espace dédié pour célébrer la sortie de leur livre. Tout comme UDA, les artistes se voient proposé de participer à des expositions collectives mais qui ne tournent pas autour du personnage d’ un leader mais de la structure elle même par exemple “Mondo DC” ou d’ une idée générique – “Heta Huma” ou “Narok”. De plus chaque année a lieu le festival de micro-édition Vendetta qui fait se converger de nombreux artistes, éditeurs et qui est organisé par le DC.

On a donc deux éditeurs/producteurs d’ artistes underground et deux moyens de production fondamentalement différents, l’ un va dans le sens d’ une production assistée relativement massive et impressionnante en terme de format, d’ exposition dans des lieux prestigieux, de technique quadri et de nombre de multiples permis par la sous-traitance. L’ autre avance dans le sens d’une auto suffisance de production, de liberté de choix d’ édition, de qualité et de savoir faire artisanal, d’ élévation et d’ émulsion artistique. Bon nombre de structures tendent vers cette autonomie salvatrice et cette liberté courageuse initiée et perpétuée par LDC, comme Epox et Botox, Le Garage Hell, Cult Pump, Meconium, Turbo Format, Papier Gachette etc … Ils sont légion car l’ intégrité fait des enfants.


UFOE ‘Exhibit’ 3D video animation by Dave 2000

Je demande cela parce que, cela me rend triste que de si bons artistes comme vous soient coincés uniquement dans le domaine de la bande dessinée. Quand on regarde l’art contemporain et les biennales exposées aujourd’hui dans le monde, on voit bien la crasse bourgeoise. Et je pense que vous avez essayé de peindre cette aliénation synthétique et cette dévaluation dans votre tournée d’exposition d’animation 3D que vous avez récemment publiée.

Cette animation dont tu parles montre une exposition virtuelle dans un futur assez proche et qui me met en scène (bien que j’ y sois invisible) en tant qu’ artiste inutile et donc à réhabiliter socialement Dans cette courte fiction animée les moyens de réhabilitation font l’objet d’ un vote du public – le travail forcé dans les mines de siliciums, la castration au laser, la lobotomie etc … exactement comme on vote pour le départ d’ un participant à une émission de télé-réalité. La visite virtuelle est faite par un guide, lui même en cours de réhabilitation et sérieusement alcoolique, chargé de montrer au public les oeuvres dégénérées d’ un artiste nuisible au bon fonctionnement sociétal selon le pouvoir en place. Je vois ce film comme une à peine parodie gentillette de ce que l’ oligarchie globalisée et son armada numérique nous préparent en termes de surveillance, de contrôle, d’ uniformisation, de formatage des esprits et bien entendu de violence.

Quant aux artistes conceptuels du milieu dit de “l’art contemporain” que tu évoques je vais faire court à leur sujet. A mon sens un artiste plastique est un pantin méprisable si il n’ est pas capable une fois jeté nu dans une cellule de tapisser de graffitis les murs de sa prison et de les transformer en une oeuvre merveilleuse à faire Michel Ange se lever de sa tombe pour aller repeindre les plafonds de la chapelle Sixtine avec l’ enthousiasme d’ une jeunesse retrouvée. Partant de ce postulat, ces fifrelets, ces remplisseurs de dossiers de demande de subventions, ces branles-verbe ne m’ intéressent guère, tu t’ en doutes et ce qu’ ils pourraient penser de mes activités artistiques n’ a pas la moindre importance en comparaison du rire d’ un enfant qui me regarde dessiner un “père noël qui fait caca”.

Dave de Mille à son atelier

Merci beaucoup Dave d’avoir pris le temps de parler, et merci de partager les dernières nouvelles de France ; nous suivons votre travail avec enthousiasme, au revoir pour l’instant, mon ami, prenez soin de vous !

Bon courage mon ami prends soin de toi !


Pour suivre les dernières évolutions de l’artiste :

protopronx.free.fr

pitpool.free.fr

Pour une conversation plus ancienne avec l’artiste :

Dave 2000: Pas un Artiste un Ninja


With Miron Zownir in the Days of War

Sewastopol 2013

“The world wasn’t as aggressively polarized since the late 30’s of the last century. It is ruled by bankers, ethical castrates, fanatics, megalomaniacs, hypocrites, opportunist, tyrants, technocrats & computer nerds. It’s getting gloomier by the minute.”

Miron Zownir Special Interview

Burak Bayülgen & Erman Akçay, March 2022

Istanbul, 2019

“Modern skyscrapers, multiple ethnic neighbourhoods, alternative cultural institutions and clubs, independent underground papers and galleries, street venders, transgender prostitutes, freaks, slums, seagulls, alley cats and its magic light, Istanbul is definitely one of the most exciting cities in the world.”

Hello Zownir, we’ve been surprised to see you in Istanbul again two years after your last visit in 2019. What has drawn you here again within these hard pandemic conditions?

After my first two visits to Istanbul in September and November 2019, it was clear to me that my visual output would amount to a photobook. But with the outbreak of corona and a new dimension of existential pressure on the health and economics of its citizens I decided to go back. It was December 2021, the city was blessed with a soft and pleasant glow of winter sunlight and on the surface, you couldn’t detect any changes of spirit. However, roaming around the city at night the increasing level of misery was more than apparent. It was shocking to see how many seemingly unattended children, were begging in the middle of overcrowded streets, facing for hours thousands of unanimous legs and feet. Beggars exposing their amputated limbs, homeless families sleeping in drifty doorways or cardboard boxes. Old women and men groaning and whining for a modest aid.

As you have worked in many capitals of Europe, what can you say about your visit in Istanbul as an artist in terms of Muslim geography and a cosmopolitan capital? What have you noticed in comparison with the West?

With its location at the Golden Horn and the Bosporus, many traces of its long history, impressive sacred and secular buildings, modern skyscrapers, multiple ethnic neighbourhoods, alternative cultural institutions and clubs, independent underground papers and galleries, street venders, transgender prostitutes, freaks, slums, seagulls, alley cats and its magic light, Istanbul is definitely one of the most exciting cities in the world. It may be too overcrowded, polluted, segregated between believers and non-believers, free spirited people and those believing in secular, holy and political authorities. The economic pressure to survive is immense and the division between people with very different outlooks, values and dreams is incredible. But I didn’t sense anywhere any hostility against me as a stranger. And I never witnessed any open hostility between people of different faith. In a way Istanbul surprised me as a reasonably tolerant, open minded and extremely lively, cosmopolitan and exciting city.

‘Istanbul Noir’ article by Georgia Hart, Zoo Magazine, 2022
İstanbul 2019

Have you found anything interesting in terms of daily and social life?

Of course, that would have been unavoidable. I lived in different areas on the European and the Asian side. Private accommodations and hotels. Safe and unsafe arias. I was always on the move and hardly slept a couple of hours a day. I was on a mission and high on adrenaline.

Just to mention some unusual incidents: Once a pimp attacked me. He hit me with his best shot on the chin while I was photographing two transgender prostitutes hustling for customers. He was a head smaller than me but a trained boxer. Probably a welterweight. But since he didn’t shake or impress me, he got scared and run away. One prostitute yelling after him, probably calling him a coward, the other one yelling at me, in English to erase my photo. Not knowing that I work analogue.

Another time a beggar threw his crotch at me, missed and wasn’t able to reach it anymore by himself. I picked it up and brought it back to him. He thanked me for it and tried to hit me again, just missing my legs.

Another time I got almost arrested for making a photo of a police officer, but I talked my way out of it, though he did not understand much of what I was saying. There were other incidents but most of the time it was reasonably relaxed and civilised.

Odessa 2013

“That level of state propaganda in Russia is exactly the same one that Trump used in the States to demonise people. Only taken to another extreme to rationalise a genocide…”

As a son of an Ukrainian father, what would you like to say about the war in Ukraine? You had serious studies in Odessa, Kiev and Majdan between 2012-2014. Have you ever noticed the signs of the current crisis in that period?

Yes, my father was Ukrainian and I still have many relatives and friends in the Ukraine…

To answer your question. Before Majdan there weren’t any detectible signs for an up rise or a revolt. But in late November 2013 Ukrainians took to the streets in peaceful protests after Viktor Yanukovych chose not to sign an agreement that would have connected the country more closely to the EU. The consequences was a brutal retaliation from the then government with more than a hundred lethal victims. After Yanukovych’s flight to Russia the situation in the Ukraine was very uncertain but most Ukrainians had a strong commitment to democracy and a potential integration into the EU. With the annexation of the Crimea and the increasing military involvement of the Russians in the Donbass, it should have been obvious that Putin was planning to punish, humiliate and defeat the Ukrainians for choosing their own fate.

As to this senseless slaughter in Ukraine, I’m totally outraged! Putin is lying, thieving and killing as if he was untouchable in his megalomaniac crusade against freedom and democracy. He is an imperialistic glutton who has to be stopped any way possible. But what about the Russians? Those openly outspoken against his monstrosities immigrated, are dead, or imprisoned. But much too many seem to support or tolerate him. That level of state propaganda in Russia is exactly the same one that Trump used in the States to demonise people. Only taken to another extreme to rationalise a genocide…

The pandemic, the war in Ukraine, famine and immigration based on global warming have all been discussed in Turkish media. How are the conditions in Europe? As an artist, how do you evaluate the upcoming period and “Big Reset”?

I’m no Nostradamus, but to be honest I’m not optimistic. The world wasn’t as aggressively polarized since the late 30’s of the last century. It is ruled by bankers, ethical castrates, fanatics, megalomaniacs, hypocrites, opportunist, tyrants, technocrats & computer nerds. It’s getting gloomier by the minute. Everything seems to collapse at once. We’re approaching a potentially darker age than we experienced in our lifetime. Nobody knows what’s ahead of us. Wars, famines, inflations, overpopulation, pollution, droughts, impoverishments, fires, storms, pandemics, unknown diseases and catastrophes. Certainly, the future looks bleak. But we only live once and as long as we have a choice to determine our own fate, it’s up to us what we give, take, wish, express, create or accept.

Simferopol 2012

“We only live once and as long as we have a choice to determine our own fate, it’s up to us what we give, take, wish, express, create or accept.”

How do you find the vision of Bene Taschen as a young entrepreneur and gallery owner? In the past few years, Hardhitta Gallery has exhibited the works of Jamel Shabazz, Joseph Rodriguez Gregory Bojorquez and you.

I have only the highest admiration for Bene Taschen. He is a great gallerist with a strong conviction, representing a wide range of world-class photographers. Having the strongest bonds to each of them, only showing images he is a hundred percent of convinced. Regardless of its commercial or controversial context.

Can we equate the portraits of famous people which appeal to the marginal collectors with the documental works? Which field do you feel more close? What does determine the photography scene in Europe in general?

Goya portrait rich, famous and powerful people as well as the freaks, the poor and the dammed. Some photographer choose still-life’s, landscapes, portraits, collages or whatever. I have no prejudice against any style, some I like more some I like less. Of course, I prefer hard-core street and documentary photography. I guess that’s obvious!

Miron Zownir – Absturz Trailer

“My movies are psychotic, raw, iconoclastic and anti-cinematic nightmares far of any mainstream enjoyment. You got to have a twisted mind or strange sense of humour to appreciate them.”

As an artist who reached at maturity period, do you think your literature, poetry, photography and cinema can say anything to the world? After all these years, how could you summarize the story you have manifested fearlessly throughout the all kinds of states and darkness which were immanent to be a human?

Well, it’s hard to judge the value of your own work, creative output or impact. My goal was never to please, become rich or famous. I was always expressing my personal viewpoint in any genre I was productive in, regardless of its potential consequences. Things that were important for me to show or express, whether others would appreciate, ignore or condemn it. I was never mainstream and are still controversial to this day. Even so, some of the great galleries and museums of this world exhibited me. I guess I’ve documented the Zeitgeist of the last 40 years in all its aspects, without glorifying or condemning the sometimes bitter truth I discovered. I might have influenced and encouraged quite a few younger photographers to ventures into the darker areas of our existence.

I wrote some novels, poems and short stories, which won’t be fully appreciated until they are translated into English and into many other languages. My movies are psychotic, raw, iconoclastic and anti-cinematic nightmares far of any mainstream enjoyment. You got to have a twisted mind or strange sense of humour to appreciate them. But everything I did is out there, will stay and grow in its attention.

Artist Portrait by Michele Corleone

Istanbul Noir

Georgia Hart, Zoo Magazine, 2022

Since President Erdogan’s election. Turkey has experienced severe restrictions on democratic freedoms and civil rights, causing growing tensions between the EU and Turkey. Since the mid-2010s Turkey has experienced severe stagflation – low rates of economic growth combined with inflation. These consequences on its economy and trade have led to Western tourists being rare, as well as Istanbul becoming a city non grata. Furthermore, coinciding with the devaluation of the Lira, collapsing construction industry, misinformation, women’s rights abuses, and many other factors have resulted in high percentages of unemployment and a high ranking in the world misery index. German photographer Miron Zownir wanted to explore more of this, and from his impressions from collaborating with alternative subcultural Istanbul magazines, assumed it would be reasonably safe to visit. This led to the beginning of the artist’s upcoming photobook “Istanbul Noir”. The focus of Zownir’s trip was primarily on the down and outs, homeless, transgender prostitutes, street vendors, and beggars but also on what he described as the energy and magic atmosphere of the city as well as the light and shadow over the Golden Horn and Bosporus. The imagery throughout depicts his multiple expenences during three different visits to Istanbul, where he lived in a variety of different areas on the European and Asian sides. After a few hours of sleep each night, the images are shot on a high of adrenaline. Various experiences prevail through these images, through discussions with artists, musicians, writers, poets, and publishers, all of whom Zownir describes as having a strong commitment to freedom and democracy. Many of these talents screened his films, published photos, and organized public events that in the West would be deemed radical. This conveys that in Istanbul there are still loopholes for alternative anti-establishment activities, but many of these could be discovered and classified as dangerous. Both “Istanbul Noir” and photos exhibited at the Gallery Bene Taschen will be presented in winter 2022/23.

A short clip from Zownir’s 2019 İstanbul reading.
Some Posters of Zownir’s events in 2019, İstanbul

Istanbul 2019

ISTANBUL NOIR

Georgia Hart, Zoo Magazine, 2022

Türkçesi: Burak Bayülgen

Cumhurbaşkanı Erdoğan’ın seçilmesinden bu yana, Türkiye demokratik özgürlükler ve insan hakları açısından Avrupa Birliği ile gerilimin artmasına sebep olan katı kısıtlamalara maruz kaldı. 2010ların ortasından beri yoğun fiyat artışlarıyla boğuşan Türkiye’de ekonomik büyümedeki düşük oranlar enflasyonla birleşti. Bu ekonomik ve ticari sonuçlar Batılı turistlerin azalmasına ve aynı zamanda İstanbul’un istenmeyen bir şehir haline gelmesine sebep oldu. Daha da ötesinde, Türk lirasının değer kaybıyla birlikte çöken inşaat sektörü, dezenformasyon ve kadın hakları ihlali gibi pek çok etken işsizlik oranlarının yüksek oranda artmasına ve Türkiye’nin dünya sefalet endeksinde üst sıralarda yer almasına neden oldu. Alman fotoğrafçı Miron Zownir tam da bunu araştırmak üzere, alternatif alt-kültür dergileriyle yaptığı ortak çalışmalarından edindiği izlenimlere dayanarak İstanbul ziyaretinin makul ölçüde güvenli olacağını düşündü. Bu da sanatçının fotokitabı ‘Istanbul Noir’a başlamasını sağladı. Zownir’in ziyaretinin odak noktası kendi tabiriyle şehre Haliç ve Boğaz’ın gölge ve ışıkları kadar enerji ve büyülü bir atmosfer veren fakir fukaralar, evsizler, trans seks işçileri, seyyarlar ve dilencilerdi. İmgelemi İstanbul’a yaptığı üç farklı seyahati ve Asya ve Avrupa yakası gibi şehrin çeşitli bölgelerinde yaşarken edindiği tecrübeleri tasvir etmektedir. Fotoğraflar geceleri sadece birkaç saatlik uykunun ardından yüksek adrenalinle çekilmiştir. Zownir’in özgürlük ve demokrasiye sonuna dek bağlı kaldığını belirttiği sanatçılar, müzisyenler, yazarlar, şairler ve yayıncılarla yaptığı tartışmalar gibi pek çok deneyim bu fotoğraflarda baskın çıkmıştır. Bu yetenekli insanlar Zownir’in filmlerini göstermiş, fotoğraflarını çeşitli dergilerde yayınlamış ve Batı’ya göre bile oldukça radikal organizasyonlar düzenlemişlerdir. Bu da İstanbul’da hala düzen karşıtı eylemlerin olduğuna dair bir umut vadetmekte, ancak pek çoğu tehlikeli sayılmaktadır. Hem ‘Istanbul Noir’ hem de Bene Taschen Galerisi’ndeki fotoğrafları 2022-23 kışında sergilenecektir.


Odessa 2013

Savaş Günlerinde Zownir ile…

Erman Akçay & Burak Bayülgen
1 Mart 2022

Portrait by Nico Anfuso

“Putin yalan söylüyor, soyuyor ve öldürüyor; sanki bu özgürlük ve demokrasiye olan megaloman savaşında dokunulmazmış gibi. Putin emperyalist bir açgözlü ve bir şekilde durdurulması gerek.”

Ukraynalı bir babanın oğlu olarak yaşanan Ukrayna savaşına ilişkin neler söylemek istersin? 2012-2014 yılları arasında Odessa, Kiev, Majdan gibi Ukrayna’nın çeşitli bölgelerinde ciddi çalışmalar yaptın. Şu anki krizin sinyallerini o dönemden alıyor muydun?

Evet, babam Ukraynalıydı ve halen Ukrayna’da pek çok akrabam ve arkadaşım var… Soruna cevap vermem gerekirse, Majdan’dan önce bir isyan ve ayaklanmanın belirgin işaretleri ortada yoktu. Ama 2013 Kasım’ında Viktor Yanukovych ülkeyi AB’ye yakınlaştıracak anlaşmayı imzalamayı reddedince Ukraynalılar barışçıl bir protesto için sokaklara indi. Sonuç, o zamanki hükümet tarafından yüzden fazla kişinin öldüğü vahşi bir misillemeydi. Yanukovych Rusya’ya gittikten sonra durum oldukça belirsizdi ama çoğu Ukraynalı’nın demokrasiye büyük bir bağlılığı ve AB’ye potansiyel bir entegrasyonu söz konusuydu. Kırım’ın ilhakı ve Rusya’nın Donbass’taki askeri müdahalesiyle bariz bir biçimde görüldü ki Putin kendi kaderlerini seçtiği için Ukraynalıları cezalandırmayı, aşağılamayı ve yok etmeyi planlıyordu. Ukrayna’daki bu anlamsız katliama gelince, inanılmaz öfkeliyim. Putin yalan söylüyor, soyuyor ve öldürüyor; sanki bu özgürlük ve demokrasiye olan megaloman savaşında dokunulmazmış gibi. Putin emperyalist bir açgözlü ve bir şekilde durdurulması gerek. Peki Ruslara ne demeli? Putin’in gaddarlığını açıkça beyan edenler ya kovuldu ya öldürüldü ya da hapsedildi. Fakat pek çok kişi de onu destekliyor gibi görünüyor. Rusya’da devlet propagandası Trump’ın Amerika’da insanları şeytanlaştırmak için yaptığı propagandayla tıpatıp aynı. Sadece başka bir radikal tarafından soykırım rasyonel gösteriliyor.

Kiev, Majdan 2014

Fakat bu dünyaya bir kere geldik ve kendi kaderimize kendimiz karar verdiğimiz sürece ne alıp ne verdiğimiz, dilediğimiz, ifade ettiğimiz, yarattığımız ve kabullendiğimiz bize bağlı.

Türkiye medyasında pandemi, peşi sıra gelen Ukrayna savaşı, yakın dönemde küresel ısınmaya dayalı kıtlık ve bu durumun tetikleyeceği göçler tartışılıyor. Avrupa’da durum nasıl? Bir sanatçı olarak önümüzdeki süreci ve ‘Big Reset’i nasıl değerlendiriyorsun?

Ben bir Nostradamus değilim ama dürüst konuşmak gerekirse pek iyimser de değilim. Dünya geçen yüzyılın 30’lu yıllarından beri hiç bu kadar agresif bir biçimde kutuplaşmamıştı. Sarraflar, ahlak düşkünleri, fanatikler, megalomanlar, riyakarlar, fırsatçılar, tiranlar, teknokratlar ve bilgisayar uzmanları tarafından yönetiliyor. Her dakika daha da kasvetli bir hale bürünüyor. Sanki her şey, bir anda çökecekmiş gibi. Potansiyel olarak hayat boyu deneyimlediğimizden çok daha karanlık bir döneme giriyoruz. İleride ne olacağını kimse bilmiyor. Savaşlar, kıtlıklar, enflasyon, nüfus artışı, hava kirliliği, kuraklık, yoksulluk, yangınlar, fırtınalar, pandemi, bilinmeyen hastalıklar ve felaketler. Kesinlikle gelecek umutsuz görünüyor. Fakat bu dünyaya bir kere geldik ve kendi kaderimize kendimiz karar verdiğimiz sürece ne alıp ne verdiğimiz, dilediğimiz, ifade ettiğimiz, yarattığımız ve kabullendiğimiz bize bağlı.


Those Days Are Over · Mona Mur · Miron Zownir

O GÜNLER GEÇTİ ARTIK

Türkçesi: Burak Bayülgen

Eğer ölmezsen gencecik
Bir trafik kazasında
Boğularak küvetinde
Yahut bir zombiden görerek işkence
Yaramaz şiirlerin bir boka
Boğduğu sürece seni refaha
Kimseyi çekmez sıkıcı maceraların
Ve eğer bir sabıka kaydın yoksa
Sömüremezler seni bir diğer Tatort’ta*
Ve kitleleri büyüleyen bir karizman yoksa
Gönderirler geri Dönerci Dükkanına
Yahut güzellik salonuna
Ve bok gibi olduğunu anlarsın
Kapmak için bir pay pastadan
Haklısın
Bassalar keyfe keder Time’ın kapağına
Yahut kıyaslasalar seni Shakespeare’le
Kimse paylaşmaz zaferini, ününü ve talihini
Bundan böyle
Bu siktiğimin şairiyle
O günler geçti artık

* Tatort, Türkçe “Olay-Yeri” anlamına gelen, Almanya’da 1970’den beri kesintisiz olarak yayınlanan polisiye dizidir.


Istanbul, 2019 September

Sesin ve İmgelemin Radikalizmi

Songül Eski

Zownir’in poetikası, zihnimizde imgeler canlandıran bir müzikten farksızdır. Onun sanatındaki anlayış, şiirlerini okuduğumuzda daha da derinleşir ve çok boyutlu bir açıyla dönüp fotoğraflarına tekrar bakarız. Zownir’in şiirlerinde ampirik anlatımları güçlendiren biraz da empatik dilidir ki kullandığı temalarda her zaman ya birinci tekil ya ikinci tekil olan Zownir’in olayların içinde kendine yer açan bu anlatımı, ampirik olanı güçlendirirken bir o kadar da tinsel kılar ve okur kendini üçüncü tekil olarak çekim alanında, olaylara şahitlik ederken bulur. Bir başka deyişle yönetmen’liğinden şiirlerinde de kopmaz Zownir. Şehrin arka sokakları, izbe yerlerin geç saatlerde büründüğü buğulu atmosfer, kamerasından süzülen ışıkla gözlerimizin önüne serilirler. Onun fotoğraf karelerine baktığımızda dünyanın gürültüsünün bütünüyle kulağımıza çalınması ve bu durumun bizi rahatsız etmesi gayet doğaldır. Zownir’in sanatsal faaliyetlerindeki amaç da tam olarak budur zaten: Rahatsız etmek! Duyuları harekete geçirmenin kimine göre en keskin, kimine göre en acımasız yolu. Öyle ya da böyle insanca bir eylem, insanca bir tavır. Çektigi hardcore fotoğraf karelerinden bu tavrı kolaylıkla sezinliyoruz. Uyuşturucu bağımlıları, fuhuş sahneleri, suç mahalleri gibi çalışma sahası olarak seçtiği temalardaki estetik kaygı, şiirlerinde de göze çarpan bir unsurdur. Konuyu dize yerine bir bütünde anlatmayı tercih etmesini ve ses uyumundaki dikkatini buna örnek verebiliriz. Yeraltı söyleminin endüstriyel kasvetini ve hatta daha da uçlara giderek bu karanlığın uhrevi derinliğini ele alması, Zownir’in sanatını gözler önüne seren bir münacattır. İnsanı ruh ve madde olarak irdelemeyen Zownir için Cennet ve Cehennem denilen yer çok boyutlu olduğu gibi bazen de yoktur veya hiç olmamıştır. Şiirlerinde kullandığı evren, onun olaylara, olaylarla birlikte insana bakışını da yansıtır. Zownir, uçlarda bir sanat sergilese de aslında bütün uçlara karşı başkaldırıda bulunur, dolayısıyla para ve şöhret dahil bütün bağımlılıklara da. Tüm bu radikalizm, esasında insanı iyilik ve güzellikleriyle ön plana çıkartmayı amaçlar. Varetmeyi ve yoketmeyi haince Tanrıdan araklayan insanı suçlar; riyakârlığını yüzüne vurur ve karanlıkla beslenmiş bir tazelikte tıpkı fotoğraflarında olduğu gibi gözlerimizin önüne bir yapıt gibi diker.


İstanbul, 2019 September

2019 yılındaki ziyaretinden iki sene sonra seni tekrardan İstanbul’da görmek bizleri şaşırttı. Zorlu pandemi koşullarında seni tekrardan buraya çeken şey neydi?

2019 Eylül ve Kasım’ında İstanbul’a yaptığım iki ziyaretin ardından görsel birikimim bir photobook için oldukça zengindi. Fakat koronanın patlak vermesiyle, sağlık ve ekonomi üzerinden vatandaşlara kurulan varoluşsal baskının yeni bir biçim almasıyla geri dönmeye karar verdim. 2021 Aralık’ıydı. Şehir ılık ve tatlı bir kış güneşiyle kutsanmıştı ve görünürde herhangi bir değişiklik yoktu. Gel gör ki, geceleyin şehirde gezerken sefaletin artışı görünenin de ötesindeydi. Başıboş çocukları o tıklım tıklım sokaklarda binlerce bacağın ve ayağın arasında görmek şok ediciydi. Dilenciler sakat uzuvlarını teşhir ediyor, evsiz aileler kapı boşluklarında ve kolilerde uyuyor, yaşlı kadınlar ve erkekler bir lokma için sızlayıp inliyordu.

İstanbul, 2021 December

Avrupa’nın birçok kentinde çalışmış bir sanatçı olarak İstanbul ziyaretine ilişkin kabaca neler söylemek istersin? Müslüman bir coğrafya, kozmopolit bir kent, batıya kıyasla ne tip farklılıklar dikkatini çekti?

Haliç ve Boğaz’daki konumuyla, uzun tarihinin bir çok iziyle, o hem kutsal hem de seküler etkileyici mimarisiyle, modern gökdelenleri, çeşitli etnik mahalleleri, alternatif kültür kuruluşları ve kulüpleri, bağımsız yeraltı gazeteleri ve sergileri, işportacıları, trans seks işçileri, ucubeleri, gecekonduları, martıları, sokak kedileri ve o büyüleyici ışığıyla İstanbul kesinlikle dünyanın en muhteşem şehirlerinden biri. Çok kalabalık, havası kirli, inançlı ile inançsız, özgür ruhlu/seküler ile kutsal/politik otoriteye inananlar arasında bölünmüş de olsa ekonomik baskıya direnmesi ve çok farklı bakış açılarına, değerlere ve hayallere göre ayrışması muazzam. Aynı zamanda bir yabancı olarak hiçbir yerde bana karşı bir düşmanlık sezmedim. Ve farklı inançtan insanlar arasında hiçbir zaman açık bir düşmanlığa tanık olmadım. Kısacası İstanbul hoşgörüsü, açık fikirliliği, ziyadesiyle yaşanabilirliği, kozmopolitizmi ve heyecanıyla beni oldukça şaşırttı.

Istanbul, 2021 December

Gündelik hayat ve sosyal açıdan ilgini çeken farklı konular bulabildin mi?

Tabii ki, kaçınılmaz olarak. Asya ve Avrupa yakalarında çeşitli yerlerde yaşadım. Özel pansiyonlar ve oteller. Hem güvenli hem de güvensiz yerler. Hep hareket halindeydim ve zar zor bir kaç saat anca uyuyabiliyordum. Bir misyonum vardı ve adrenalin yüklüydüm. Bir kaç tuhaf olaya değinirsem: Pezevengin biri bana saldırdı. Müşteri peşinde koşan iki trans seks işçisini fotoğraflarken çeneme kuvvetli bir darbe indirdi. Benden kısaydı ama antremanlı bir boksçuydu. Sanırım ortasikletti. Fakat beni pek de korkutamadığından kaçtı. Bir seks işçisi arkasından haykırdı, muhtemelen “korkak” gibi bir şeyler dedi, diğeri de bana İngilizce fotoğrafı silmem için bağırdı. Halbuki ben analog çalışırım. Başka, bir dilenci bana çatalını fırlattı, ıskaladı ve uzanamadı. Çatalı yerden aldım ve geri verdim. Teşekkür etti ve tekrar bana saldırmaya çalıştı, bu sefer de bacaklarımı ıskaladı. Bir diğer sefer de az kalsın bir polisi fotoğrafladığım için tutuklanıyordum, fakat konuşarak yırttım, zaten ne dediğimi de anlamadı. Daha başka şeyler de oldu ama genellikle huzurlu ve rahattı.

King Kahn, Berlin 2013

Genç bir girişimci ve sanat adamı olarak Bene Taschen’nin vizyonunu nasıl değerlendirirsin? Hardhitta Galeri olarak geçtiğimiz yıllarda Jamel Shabazz, Joseph Rodriguez, Gregory Bojorquez gibi fotoğrafçıların işlerini sergilediler.

Bene Taschen’e çok büyük bir hayranlık duyuyorum. Derin fikirleri olan, geniş bir yelpazede birinci sınıf fotoğrafçıları sergileyen harika bir galerici. Bu saydığın isimlerle güçlü bağlar kuran, sergilediği sanatçıların ticari veya tartışmalı yönlerine önem vermeden yüzde yüz ikna olan biri.

Marjinal koleksiyonerlere hitap eden ünlü simaların portreleriyle belgesel nitelikli işleri aynı kefeye koyabiliriz miyiz? Sen kendini daha çok hangi alana yakın görüyorsun?

Goya ucube, fakir, lanetliler gibi zengin, ünlü ve güçlü insanları da resmetti. Bazı fotoğrafçılar natürmort, manzara, portre veya kolaj çalışmayı seçer. Hiçbir stile karşı bir ön yargım yok, bazılarını az bazılarını çok severim. Tabii ki esas olarak sokak ve belgesel fotoğrafçılığını tercih ediyorum. Zaten belli değil mi?

Zownir, Germany

Olgunluk dönemine yaklaşmış bir sanatçı olarak edebiyatın, fotoğrafların ve sinemanla dünyaya bir şeyler söyleyebildiğine inanıyor musun?

Tabii ki insanın kendi eserinin kalitesini, yaratıcı birikimini ve etkisini tartışması güç. Amacım hiçbir zaman memnun etmek, zengin ya da ünlü olmak değildi. Hangi türde çalıştıysam, her zaman bireysel bakış açımı potansiyel sonuçları kale almadan ifade ettim. Bana önemli gelen şeyleri başkalarının takdirine, hiçe saymasına ya da yargılamasına aldırmadan. Hiçbir zaman anaakım olmadım ve bu da halen tartışma konusu. Böyle olmasına rağmen, büyük galeriler ve müzeler benim eserlerimi sergiledi. Sanırım son kırk yılın ruhunu tüm çıplaklığıyla belgeledim ve o keşfettiğim acı gerçeği ne yücelttim ne de yargıladım. Bazı genç fotoğrafçıların varoluşumuzun karanlık taraflarına yönelmesine etki etmiş olabilirim. Romanlar, şiirler, kısa öyküler yazdım ve hiçbirinin değeri İngilizce veya başka dillere çevrilmeden bilinmeyecek. Filmlerim anaakım zevklere meydan okuyan psikotik, ham, put kırıcı ve anti-sinematik filmlerdir. Beğenmen için hasta bir ruha ya da garip bir mizah anlayışına sahip olman gerekiyor. Ama yaptığım her şey burada, kalıcı ve dikkat çekici olacaktır.

Miron Zownir’s second feature film ‘Back to Nothing’ teaser (2015)

Mariupol 2013

UKRAINIAN NIGHT

Zownir toured several parts of the Ukraine and met with a wide range of realities of urban life in different regions. Through close contact with local activists he obtained insights into the often abysmal social life of different marginalized groups, for example drug addicted homeless adolescents dwelling in run down houses and ruins in Odessa. In the course of their photographic journey Zownir, whose father was Ukrainian, photographed also TB patients, HIV-positive orphans or residents of various Roma camps, showing the fringe of society that has been invisible so far in the Ukrainian and foreign media. In his b/w photographs signs of the revolution are already perceptible. The images demand a social and political reflection of the now ubiquitous nationwide crisis. In 2014 Zownir again went to visit Kiev and documented the Majdan as the central square of the visible chaos of the post-revolution, as a place of desolation, great perplexity and silent grief about the people who lost their lives in the uprise.

Odessa 2013- Homeless juveniles
Kiev 2012- Celebration at Majdan
Kiev/ Majdan 2014 – Funeral rite for victim of Majdan uprise
Lemberg 2012– Nuns demonstrating for the preservation of their convent
Sewastopol 2013– Celebration of the WWII victory
Odessa 2012
Jalta 2013- Lenin memorial
Kiev /Majdan 2014

Not to Exist for a While

Listening to a sad symphony
Didn’t pick up my mood
I turned it off and listened
To the sound of the City
Not wanting to listen
To anything
Not to exist for a while
Not to eat breath or think
Is as good a vacation
As any
As long as you have your return-ticket
To your meaningless virtues
Countless secrets
Solitary petting orgies
And nine to five job
Once you have been
Where you should have never returned from
You know it doesn’t matter
If you lived your life with a hard on
Or a fist up your ass
And that’s as sad as it gets
Sadder than the saddest symphony
Or the birth of your offspring

Mona Mur & Miron Zownir – Live at Theater Metropolis, 2018

Bir Süre Var Olmamak

Türkçesi: Burak Bayülgen

Dinlerken hüzünlü bir senfoni
Getirmedi yerine keyfimi
Kapattım ve dinledim
Şehrin sesini
İstemiyor canım bir şey
Dinlemek
Bir süreliğine var olmak
Yememek, solumamak ve düşünmemek
Güzel herhangi bir tatil
Kadar
Gidiş-dönüş biletin olduğu sürece
Anlamsız erdemlere
Sayısız sırlara
Tek başına orjilere
Ve dokuz-beş işine
Oradaydın bir zamanlar
Hiç dönmemen gereken yerde
Ne fark eder ki, bilirsin
Hayatını yaşadıysan erekte
Yahut bir yumrukla kıçında
Ve bu da hüzünlüdür olabildiğince
En acıklı senfoniden
Yahut oğlunun doğumundan.


Erman Akçay, 2019 İstanbul

Sources about the Artist:


Aventures Extraordinaires d’un Artiste Extraordinaire: Mattt Konture

Mattt Konture, Galerie Réplique (2017)

Mattt Konture is a French underground comics author and musician. He is one of the founders of the French publishing house L’Association and is a forerunner of the French autobiographical comics movement.

Konture grew up in Lozère, where his influences included Métal Hurlant artists like Marc Caro, Doury, Rita Mercedes, and Moebius.

Konture published his first comics in 1983 (at the age of 18) in magazines such as Viper (“L’ajeun”) and Le Lynx (“Les Exploits de Ted” with Jean-Christophe Menu). When Konture went to Paris he published his first comics, Nerf, on an old Xerox machine. L’Association later reprinted this first book. His first comic book was Ruga Zébo Violent, first volume of the “Pattes de Mouche” collection published by L’ANAAL, to become L’Association.

At this time, Konture’s drawings were very dark and full of strokes and looked like the growing American underground style. Konture later discovered 1960s American underground cartoonists such as R. Crumb and Gilbert Shelton, who inspired him to create psychedelic and autobiographical comics. In 1988, Konture started autobiographical comics such as Krokrodile Comix 1, or Galopu, that was a forerunner of the French underground movement.

Mattt Konture, 1984

In 1989 Konture returned to Lozère. There he drew a few comics and continued Ivan Morve (a pun on “Mort-vivant,” “living dead”). Ivan Morve is a series of half-autobiographical stories published in the pages of Psykopat.

During the same period Konture started “Jambon blindé,” an improvised comix commissioned by his friend Stéphane Blanquet. This new way of telling stories drove Konture to draw a series of “comix” edited by L’Association in the collection Mimolette. “Autopsie d’un mort vivant” (“Autopsy of a living dead”) is a dark retelling of Konture’s life. In these books all his characters reappear: GalopuMister VrO, and Ivan Morve — each of them represents the author’s mood.

Mattt often draws with artist friends, publishing works such as Galopinot (L’Association) drawn with Lewis Trondheim, and, more recently, L’Abbé Noir (Arbitraire) drawn with Lilas and Willy Ténia, La Comète à 4 pattes (L’Association), drawn with Lilas, Willy Ténia and Freaky Nasa, and Borrut Popotte (Marseilles based silkscreen and publishing house Le Dernier Cri), drawn with Lilas.

For a long period of his life, Konture worked at home. Now he’s part of a collective artist’s space (workshop, gallery and boutique) En Traits Libres, which is open to the public.

Vidéo réalisée par Sébastien Casino pour l’exposition de Mattt Konture à La Jetée (Janvier 2017)

Konture has also played in many musical groups (Les Tordus, Pumpkin Guts, Cosmogol, Rhinoplastic Démodex…), including his original one-man group Courge, which later changed its name to Lucky and the Courges, and which produces CDs and plays concerts in the Montpellier area where he lives.


“Matt Konture : l’éthique du sous-terrain” (2011) par Francis Vadillo. en streaming sur le site de feu “Et Mon Cul C’est du Tofu”.
Mattt Konture, L’Éthique du souterrain (2012)

Mattt Konture, L’Éthique du souterrain

Documentaire de 64 minutes réalisé par Francis Vadillo, qui a suivi Mattt Konture pendant plus de deux ans, chez lui, dans différents festivals, et lui offre enfin le portrait qu’il mérite. C’est l’occasion de le voir au travail, dessinant dans ses carnets et réalisant des fanzines, ou jouant sur scène avec son groupe Courge. On pénètre dans son quotidien en l’accompagnant dans sa pratique compulsive du dessin, seul ou entouré de ses nombreux amis fanzineux, mais aussi par l’évocation de la maladie qui l’affecte, la sclérose en plaques. C’est enfin un portrait d’une scène underground musicale et graphique vivace et festive, que Mattt Konture n’a de cesse de parcourir pour apporter sa contribution.

On y croise J.-C. Menu, Pacôme Thiellement et Killoffer, qui se souviennent de leurs rencontres, au début des années 80, et reviennent sur l’importance de son œuvre autobiographique.


Mattt Konture, L’Éthique du souterrain (2012)

64-minutes documentary directed by Francis Vadillo, who followed Mattt Konture for more than two years, at home, in various festivals, and finally offers him the portrait he deserves. This is an opportunity to see him at work, drawing in his notebooks and making fanzines or playing on stage with his group Courge. We enter his daily life by accompanying him in his compulsive practice of drawing, alone or surrounded by his many zinester friends, but also by evoking the disease that affects him, multiple sclerosis. Finally, it is a portrait of a vivacious and festive musical and graphic underground scene which Mattt Konture constantly explores to make his contribution.

We meet J.-C. Menu, Pacôme Thiellement and Killoffer, who remember their meetings in the early 80s, and discuss the importance of his autobiographical work.

Mattt Konture, L’Éthique du souterrain (2012) L’association

During filming, Mattt Konture produced a new “comixture” which accompanies the DVD. This new comix, without possible comparison with a simple making-of, opens a dialogue with the documentary, offers it unexpected extensions and gives all its coherence to the whole.

Order your DVD : Mattt Konture, L’Éthique du souterrain


Animation paréidolique par Mattt Konture et Janko pour le film Mondo DC / production Le Dernier Cri Musique Janko & Mattt Konture, montage Pakito Bolino

Écritures Dessinées, Radio Escapades (2022) :

Entrevue radio spéciale de Julie Doucet et Mattt Konture


Night of the Konture (2010)

FACEBOOK: MATTT KONTURE

COURGE: COURGE.BANDCAMP.COM


Woman with a Manifest: Matilde Digmann

Kopenhag, 2022

Jeg er her for frihed, ærlighed, sårbar­hed, gender-fluidity, for kærlighed.

Det var usansynligt at jeg skulle blive en kanal for lyset. Det jeg kommer fra er så mudret, så mørkt – men jeg skulle igennem de dybeste lag for at forstå, at jeg er lys. Hver gang jeg har ramt bunden, er jeg blevet vist at jeg kan gå højere – at vi alle har et valg. At vi kan give slip på frygt og være i tillid til at alt udfolder sig præcis som det skal. Og vide at dét at være i overgivelse – i nuet – er lig med at være i vort højeste selv.

Skyggearbejde handler om at bevidstgøre sig skyggen (de sider af os selv vi ikke kan eller vil se og anerkende) – ikke at skubbe dem væk, løbe fra dem eller lade som om de ikke eksisterer – men i stedet vende os om og integrere mørket. Og dermed erkende at vi er begge dele: både lys og skygge. Jeg kaster min skygge ud i rampelyset for at integrere den i os alle, for at hjælpe os til at forstå at vi ikke behøver at gøre vores skygge forkert og udskamme den – men at vi kan se den for hvad den er – et bange dyr, en ego-skal bygget for at beskytte os. Se at vi er født uskyldige – som ren kærlighed.

Jeg arbejder for at kaste lys ind i den kollektive skygge – for at blotlægge mis­forhold i den dominerende kultur. For at frisætte os fra den programmering og radikalisering vi er blevet udsat for gen­nem en opvækst i et kapitalistisk patriar­kat. Når jeg ser på kønnene, og mine egne oplevelser som biologisk kvinde – ser jeg en dyb diskrepans. Jeg ser en enorm for­skel på begrænsningerne af den ydre og indre frihed der er for kønnene hver især. Jeg er nødt til at pege på dobbeltmoralen og hykleriet i et samfund der systematisk seksualiserer kvinder og som så – når kvin­der agerer åbenlyst seksuelt – vender sig om og udskammer dem for det. Et sam­fund hvor mænd programmeres til at un­dertrykke følelser, til at lukke ned. Dette systemiske svigt kommer til udtryk som konstante indviduelle kampe om at få det godt, som enten kæmpes eller fortrænges, og som vi ikke kan vinde på et individu­elt niveau. Det er et system der fratager os vores evne til at elske frit, og det er på tide vi bliver fri af det.

Jeg er her for frihed, ærlighed, sårbar­hed, gender-fluidity, for kærlighed.

matildedigmann.dk


Miinto Meets: Matilde Digmann

Does ceramics and fashion have anything in common? It certainly does for artist and author Matilde Digmann who uses their creativity as a safe space of self expression.

Matilde Digmann (Mat) is a gender fluid artist and author. Mat’s artistic practice is multi-faceted but rooted in two main principles: Work evolving around outing shadow and exposing things we usually try to keep in the dark, thereby calling out biased structures in society and discrepancies in dominant morality. Mat is working on outing shadow (in a Jungian sense) on a personal as well as on a societal level. The second focus of Mat’s artistic practice is in working towards a betterment of the artistic community – in service to particularly blocked artists via the podcast Shadow Work Podcast and in pursuit of healing a generation of men and women who have been radicalised by growing up in capitalist patriarchy – via the graphic novels Pseudo and the upcoming Bad Boys.

As their unique artwork and ceramics, Mat – who’s based in the vibrant neighbourhood of Nørrebro in Copenhagen – primarily uses bright and bold colours in their wardrobe – matched with loads of gold and glitter. Meet the Copenhagen-bases artist here, and get a preview of their unique and personal art as well as their take on personal and great style.


Matilde Digmann ‘Pseudo’ Graphisk Roman. Basilisk 2021

Matilde Digmann (Mat) Bir sanatçı ve yazar olarak çok yönlü sanat pratiğini iki temel ilkeye dayandırmaktadır: Gölgeyi aşmak ve genellikle karanlıkta tutmaya özen gösterdiğimiz yönlerimizi açığa çıkarmak; böylece çizgi-roman dili, çeşitli afişler ve grafik hyper-text’lerden de faydalanarak sanatçı toplumdaki önyargıları ve baskın ahlakın tutarsızlıklarını gözler önüne sermeyi hedefler.

Mat, hem kişisel hem de toplumsal düzeyde gölgeyi (Jungcu anlamda) aşmak için çalışıyor. Onun sanat pratiğinin odaklandığı ikinci alan ise Shadow Work Podcast aracılığıyla özellikle amatör sanatçılara yardım etmek ve kapitalist ataerkil bir ortamda büyüyerek radikalleşmiş günümüz erkek ve kadın nesline şifa olmak amacıyla sanat camiasının iyileştirilmesine yönelik çalışmalar yapmaktır.


Matilde Digmann ‘Pseudo’ Graphisk Roman. Basilisk 2021

“Pseudo” by Matilde Digmann

Resorce : Gabriele Di Fazio / Just Indie Comics

Anthropomorphic animals, online dating, drugs, sex, shame, inability to relate to others. In short, the usual old story. Indeed no. Pseudo by Matilde Digmann fits into a genre that is now highly exploited, that of problematic animals that do bad things, but manages to have her say. Mat – this is his stage name, given that he defines himself “a non-binary multidisciplinary artist and author” – first of all he paints and sculpts. He has a studio in Copenhagen full of his creations. Enter the world of comics as an outsider and in this Pseudo, a volume of 366 pages in English with a beautiful mirror cover published by the Danish Forlaget Basilisk, this is evident. The story continues in small episodes, almost by accumulation. There is no great sense of rhythm. The drawings are raw, dark, not at all cute and in any case far from the dominant aesthetic, dropped in a black and white that cannot be blacker. All this allows Mat to get out of the sowing of today’s alternative comics, avoiding ending up in the long list of Simon Hanselmann’s emulators.

The story written by Mat talks about the almost homonymous Cat, an anthropomorphic cat who after 9 years breaks up with her boyfriend and begins a “crazy year” made up of new acquaintances, transgressive evenings and – inevitably – self-harm. Pseudo begins with the protagonist signing up for a dating site, while she spends her days indoors with Ted, a traditional four-legged cat. The first pages of the volume are the weakest and most obvious, with many situations that they already know. Then after a while things take off. Meeting after meeting we witness a gallery of men who are idiots at best, manipulative bastards at worst. In front of them the protagonist is unable to react, on the contrary, most of the time she is satisfied or even submits. The story stops being banal and becomes a psychological crescendo that plumbs Cat’s unconscious search for unhappiness.

Nomineret til Pingprisen 2022: Matilde Digmann – PSEUDO

The plot is inspired by the personal stories of Matilde Digmann, who after nine years of marriage has changed her life in a radical way. For more details, I refer you to this article / interview, which rightly frames Pseudo as a feminist parable. But there is more, for us who are lovers of the strange. For example, there is a talking spider that turns from a threat into the protagonist’s shoulder. In a chapter entitled Bad Trip, the spider enters Cat’s brain to find a wasteland populated only by giant cocks. Towards the end, a flashback shows us the encounter with a sort of “cat god” with a third eye: the same third eye that appears every now and then on Cat’s forehead before a few encounters, making her even more ashamed – if any needed – of his body.

“Pseudo” by Matilde Digmann

The finale sees the final confrontation between Cat and her latest boyfriend, even worse than the former historian. Turns out the guy is married and the father of a little girl, who he hasn’t been able to see since he hit his wife with a metal pipe. Unfortunately the last pages are broom with the initial ones, because – even taking into account that the volume is presented as the first of a trilogy – they close the story in an all too hasty way. Pseudo works fine from p. 70 on p. 341, and in any case 272 pages, so they are enough and advance. What then in these times, when novice authors tend to always look for the “round” comic with all the right ingredients and the graphic novel is a genre rather than a format, making a comic a little wrong can also be a positive thing.

The main merit of Pseudo remains its being an original feminist parable. Mat does not indulge in easy theses or didactic dissertations. With the technique of accumulating characters and situations, he rather tells the tendency to submission of the main character and the pettiness of the male gender, so much so that in some passages he reaches pure misanthropy. Beyond this, the book would be worth the cover price only for the drawings, which in their tarry black and white bring us back to less colorful and certainly more glorious times than today.

In conclusion, here are some useful links, namely Mat’s site, the Instagram page and finally his online shop where you can buy the volume.

matildedigmann.dk

matildedigmann (instagram)

Pseudo


It was unlikely that I would become a channel for the light. What I come from is so muddy, so dark – but I had to go through the deepest layers to understand that I am light. Every time I have hit rock bottom, I have It was unlikely that I would become a channel for the light. What I come from is so muddy, so dark – but I had to go through the deepest layers to understand that I am light. Every time I have hit rock bottom, I have been shown that I can go higher – that we all have a choice. That we can let go of fear and be confident that everything unfolds exactly as it should. And knowing that being in surrender – in the now – is equal to being in our highest self.

Shadow work is about becoming aware of the shadow (the sides of ourselves we cannot or will not see and acknowledge) – not pushing them away, running away from them or pretending they do not exist – but instead turning around and integrating the darkness. And thus recognize that we are both: both light and shadow. I cast my shadow into the limelight to integrate it into all of us, to help us understand that we do not have to make our shadow wrong and shame it – but that we can see it for what it is – a scared animal, an ego shell must be built to protect us. See that we are born innocent – as pure love.

A society where men are programmed to suppress emotions, to shut down.

I work to shed light on the collective shadow – to expose disparities in the dominant culture. To free ourselves from the programming and radicalization we have been subjected to through growing up in a capitalist patriarchy. When I look at the sexes, and my own experiences as a biological woman – I see a deep discrepancy. I see a huge difference in the limitations of the outer and inner freedom that exist for the sexes each. I have to point to the double standards and hypocrisy of a society that systematically sexualises women and who then – when women act openly sexually – turns around and shames them for it. A society where men are programmed to suppress emotions, to shut down. This systemic failure manifests itself as constant individual struggles to get the good that is either fought or repressed and that we cannot win on an individual level. It is a system that deprives us of our ability to love freely, and it is time we become free from it.

I am here for freedom, honesty, vulnerability,

gender-fluidity, for love

Shadow Work Podcast

matildedigmann.dk


Reinhard Scheibner: Locus Animi & Great Cacophony

Reinhard Scheibner ‘Der Fall Nietzsche’, 1991, 150 x 210 cm, Oil, Tempera on Canvas

LOCUS ANIMI

(AB)ORT DER SEELE

“Il Faut Risquer Les Indigestions, Si L’on A Envie De Manger!” Francis Picabia

“L’etre Ideal? Un Ange Ravagé Par L’ Humour.” E. M. Cioran

Seit nunmehr über zwanzig Jahren bemühen sich die Stadt Berlin, als auch das restliche Deutschland mit Erfolg Reinhard Scheibner zu übersehen. Und dabei ist man hierzulande nicht gerade allzu üppig mit guten Malern bestückt. Man bedient sich lieber der weniger sperrigen, braven Geniedarsteller und pseudointellektuellen Klugscheißer, toilettenrein, geistiger Dünnschiss auf Hochglanz poliert, Hauptsache ohne Aussage. Schön alles auf Zwergen-Niveau herunterköcheln. So ist es nicht verwunderlich, dass die umfassenderen Publikationen auch ex patria erscheinen. Die deutschen Schreiberlinge und Kuratoren, seit der Eliminierung der jüdischen Intelligenz immer mehr zu Handlangern des Raubtiers Kunstmarkt verkommen, haben seit jeher äußerste Schwierigkeiten mit Bildern gehabt, die die Grenzen zum Karikaturhaften, zum Comic zu überschreiten wagen: Die hehre Kunst hat im Land der Dichter und Denker gefälligst ernst zu sein und Comic hat darin als angeblich schiere Unterhaltung aber auch gar nichts verloren, und basta! Lachen verboten! Wer lacht, kann nicht ernst sein, doch wer zu ernst ist(und das sind die Germanen leider nun mal), hat auch nix zu lachen. Also lieber Kopfschmerzen im Wasserkopf als erlösenden Humor. Wie absurd und verbohrt selbstbeschneidend diese Denkweise ist, soll hier nicht Thema sein. Schließlich gäbe es keinen Plautus, keinen Rabelais, Jarry, Rops, Ensor, Grosz, Crumb et cetera. Ein Robert Combas oder Herve di Rosa müssten in Germanien ebenso beim Sozialamt mit anstehen.

Reinhard Scheibner ‘Amok’, 1978, 130 x 200 cm
Reinhard Scheibner ‘Derision’, 1979, 180 x 250 cm
Desparet narcissus, 1982, 150 x 100 cm

Ende der Siebziger, Anfang Achtziger entstehen meist großformatige Leinwände in zeitgemäß wildem Duktus, doch seine Arbeiten unterscheiden sich grundlegend von den verhuscht dahingepinselten Flachheiten der „Moritzboys”. Wie viele Künstler ist er fasziniert von der radikalen Konsequenz des Verbrechers, dem bewussten Verstoß gegen die bürgerliche Moral. Das Abgründige, Abwegige, Albtraumhafte, “das schrecklich Schöne der Tat” (Nietzsche) sind bei weitem ergiebiger als das Schöne, Wahre, Gute. Die Niederungen der menschlichen Existenz werden hier ausgelotet, es geht stets sofort zur Sache. Rohe Gewalt beherrscht die Szenerie. Die Täter sind Ärzte, Polizisten, Lustmörder, Punks , Skinheads, scheißende Köter. Der verrückt gewordene Spießer von nebenan – er löscht gerade seine Familie systematisch aus. Riesenweiber, die sich an ihren mickrigen Männlein austoben. Perverse, die Hand an sich legen und legen lassen. Ein nettes Pandaimonion der Neuzeit wird sarkastisch mit viel Liebe auf dem Präsentierteller gereicht.

Es ist auch die Zeit des Häuserkampfes. In Ermangelung an Polizeipräsenz , haut man sich in den Kaschemmen bisweilen gegenseitig aufs Maul. Polizisten und Autonome gleichen sich in Aussehen und Gehabe immer mehr an, wer ist Täter, wer ist Opfer ?. Der Wahnsinn ist allgegenwärtig und beinahe physisch spürbar in der Frontstadt des Kalten Krieges. Reagan, schon vor seinem Alzheimerausbruch schwachsinnig genug, sinniert laut über die Gewinnbarkeit eines Atomkrieges (first-strike-capability!), 1984 steht vor der Tür, der Horla geht um. No Future – Geraunz dringt aus jedem Loch. Dann kocht auch noch Tschernobyl über, und das Affentheater ist perfekt. Die Realität ist wie immer nicht zu toppen. Scheibner versucht sich lediglich an diese heran zu tasten, sie malerisch zu begreifen. Daher die akribische Detailfreude, die barocke Fülle an Gegenständen und Personen, von denen es auf den Arbeiten häufig wimmelt. Er erzählt Geschichten aus der Großstadt, der kranken Hektik des Sommerschlussverkaufs, der Vereinsamung des Einzelnen in der Masse, dem Gebrüll in den Destillen, dem Gewusel auf den Straßen; die Architektur ist abstoßend, lebensfeindlich, monströs und bedrohlich. Natur existiert so gut wie nicht, wird höchstens angedeutet 1991 kommen während der „Operation Desert Shield” zu den apokalyptischen Darstellungen des Alltags noch Schlachtenbilder mit Panzern, Scud-Raketen und Gasmasken tragenden Soldaten hinzu, wie immer dicht am Zeitgeschehen. Auch entsteht ein fantastisches Gemälde über Nietzsches Zusammenbruch in Turin. Der das Pferd peinigende Kutscher trägt karikaturhaft Scheibners Gesichtszüge – hochrot vor Wut, drischt er auf die wehrlose, ausgemergelte Kreatur ein. Obwohl er sich auch mit dem verrückt werdenden Philosophen identifiziert, ist er Täter und Opfer zugleich, also keinen Deut besser als die Arschlöcher, die er darstellt Eben ein Arschloch unter Milliarden Bekloppter, und ein jedes bildet sich ein, irgend einem vermeintlichen Sinn hinterher traben zu müssen. Alles nur Blutbeutel voller Scheiße, ferngesteuert durch die Geißel der biologisch bedingten Hinfälligkeit, stets darauf bedacht, andere zu zerstören, bis sie selber an die Reihe kommen.

Reinhard Sceibner ‘Die Strecke des Jägers’, 1979, 120 x 180 cm
Reinhard Scheibner ‘Entartender Rockabilly’, 1982, 100 x 120 cm
Reinhard Scheibner ‘Flammenwerfer’ – flamethrower, 1996, 31 x 46 cm

In der ersten Hälfte der Neunziger werden die Bilder zunehmend plakativer, haben scharf umrissene Konturen, manchmal gibt es nur eine einzige Farbe außer schwarz und weiß. Er versucht sich zu reduzieren, sich auf das Wesentliche zu konzentrieren. Die Gesellschaft hat sich unterdessen natürlich nicht geändert, nur alles mit anderen Vorzeichen im ewigen Kreislauf. Man sitzt rauchend und saufend in Kneipen, während im Hintergrund fleißig geschossen wird, ist Opfer der Medizin, scheißt Bettlern in den Hut, Augenlose kaufen beim Neger am Imbiss Augen, die sie sich, obgleich auch noch ohne Münder, versuchen einzuverleiben. 1996 tauchen die Schließmuskelgesichter in wieder malerischer werdenden Bildern auf. Der Kopf ist zum Arschloch geworden, die Umkehr der Verdauung angesagt. Es entstehen zahlreiche Aquarelle. Die Arschlochköpfe haben anstatt Beinen oft nur einen Riesenphallus, erigiert oder schlaff, Därme schwirren durch die Lüfte, die Szenen werden aberwitziger. Aber auch eins zeichnet sich ab. Scheibners Sicht wird distanzierter und er entdeckt für sich die Flora. Es gibt auf einmal grünes Gras, Bäume und gepflegte Landschaften, eine gewisse Form von Bejahung schleicht ein. Nun ja, im Hintergrund wird immer noch gemordet, geschändet und gebrandschatzt. Er ist von der Realität bewegt, aber nicht mehr erstaunt, der ganze Quatsch der Erdianer eher amüsant als tragisch. Man wähnt sich in seinem Humor bestätigt oder lehnt ihn als zu ekelhaft ab, klare Positionen, wie bei jeder großen Kunst. Und als Konsequenz der Arschlochköpfe, die manchmal aus dem Rosettenmund Verdautes absondern, haucht Scheibner den Kotstangen Leben ein. Sie enthalten Menschenphysiognomien und entwickeln sofort ein Eigenleben. Der Mensch in seiner lächerlichen Vermessenheit, als Abfallprodukt der Evolution. Die Krone der Schöpfung eines selbsterdachten Gottes hat sich als solche disqualifiziert, wird eins mit ihrem Exkrement. Die Erde scheißt man mittels Übervölkerung, durch zu zahlreiches Da-Sein förmlich zu, wird zum eigenen Produkt sozusagen. Kloakenanbetung, Ausscheidungskämpfe, Mastdarmidylle, willkommen beim Kongress der Koprophagen. Die Köttel tummeln sich so arglos, heiter und ausgelassen in der Meeresbrandung, am Rodelberg, in Parkanlagen, in einer immer positiv erscheinenden Natur .hängen aber auch gerne in Bauhausmöbeln (zweite Natur) rum. Rollstuhlfahrerkackwürstchen werden liebevoll durch die Gemarkung geschoben. Das Künstlerhäufchen im Rollstuhl darf da selbstverständlich nicht fehlen. Die Freizeit-, Spaß- und Arbeitslosengesellschaft feiert fröhliche Urständ als Fäkalie. Man hat auswendig gelernt, Leben vorzutäuschen. Der Mensch ist auf seine einzigen wahren Beitrag in der Natur reduziert, als Düngemittel für kommende genauso nutzlose Lebensformen. Irgendwann wird der Planet nicht mehr von der Seuche Mensch befallen sein, scheißegal – können wir uns doch bei einem schönen Gläschen Wein den lustigen Artefakten eines Reinhard Scheibner hingeben und somit unser eigenes Siechtum im Geiste vorverdauen.

Klaus Theuerkauf 
Berlin, den 3.12.2000


Reinhard Scheibner on Most Interesting Person (2010)

Reinhard Scheibner ‘Invasion’, 1999, 130 x 100 cm

LOCUS ANIMI

LIEUX D’AISANCES DE L’ÂME

KLAUS THEUERKAUF.
TRADUCTION PAR FRANÇOISE CACTUS.

“Il Faut Risquer Les Indigestions, Si L’on A Envie De Manger!” Francis Picabia

“L’etre Ideal? Un Ange Ravagé Par L’ Humour.” E. M. Cioran

Depuis plus de vingt ans, Berlin mais aussi le reste de l’Allemagne s’efforcent avec succès d’ignorer Reinhard Scheibner. Pourtant dans notre pays, on ne peut pas se vanter d’être pourvu d’un nombre exubérant de bons peintres. Au lieu de cela, on se satis­fait de prétendus “génies” – plus sages et moins encombrants -et de pseudo-intellectuels arrogants, propres comme des toilettes, et qui brillent de leurs diarrhées spirituelles. L’essentiel, c’est qu’il n’y ait pas de message: laisser réduire la soupe jusqu’à néant. Il n’est donc pas étonnant que les plus amples publications parais­sent ex patria.

Reinhard Scheibner ‘Heldenplatz’, 1999, 20 x 25 cm

Depuis l’élimination de l’intelligence juive, les gratte-papiers et curateurs allemands ne sont plus que des manœuvres au service de ce rapace qu’est le marché de l’art. Depuis lors, ils ont d’ex­trêmes difficultés devant des tableaux qui osent passer la fron­tière de la caricature ou de la bande dessinée : Au pays des poètes et penseurs, l’Art sublime est tenu de rester sérieux, et la caricature n’a rien à voir là-dedans, basta ! Interdiction de rire. Evidemment, qui est trop sérieux – et malheureusement, les Germains le sont – n’a aucune raison de rire. Ces hydrocéphales donnent leur préférence aux migraines plutôt qu’à l’humour libéra­teur. Que cette façon de penser soit absurde, obstinée et auto-cas-tratrice, ce n’est pas ici notre sujet. Sans humour il n’y aurait ni Plautus, ni Rabelais, ni Jarry, ni Rops, ni Ensor, ni Grosz, ni Crumb etc. En Germanie, un Robert Combas ou un Hervé di Rosa seraient obligés de faire la queue pour le R.M.I.

Reinhard Scheibner ‘Pissbrunnen’, 1999, 20 x 25 cm

A la fin des années 70 et au début des années 80, Reinhard Scheibner peint essentiellement des tableaux grand format à la manière ” sauvage ” propre à cette époque, pourtant ses toiles diffèrent fondamentalement des platitudes rapidement peinturlu­rées des ” Moritzboys ” ou ” Neue Wilden “. Comme beaucoup d’ar­tistes, il est fasciné par le radicalisme du criminel, par son offen­se consciente à la morale bourgeoise. L’insondable, le cauchemar­desque, ” la terrible beauté de l’acte ” (Nietzsche) sont bien plus féconds que le beau, le vrai, le bon. Il examine jusqu’au bout les bas-fonds de l’humanité et entre immédiatement dans le vif du sujet. Les décors de scène sont définis par la pure violence. Les auteurs en sont des médecins, des policiers, des criminels sadiques, des punks, des skinheads, des chiens qui chient. Le bour­geois d’à coté, devenu fou, élimine systématiquement tous les membres de sa famille, des femmes gigantesques se défoulent sur leurs bonshommes maigrelets, des pervers se masturbent ou se laissent masturber : Un joli pandémonium des temps modernes nous est présenté sur le tableau de service.

Reinhard Scheibner ‘Gassi Gehen’, 1996, 23 x 32 cm
Reinhard Scheibner ‘Sich in die Wolle kriegen’, 1997, 18 x 24 cm

C’est l’époque des squatts et des bagarres de rue. Quand les poli­ciers ne sont plus là, on se démolit respectivement la gueule dans des bistrots. Les policiers et les autonomes se ressemblent de plus en plus par leur apparence et leur comportement ; Qui est l’auteur ? qui la victime ? La folie est omniprésente, on la ressent presque physiquement dans la ville de la guerre froide. Reagan, rendu idiot bien avant sa maladie d’Alzheimer, médite tout haut sur les bénéfices à gagner d’une guerre atomique (first-strike-capability !), 1984 est planté devant la porte, le Horla passe en courant. No future – de chaque trou sortent des gémissements. Puis Tschernobyl se met à trop bouillir, à déborder, et c’est le cirque complet. Comme toujours, on ne peut surpas­ser la réalité. Scheibner essaie seulement de s’en appro­cher, de la comprendre par son art. De là l’attachement aux détails méticuleux, l’abondance baroque d’objets et de person­nages qui fourmillent dans la plupart de ses œuvres. Il raconte des histoires de grandes villes, documente le stress des soldes de fin de saison, l’isolement de l’individu dans la masse, les hur­lements dans les distilleries, la confusion dans les rues ; l’archi­tecture est répugnante, inhumaine, monstrueuse et menaçante ; la nature n’existe pratiquement pas, tout au plus y fait-il allusion. Aux représentations du quotidien s’ajoutent en 1991 – pendant I’ ” Opération Désert Shield ” – des images de batailles avec des tanks, des fusées ” scuds ” et des soldats qui portent des masques à gaz : Scheibner reste comme toujours proche de l’ac­tualité. C’est à cette époque qu’il compose un fantastique tableau sur l’effondrement de Nietzsche à Turin. On reconnaît dans la caricature du cocher qui fouette le cheval les traits du visage de Scheibner. Rouge de fureur, il frappe la pauvre créature squelet-tique et sans défenses. Bien qu’il s’identifie aussi au philosophe devenu fou, il est à la fois auteur et victime, donc pas meilleur que les salauds qu’il représente : Lui-même n’est qu’un salaud parmi des milliards de cinglés, et chacun s’imagi­ne devoir trotter à la poursuite d’un présumé but vital. Ils ne sont tous que des sacs de sang remplis de merde, mis en mouvement par le fouet de leur cadu­cité biologique, obsédés par le désir de détruire les autres avant que ne vienne leur tour.

Dans la première moitié des années 90, les tableaux ressemblent de plus en plus à des affiches aux contours nets, parfois Scheibner n’utilise qu’une seule couleur mis à part le noir et blanc. Il tente de se réduire, de se concentrer sur l’essentiel. Entre-temps évidemment la société ne s’est pas transformée -des nouveaux signes précurseurs pour le même cercle perpétuel. On fume et picole dans les bistrots, tandis qu’à l’arrière pian des coups de feu sont tirés avec ardeur, on est victime de la méde­cine, on chie dans le chapeau d’un mendiant, des hommes sans yeux s’en achètent au kiosque du coin et tentent de les incorpo­rer à leur visage qui d’ailleurs n’a pas de bouche non plus. En 1996 apparaissent les ” visages-anus “dans des tableaux à nou­veau plus colorés. La tête s’est transformée en un cul, on annon­ce l’inversement de la digestion. Scheibner peint de nombreuses aquarelles : A la place des jambes, les êtres au visage-anus n’ont souvent plus qu’un phallus gigantesque, flasque ou en érection, des intestins flottent dans les airs, les scènes deviennent de plus en plus bizarres.

Mais quelque chose de nouveau fait son apparition. La vision de Scheibner se distancie et il découvre la flore. Tout d’un coup il y a de l’herbe, des arbres et des paysages soignés, une certaine forme d’approbation s’insinue. Bon, à l’arrière-plan, on continue de s’entretuer, de profaner et de mettre le feu. Scheibner est touché par la réalité, mais ne s’en étonne plus, il trouve toutes ces imbé­cillités terrestres plus amusantes que tragiques. On s’imagine complice de son humour ou bien on le réfute car on le trouve trop répugnant : devant Scheibner comme devant tout grand artiste, toute prise de position est extrême. Il donne un souffle de vie à ces visages-culs qui chient les aliments digérés par leur bouche en forme de rosette : oui, ils ont des physionomies humaines et soudain ils se mettent à vivre.

Reinhard Scheibner ‘Gewürm’, 1997, 23 x 32 cm
Reinhard Scheibner ‘Kitzelschlange’, 1997, 23 x 32 cm

L’homme avec sa ridicule audace, transformé en déchet de l’évo­lution. Le meilleur de la création d’un Dieu imaginaire s’est dis­qualifié et ne fait plus qu’un avec son excrément. Par la surpo­pulation, par la surabondance de l’existence, on chie trop sur la terre, et soudain la merde vit. Adoration des égouts, crampes de l’élimination, idylle du rectum, bienvenue au Congrès des copro-phages. Avec candeur et gaieté, les crottes prennent leurs ébats à la mer, sur la piste de luge, dans les parcs, dans une nature qui se montre de plus en plus optimiste, elles aiment aussi s’accro­cher à des meubles Bauhaus (seconde nature). Bien sur, les crottes-artistes dans des fauteuils roulants ne manquent pas. La société des loisirs, du plaisir et du chômage fête joyeusement sa résurrection, c’est-à-dire sa défécation. On a appris par cœur à faire semblant de vivre. L’homme est réduit à sa véritable fonc­tion dans la nature : celle d’un engrais pour d’autres formes de vie à venir, exactement aussi inutiles que lui. Un jour, la planète ne sera plus atteinte de cette maladie qu’est l’homme, peu impor­te, en attendant savourons un bon verre de vin, mais aussi l’art de Scheibner et ruminons ainsi notre propre état de langueur incu­rable.


Reinhard Scheibner ‘Honky Tonk Gina’ 2011

Interview mit Reinhard Scheibner

Er wurde 1953 in Bamberg geboren. Lebt und arbeitet in Berlin.

Interview Februar 2014

Willst du mit deiner Kunst etwas aussagen oder stellst du nur deine Fantasien dar?

Sowohl als auch, letztlich ist jedes Kunstwerk ein Werk der Fantasie, der Imagination.  Aber  bloße Fantasien sind sie dennoch nicht, da fliesen allerlei Beobachtungen mit ein, Überlegungen zum Inhalt,  zur Form, Intuitives, Gefühltes auch Körperliches. Ich zeichne meistens mit der rechten Hand, manchmal aber auch mit links, den Füßen oder mit geschlossenen Augen.  Dann wieder recherchiere ich vorher erst einmal gründlich, wie bei der Serie von Radierungen über die dunkleren Seiten unserer jüngeren  Vergangenheit. Das jeweilige Verhältnis kann ich nur am einzelnen Bild aufdröseln, sonst bleibt es hier bei Allgemeinplätzen. Im Laufe der Jahre habe ich ja viele verschiedene Sujets gemalt, unterschiedliche Themen, Genres und nach unterschiedlichen Methoden gearbeitet. Darunter sind einige reine Fantasiestücke, aber meist  gibt es einen Bezug zur Wirklichkeit. Schließlich sind auch unsere Fantasien wirklich, drängen zur Verwirklichung. Aber das ich  vorher schon exakt weiß was ich wie darstelle kommt  selten vor. Das wäre auch reizlos, das Bild muss zu erst einmal mich selbst überraschen, sonst stimmt etwas nicht damit.

Du hast schon merkwürdige Zeichnungen, besonders deine Frauen mit Penissen sind schwer zu verstehen. Ist das eine persönliche Fantasie oder soll es die Ermächtigung der Frau symbolisieren indem du ihr einen Schwanz anhängst? 

Nein das soll kein Beitrag zur Gleichstellung der Geschlechter sein oder die späte Erfüllung des Freudschen Penisneids. Die Figur des Hermaphroditen gibt es ja schon lange im Mythos und  so auch der Kunst.  Im Internet findet man heutzutage als eine zeitgemäße Variante derselben Idee jede Menge Fotos und Filme von Shemales und Ladyboys.

Obwohl, einmal gestand mir eine Frau, die ich damals sehr begehrte, dass sie gerne einen Schwanz hätte. Also erbot ich mich sie mit einem solchen zu malen. Das tat ich dann auch. Aber so richtig  begann ich damit erst, als ich mit Mitte 50, gelangweilt von meinem immer gleichen alten Selbst, beschloss die Wechseljahre zu nutzen und ein zweites Leben als Mädchen zu beginnen.  Nur auf mein wertvollstes Teil verzichten wollte ich dabei doch nicht.  Erst  machte ich nur ein paar Fotos und und Videos von ihr, ganz schlicht und trashig, nur zu meiner Unterhaltung. Entwarf dann in schlechtem Englisch eine kurze Biografie für das Mädchen, um so vielleicht  ein „Second Live“ auch im Internet zu beginnen. Als ich 2011  vom „Museum of Porn in Art“ in Zürich für eine Ausstellung eingeladen wurde begann ich dafür die Geschichten der beiden in einer Serie von Tuschezeichnungen zu illustrieren.  Anders als ich hat das Mädel sogar eine Philosophie, hier ein kurzer Auszug:

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Reinhard Scheibner ‘Little Gina’ 2011

“You may ask yourself how old is little Gina? Now let me tell you nobody knows this exactly, nobody needs to know this, because I will always be between thirteen and fifteen and discover sex for the first time. Like Peter Pan, in fact you can see me as his older sister, I will never grow up. I don’t want to grow up; I have no interest in your grownup world, your awful grownup politics and affairs, all your stupid money grabbing business, I only want to fuck with grownups. Even so grownups do not allow other grownups to fuck little Gina. But that’s just another one of your silly problems. I don’t need to be protected. You may need to be protected from me. Nooo, that’s not true, I am not evil, I am all sweet and nice. You may need protection from your laws and desires, but not from little Gina. I want you to have a good time with me and as I said it before, I don’t mind how you look or what’s your age. I am the sunny, the all-loving type, a real people pleaser, I want everybody to be happy with me. I don’t mean loving in the way most people, especially most other woman use it when they talk about love. Do you love me, will you always love me, why don’t you love me anymore… I don’t wont to have anything to do with this sentimental, possessive, jealous kind of love. This is just a emotional disease to me. I talk of acceptance, affirmation; I don’t cling to anything, I hop from one person to another, from young to old to a mosquito. Yes, it is all the same for little Gina, I do not charge things or people. I enjoy you playing with my girl-cock and I get excited if a cued little mosquito sits on my gland and sucks blood from me girl-cock. I have never fallen in love and I hope I never will. I also don’t wont you or anyone else to fall in love with me. I get all annoyed when I see this sheepish look on peoples faces when they do. A good fuck is all I need and want.”

Ende 2011 begann ich an dem Buch „Horny“zu arbeiten und schickte dafür die Göre erst einmal in das Berliner Nacktleben** zum recherchieren. Je mehr Wirklichkeit um so besser. Ich habe sie ja nicht als unbeteiligten Beobachter dort hingeschickt, sondern um etwas zu erleben von dem ich dann aus erster Hand berichten kann.

Erzähl mir etwas über Engelbert Kievernagel, ward ihr eng befreundet oder habt ihr euch nur für bestimmte Projekte getroffen?

Nein, wir waren nicht so eng befreundet, mich hat mehr seine Kunst und der Künstler interessiert, der Außenseiter. Zu Beginn hatte er mir auch ein paar Mal Modell gestanden. In seinem letzten Lebensjahr, als er wegen seiner Krebserkrankung seine Wohnung nicht mehr verlassen konnte oder wollte, habe ich ihn  öfters besucht und ein wenig nach ihm gesehen. Er hatte ja  keine Freunde, außer seiner Schwester die ihn pflegte. Seine Briefe an mich klingen vielleicht sehr persönlich, sogar intim, aber tatsächlich hat er sie so oder ähnlich an jeden geschrieben der auch nur entfernt dafür in Frage kam. Wenn er noch am Leben wäre würde er jetzt wohl auch an dich so schreiben. Für mich sind die Briefe Teil seiner Kunst, sonst hätte ich sie nicht veröffentlicht.

Vielleicht hätte er auch keine mehr geschrieben, denn inzwischen hat sich hier einiges verändert. Engelbert wurde seinerzeit noch von der berittenen Polizei  nackt durch den Wald gejagt, wenn er dort nackt spazieren ging, heute kann sich jedermann  nackt in irgend einem Park mitten in Berlin sonnen und kaum jemand stört sich noch daran. Dies ist eine der Segnungen die die Wiedervereinigung mit sich brachte, die ehemaligen Ostdeutschen, streng materialistisch erzogen, hatten keinerlei religiöse Hemmungen, sich in der Öffentlichkeit zu entkleiden. Auch ist die Szene heute bestens organisiert, es gibt kaum noch eine Fantasie die man nicht an irgend einem Ort in der Stadt mit gleichgesinnten ausleben kann.

Bist du eher ein sozialer Mensch oder lebst du in intellektueller Isolation? 

Ja, manchmal fühlt  es sich so an. Ich neige dazu mich selbst zu isolieren. Die einen versuchen wie ein Balzacer Held mit ihrer Kunst die Welt zu erobern, ich ziehe mich lieber aus derselben in die Kunst zurück.

Ich war nie in Berlin, es ist bestimmt schön dort. Was würdest du über Berlin sagen?

„Schön“ würde ich nicht sagen, das ist kein Wort welches ich benutzen würde um Berlin zu beschreiben, schon gar nicht in den langen kalten und nassen Wintermonaten. Selbst die Sommer sind ja oft genug noch nass und kalt. Aber es gibt so viele verschiedene Berlin, da müsstest du schon genauer fragen was du wissen willst.

Was machst du noch außer malen? 

Im Sommer faulenze ich gerne in der Sonne, wenn sie denn einmal scheint; schwimme in den Seen in und um Berlin, lese, skizziere, fotografiere und filme ein bisschen oder ich gehe Nachts aus und besaufe mich dann meist.

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Reinhard Scheibner ‘Piss Pot Swingers’ 2012

In deinem Brief sprichst du von Klaus Theuerkauf und endart, einem Kunstkollektiv aus den 80er Jahren. An welchen Aktionen hast du dich beteiligt und was machen sie heute?

Das Künstlerkollektiv hat sich 1980 oder 81 gegründet und eine  große Ladenwohnung in Kreuzberg gemietet. In den hinteren Räumen haben sie zusammen gearbeitet, vorne im Laden ihre Arbeiten ausgestellt. Der Erfolg, weit über Berlin hinaus, kam dann sehr schnell. 1988 haben sie sich als Gruppe schon wieder aufgelöst. Einige machen weiter Kunst, andere gingen danach in andere Berufe. Ich kannte und schätzte ihre Arbeit, war aber nie Teil der Gruppe, persönlich lernte ich  sie überhaupt erst in den 90 er Jahren kennen. Anfang der 90 er Jahre begann  Klaus Theuerkauf  auch befreundete Künstler auszustellen oder Künstler deren Arbeiten ihn überzeugten. Ich hatte von 1994 bis 2005 an etlichen Gruppenausstellungen teilgenommen und  auch ein paar Einzelausstellungen dort  gemacht. Eine Galerie im gewöhnlichen Sinne war es nie, dazu ist er zu sehr Künstler und Chaot, kein Geschäftsmann zu unserem Leidwesen. Aber es war ein dennoch ein guter Ort, auch um andere Künstler zu treffen die in eine vergleichbare Richtung arbeiten. Heute ist der Laden meist geschlossen und zeigt wieder nur endart Arbeiten. Am Samstagnachmittag kommt dort das Oberkreuzberger Nasenflötenorchester, der Grindchor, zusammen zum üben. Dabei fliest immer auch viel Bier.

Reinhard Scheibner ‘Herma’, 2006, 39 x 28 cm

Voor verschillende boeken van kunstenaar :

Horny (2012)

True Devotion (2015)

Reinhard Scheibner