Car si l’époque est vulgaire, c’est surtout que derrière son culte du divertissement, elle dissimule mal la violence des dominants.
Question popote graphique, ça va faire un bail que notre bon vieux Moolinex a troqué ses pales roulllées pour une paire de chaînes à vélo. Alors, oubliez les fines purées conceptuelles et le velouté pop-fadasse habituel, la tambouille qu’on sert ici tient plus de la graille de taulards que du rata pour becs fins.
Aux enfants de la chance qui n’ont pas connu la France de Giscard, des H.L.M. et du Punk, Moolinex aurait tant à raconter. Né en 66 du côté de Nogent, celui que sa mère appelait encore Jean-Phi obtient haut la main un C.A.P. petite frappe, option coup bas. Aussi précoce que féroce, le mec comprend vite que le plan de vie qui lui est promis reste assez basique : école > caserne > usine > cimetière. Du cou p, à la question « comment ne pas crever d’ennui avant la mort?», la réponse est simple: prendre sa carte à l’internationale du R.M.I. et rejoindre le seul prolétariat qui vaille encore le coup: lefanzinat.
Depuis, c’est avec l’enthousiasme criminel d’un délinquant juvénile qui aurait troqué son cran d’arrêt pour des pinceaux que Moolinex braque la culture populaire hexagonale et détourne l’esprit gaulois à des fins forcément immorales. Pif poche, 45 tours, Babar, Malabar, broderies et points de croix…Tout ce que le prolo remise à la cave ou au grenier, Moolinex le passe sous sa dent creuse et le recrache en pleine lumière, dans notre gueule.
Adepte des chicanes sur le circuit de l’édition alternative – des Requins Marteaux (Inculte Mur, Flip & Ffopi) à L’Association (H.L.M.) en passant par Le Dernier Cri (tes Carnets de l’Art Pute) et Cornélius (Tattootoo) – Moolinex s’autorise aussi quelques sorties de route musicales en compagnie des Magnetix. Mais ça reste encore dans les galeries que son «Art», auquel il accole volontiers l’adjectif de « Pute », bastonne le plus. Barbouilles criardes XXL, installations méchamment kitch, patch ou tatouages idiots, ses œuvres, où sarcasme hilarant et humeurs noires se tirent la bourre, font de lui le champion toute catégorie du choc esthétique sans constat à l’amiable.
Antisociaux de tous les pays, unissez-vous!
En quelques années de vie de chien, Moolinex aura pris du galon. De guerre lasse, certaines institutions, autrefois frileuses à exposer ce genre de trublions, se sont enfin résolues à lui déballer le tapis rouge. Tant pis si certains tordent le nez devant un dessin porno ou un canevas à la devise provoc du genre « En tant de paix la chair à canon brûle des voitures ».
Comme tous les artistes visionnaires, Moolinex sait que la prochaine lutte des crasses finira dans un bain de sang. Car si l’époque est vulgaire, c’est surtout que derrière son culte du divertissement, elle dissimule mal la violence des dominants.
Thomas BERNARD, Fluide Glacial 2019
Moolinex est un artiste complexe, un génial touche à tout au talent polymorphe. Musicien, il joue aussi bien avec le groupe Magnétix qu’en performer solo. Plasticien, il est à la fois peintre, dessinateur, sculpteur, tapissier… Piochant allègrement dans la BD et le cinéma populaire, l’art outsider, l’imagerie rock ou des références plus conceptuelles, Moolinex ébauche puis rectifie inlassablement les contours d’un monde singulier où collages, découpages, peintures, dessins, assemblages et canevas sont mis au service d’une iconographie ironique et distanciée. Ses travaux ont été publiés par Le Dernier Cri avec la fameuse série des « Art Pute Carnets », l’Association, United Dead Artists, Les Requins Marteaux et le magazine Ferraille dont il est l’un des fondateurs.
> artsfactory.net
For if the age is vulgar, it is above all because behind its cult of entertainment, it poorly conceals the violence of the dominant.
When it comes to graphics, it’s been a while since good old Moolinex swapped his rolled blades for a pair of bicycle chains. So, forget the fine conceptual purées and the usual pop-fadasse velouté, the stuff we serve up here is more like convict graille than rata for the finicky eater.
Moolinex has so much to tell the lucky kids who never knew the France of Giscard, H.L.M. and Punk. Born in Nogent in ’66, the man his mother still called Jean-Philippe graduated with a C.A.P. in petty crime. As precocious as he was fierce, Jean-Philippe soon realized that the life plan he was promised was pretty basic: school > barracks > factory > cemetery. So, when asked “How can I avoid dying of boredom before I die?”, the answer is simple: join the R.M.I. and join the only proletariat worth a damn: the Fanzinat.
Since then, with the criminal enthusiasm of a juvenile delinquent who’s swapped his switchblade for paintbrushes, Moolinex has been turning the spotlight on French popular culture, hijacking the Gallic spirit to immoral ends. Pif poche, 45s, Babar, Malabar, embroidery and cross-stitching… Everything that the working-class man puts away in the cellar or attic, Moolinex puts under his hollow tooth and spits out into the light, into our mouths.
In just a few short years of dog’s life, Moolinex has come into its own. Some institutions, once reluctant to exhibit this kind of troublemaker, have finally decided to roll out the red carpet. So much the worse if some turn up their noses at a pornographic drawing or a canvas with a provocative motto like “In times of peace, cannon fodder burns cars”.
Like all visionary artists, Moolinex knows that the next dirty war will end in a bloodbath. For if the age is vulgar, it is above all because behind its cult of entertainment, it poorly conceals the violence of the dominant.
L’ART PAUVRE TIENT SA PEAU SUR LA TABLE
Questions Meeloo / Réponses Moolinex
A POIL LES MORTS !
Tu pointes bien à l’usine de nuit ?
Je travaille de nuit en HLM, réveil 16h, café jusqu’à 20h,l’embauche, jusqu’à 7h30, puis je réveille Florence l’agent d’entretien, c’est les deux douze.
Quelle usine ?
La mienne, Moolinex, une vraie galère ! Tout à la pogne !
Tu fabriques des choses ?
Ouais pas mal, mais je me fais aider quand je trouve des types plus pauvres que moi et complètement paumés, souvent des potes, des zonards de mon quartier. Ils bossent sur les canevas, je leur fais les modèles… ça les calme. J’ies paye jamais, je leur file un tee-shirt, un auto-collant, une de ces merdes qu’on me refile tout le temps. Des fois je passe une soirée avec eux.
Depuis combien de temps ?
Un ou deux ans… C’est la crise, au moins j’exploite français. Que des types en rupture de banc, des jeunes en attente du RMI, c’est le côté social de l’entreprise.
Tu es né ?
Le 15 août 77, c’est facile, le matin de la mort du King, mais pas à Memphis, à Nogent sur Marne… Si j’étais né onze ans plus tôt, à la même heure, j’aurais été Lion et cheval de feu dans les signes chinois… C’est le coup de pas d’bol.
Tu as une ou deux filles, non ?
Une… Elle a neuf ans, elle travaille à l’usine chez Georges Brassens, l’école primaire.
Tu es autodidacte ?
Oui, un vrai crétin.
Tes influences principales ?
La loi de la cantine…
Tu détestes Picasso et penses que c’est un escroc ?
Je n’ai rien contre les riches morts.
Considères-tu tes actions dans les bistrots, nu avec ta bite dans les verres de bières comme des performances artistiques spontanées ?
Avec ma bite, j’bois à l’oeil, mais avec la bouche.
Le nom du gang de mobylettes dont tu fais parti ?
Les Vipères, mais c’était avant mon accident de poney, la meule c’est fini pour moi. J’aide à la comptabilité, je taille des crayons, ça aide les gars du club.
Quels sont les buts du club ?
C’est un Mob’s Club à vocation scientifique, un travail de recherche axé sur le modèle 103 Peugeot. Nous développons en parallèle des actions de soutien aux devoirs, aux veuves de guerre et aux orphelins. Pour ça, on fait des démonstrations de mob, on organise des goûters ou bien on se casse des caisses de vin sur le ventre. Et avec le fric on peut aider des plus petits que nous.
Qui en fait partis ?
Y’a les gars du club et moi.. Rox, Rouky, Georges, Marcelo, Louky, Fanny, Peinture et Tommy (la meuf du club), on est tout un tas de types. Et il y a aussi Looch Vibrato qui joue dans les Magnetix, du bon garage à mob’s avec Aggie Sanora, on a enregistré un disque ensemble sur le label Nasty (KCMC & the Magnetix Just my pleasure and I).
Moolinex a publié Flow Pow, avec Deluxe et quatre comix et demi dont les Flip, Flopi et Ump International chez les Requins Marteaux. C’était il y a longtemps, après au DC (Dernier Cri éditions), Noeud, Mariocarnet, Art Pute 1, 2, 3, 4, 5 et l’édition Pute de Luxe (receuil). Il a aussi participé aux trois films d’animation du collectif DC.
Les fanzines sont des publications artisanales animées contre vents et marées par des fanatiques de cultures de niches voire underground. Assurément, ils constituent une forme bien singulière – pourtant méconnue – de la presse et de l’édition. Le film raconte l’histoire du fanzinat en France en allant à la rencontre de celles et ceux qui l’ont faite et qui la font encore. Science-fiction, bande dessinée, mouvements musicaux punk ou rap, graphisme, sport, tatouage, enjeux de société… La variété des causes et des thématiques embrassées par les activistes du fanzinat paraît sans limite. Une leçon de passion.
Un film documentaire de Laure Bessi, Guillaume Gwardeath et Jean-Philippe Putaud-Michalski.
Notes d’épisode en ligne
> fanzinat.fr
THE DEAD NAKED MoOLINEX
Questions Meeloo / Answers Moolinex
POOR ART KEEPS ITS SKIN ON THE TABLE
You have a night job in a factory, right?
I’m working night time in HLM [Habitation a Loyer Modere – low rent income housing ed. rem.], alarm clock 4 pm, coffee until 8 pm, nightshift until 7.30 am, then I wake Florence up, the maintance woman. It’s the two 12 hours shift.
Which factory?
Mine, Moolinex, a true pain in the ass! All hand made!
Do you manufacture things?
Yes, quite a lot, but I’m assisted by people poorer than I or completely lost, often friends, bums from my neighbourhood. They work on the canvas, I make the layout… so they calm down…
I never pay them, I give them a t-shirt, a sticker, or some of the shit people give me all the time… Sometimes I spend one evening with them.
Since how long?
One or two years. It’s the economical crisis, at least I’m exploiting french people. It’s the people who have fallen through the cracks, young people on hold for social help. This is the social aspect of my business.
When are you born?
On August the 15th in 1977, easy, it’s the same morning the King died, but not in Memphis, in Nogent sur Marne… If I had been born eleven years earlier, in the same hour, I would have been Lion ascendant Lion or Firehorse in the Chinese Astrology. I’m doomed.
You have one or two daughters, right?
One, she is nine years old. She works at the George Brassens factory, a primary school.
Are you autodidact?
Yes, a real cretin!
Which are your influences?
The law of the school canteen…
You hate Picasso, and think he’s a crook? I have nothing against rich dead people.
Do you consider your actions in bars, when you’re naked hanging your dick in beer glasses, as a spontaneous artistic performance?
With my dick I drink for free, but through my mouth.
What is the name of your moped gang?
“Les Viperes”, but this was before my pony accident, now the moped thing is over. I help with accounting, sharping pencils, helping the guys out.
What are the goals of the club?
It’s a moped club with a scientific goal. Our work is centered around the 103 Peugeot model. Parallell to this, we’re developing a school support centre for kids, widows of war and orphans. We organize moped demonstrations, snacks and we also break boxes of wine on our stomachs and with that money we’re able to help the younger ones.
Who is part of it?
The guys of the moped club and me… Rox, Rouky, George, Marcelo, Louky, Fanny, Peinture and Tommy (the chick of the club). A bunch of pals. Looch Vibrato, who’s playing guitar in The Magnetix. A good old moped garage band with Angie Sonora. We just recorded a vinyl on the Nasty Records KCMC & The Magnetix Just me my pleasure and I.
“Combien de Vierges Nous Attendent en Enfer?”
Moolinex also published Flow Pow with Deluxe as well as four and a half comic books. Including Flip et Flopi & Ump International at the publisher Les Requins Marteaux. But that was a long time ago. Then he published at DC (Dernier Cri edition) Noeud, Mariocarnet, Art Pute Carnet 1, 2, 3, 4, 5 and the book Pute de Luxe. He also appears in three collective DC animation movies.