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S’il s’agit pour les terroristes graphiques du Dernier Cri de détruire le monde- ou, précise Bolino, de le « nettoyer » -, c’est bien pour en inventer un autre, selon la règle d’écart absolu énoncée par Charles Fourier, et faire exister les êtres et les choses dans un nouvel horizon.
Xavier-Gilles Néret
(LE MONDE LIBERTAIRE N° 1819 – ÉTÉ 2020)
Le Musée international des arts modestes, à Sète, présente, du 8 février au 20 septembre 2020, une foisonnante exposition des œuvres du Dernier Cri et de sérigraphes internationaux avec lesquels il constitue un véritable réseau de résistance à l’ordre graphique dominant. Bonne occasion de présenter cette aventure exemplaire.
Le Dernier Cri, créé par Caroline Sury et Pakito Bolino, se consacre depuis 1993 à la production et à la diffusion de travaux imprimés d’artistes du milieu underground français et international. Grâce à la réalisation frénétique d’un nombre considérable de livres d’artistes sérigraphiés, d’affiches, de recueils collectifs, de films d’animation et de disques, il perpétue depuis près de trente ans, en la renouvelant, la « nouvelle vague graphzine » initiée dans la seconde moitié des années 1970 par les groupes Bazooka et Elles sont de sortie.
“I’m not an artist, I’m a terrorist…”
Since 1993, Le Dernier Cri, founded by Pakito Bolino, has been dedicated to the production and distribution of printed works by artists from the French and international underground. Thanks to the frenetic production of a considerable number of screen-printed artists’ books, posters, collective collections, animated films and records, it has been perpetuating and renewing the “new graphzine wave” initiated in the second half of the 1970s by the groups Bazooka and Elles sont de sortie.
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Un lieu de liberté pour la création
De prestigieuses institutions, la Bibliothèque nationale de France en tête, commencent à se rendre compte qu’une telle aventure éditoriale undergraphique, comme aime à dire Bolino, est littéralement extraordinaire, alors même que Le Dernier Cri constitue une alternative à l’art et à l’édition institutionnels. « Moi, affirme Bolino, je ne suis pas un artiste, je suis un terroriste, ça n’a rien à voir !… » Il exprime ainsi sa défiance radicale vis-à-vis de l’art institutionnel, dont il juge les instances de validation arbitraires, et responsables d’une déplorable domestication de l’art. Il peut donc, avec son humour mordant, comparer Le Dernier Cri à un « bunker, d’où tout part de tous les endroits pour entraîner les terroristes graphiques à détruire le monde ! … »
C’est en découvrant durant l’hiver 1991-1992 le lieu où vivait et travaillait Henriette Valium à Montréal, à la fois atelier de sérigraphie et studio d’enregistrement, que Bolino a commencé à former son dessein de créer en France une telle base permettant d’œuvrer en toute indépendance, ce qu’il fit d’abord dans un squat en région parisienne, au CAES (Centre autonome d’expérimentation sociale) de Ris-Orangis, de 1993 à 1995, puis à Marseille, à la Friche la Belle de Mai, où est installé son atelier depuis fin 1995. « Je me suis rendu compte, explique-t-il, que ce qui était important, c’ était d’avoir un lieu, un espace de liberté pour la création. Quand tu as ça, tu sais que tu peux dire à quelqu’un, qu’il soit japonais, canadien, danois, mexicain ou français : viens, on fait un disque, on fait un livre, on fait quelque chose. On n’est pas là à monter des dossiers pour avoir des subventions ou je ne sais pas quoi. Tu fais les choses au moment où tu as envie de les faire, avec qui tu veux. C’est ça, pour moi, faire de l’art. Dès que tu es enfoncé dans les institutions, il y a l’autocensure, si tu ne veux pas te griller, parce qu’il y a toujours des petits chefs partout. Moi je ne veux pas de petits chefs ! … » En bon libertaire, il n’aime pas le mot « directeur », et préfère, sourire aux lèvres, se dire « dictateur » artistique du Dernier Cri, avant d’ajouter : « être son propre esclave, c’est quand même mieux que d’être l’esclave d’autres personnes ! … »
‘A bunker, from which everything leaves to train graphic terrorists to destroy the world!’
Prestigious institutions, led by the Bibliothèque nationale de France, are beginning to realize that such an undergraphic publishing adventure, as Bolino likes to say, is literally extraordinary, even though Le Dernier Cri represents an alternative to institutional art and publishing. I’m not an artist,” says Bolino, “I’m a terrorist, and that’s got nothing to do with it! He thus expresses his radical defiance of institutional art, whose validation bodies he deems arbitrary, and responsible for a deplorable domestication of art. With his biting sense of humor, he compares Le Dernier Cri to a “bunker, from which everything leaves from all directions, to train graphic terrorists to destroy the world!
In the winter of 1991-1992, Bolino discovered Henriette Valium’s home in Montreal, a silk-screen workshop and recording studio, and began to form the idea of creating a similar independent base in France, This he did first in a squat near Paris, at the CAES (Centre autonome d’expérimentation sociale) in Ris-Orangis, from 1993 to 1995, then in Marseille, at the Friche la Belle de Mai, where his studio has been located since late 1995. I realized,” he explains, “that what was important was to have a place, a space of freedom for creation. When you have that, you know you can say to someone, whether they’re Japanese, Canadian, Danish, Mexican or French: come on, we’re making a record, we’re making a book, we’re making something. We’re not here to put together applications for grants or whatever. You do things when you want to do them, with whoever you want. For me, that’s what making art is all about. As soon as you’re embedded in institutions, there’s self-censorship, if you don’t want to get burnt out, because there are always little bosses everywhere. I don’t want to be bossed around! A good libertarian, he doesn’t like the word “director”, and prefers, with a smile on his lips, to call himself the artistic “dictator” of Dernier Cri, before adding: “being your own slave is better than being the slave of others!
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Matt Konture > LDC Editions
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DAVE 2000 > KaiZer satan III
S’il s’agit pour les terroristes graphiques du Dernier Cri de détruire le monde- ou, précise Bolino, de le « nettoyer » -, c’est bien pour en inventer un autre, selon la règle d’écart absolu énoncée par Charles Fourier, et faire exister les êtres et les choses dans un nouvel horizon.
La haine de toutes les formes de censure constitue le dénominateur commun des artistes publiés par Bolino. Fredox, « Président » de l’ association du Dernier Cri depuis 2000, et auteur, entre autres, des Dossiers noirs de l’histoire (2005), ne cesse de le répéter : « En ce moment on est en plein dans l’autocensure et il n’y a rien de pire. Ne pas jouer le jeu de l’autocensure et faire du forcing un peu exprès, c’est une façon de dire : il ne faut pas rentrer là-dedans … » L’exceptionnelle audace du Dernier Cri est d’éditer, sans concessions pour la moraline ambiante et ses suffocantes pesanteurs, des artistes moralement et esthétiquement « impubliables », en raison de dessins trop « bruts » ou trop « sales » selon les normes du « bon goût », hantés de surcroît par Éros et Thanatos. Reconnaissance éternelle au Dernier Cri d’avoir publié – s’il ne fallait prendre qu’un exemple emblématique – le génial Stu Mead, dernier grand nympholepte de la peinture, après Bellmer, Balthus et Darger.
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If the graphic terrorists of Dernier Cri are intent on destroying the world – or, as Bolino puts it, “cleaning it up” – they are doing so in order to invent a new one, in accordance with Charles Fourier’s rule of absolute distance, and bring beings and things into existence on a new horizon.
Hatred of all forms of censorship is the common denominator of the artists published by Bolino. Fredox, “President” of the Dernier Cri association since 2000, and author of, among other works, Dossiers noirs de l’histoire (2005), keeps repeating: “Right now, we’re in the middle of self-censorship, and there’s nothing worse. Not playing the game of self-censorship and forcing the issue on purpose is a way of saying: don’t go into that…”. Dernier Cri’s exceptional audacity is to publish artists who are morally and aesthetically “unpublishable”, because their drawings are too “raw” or too “dirty” according to the standards of “good taste”, and who are haunted by Eros and Thanatos. Dernier Cri is eternally grateful for having published – if only one emblematic example had to be taken – the brilliant Stu Mead, painting’s last great nymphologist, after Bellmer, Balthus and Darger.
Synthèse du DIY punk et des Arts & Crafts
Plutôt que d’attendre ou solliciter la reconnaissance du monde de l’art, Bolino a choisi de « faire par lui-même », sans en demander l’autorisation. C’est aussi pourquoi il ne s’est pas inscrit dans une « logique de valorisation de l’ original ». Car l’original, à ses yeux, c’est d’abord le multiple, l’imprimé : les livres et les affiches, en vue desquels les dessins originels ne sont que de simples moyens. Pour qui cherche à produire et à diffuser son travail sans passer par les instances dominantes (galeries, musées, éditeurs et leurs « petits chefs »), l’imprimé autoproduit constitue une manière efficace et rapide de « faire exister les choses quand elles se font ». Tel est l’un des principaux enjeux du graphzine, dont Bolino fit l’expérience, dès la seconde moitié des années 1980, avec l’APAAR et l’Atelier, où il se forma aux différentes techniques de sérigraphie avec Frédéric de Broutelles. Désormais, avec Le Dernier Cri, il « continue à défoncer le clou », selon ses propres mots, en accueillant à son tour des stagiaires auxquels il transmet ses savoir-faire, tel un maître-artisan des guildes du Moyen Âge. L’atelier de la Friche opère une singulière synthèse entre le DIY punk et l’esprit des Arts & Crafts pratiqués par William Morris au XIXe siècle : pour Bolino comme pour Morris, la finalité de l’art est le plaisir suscité par la mise en œuvre créatrice des facultés humaines, tant chez le producteur que chez le récepteur.
Dans le cadre d’une culture de l’autonomie, le choix de la sérigraphie est d’abord stratégique. Ce procédé permet de produire soi-même un ouvrage en petite série, de sa conception à sa distribution en passant par toutes les étapes de sa réalisation, et de décider d’un prix de vente accessible à un large public, suffisant pour financer la matière première – papiers et encres – des livres suivants. L’art, selon Bolino, ne saurait être réservé à une minorité bourgeoise de collectionneurs – même si le destin commercial d’un livre épuisé échappe à son producteur, par son inscription dans un second marché, de plus en plus spéculatif au fil des années, phénomène qui agace Bolino, a fortiori lorsqu’un marchand, par ignoranœ ou cynisme, spécule sur un livre alors qu’il est encore disponible au Dernier Cri…
Mais le choix de la sérigraphie n’est pas que stratégique : il s’agit aussi d’un intérêt artistique pour le médium. « J’adore la sérigraphie, dit Bolino, parce que les couleurs sont belles, ce qui souvent n’est pas le cas en offset, et encore moins en impression numérique, ce qui est juste le cas quand tu fais de la couleur en vrai sur le papier. » Art subtil de la superposition des couches de couleur, la sérigraphie permet l’expérimentation et l’invention d’un style. Il suffit de manipuler un ouvrage du Dernier Cri pour constater sa « patte » unique perceptible au premier regard, inséparable du toucher, de l’odeur et du son de l’objet-livre, dont la matérialité du papier offre l’occasion d’une véritable expérience sensuelle.
The synthesis of DIY punk and Arts & Crafts
Rather than wait for or seek recognition from the art world, Bolino chose to “do it himself”, without asking for authorization. This is also why he did not follow a “logic of valorizing the original”. For him, the original is first and foremost the multiple, the printed: books and posters, for which the original drawings are mere means. For those seeking to produce and distribute their work without going through the dominant bodies (galleries, museums, publishers and their “little bosses”), self-produced print is an efficient and rapid way of “making things exist as they happen”. This is one of the main challenges of the graphzine, which Bolino experienced in the second half of the 1980s with APAAR and l’Atelier, where he trained in various silkscreen techniques with Frédéric de Broutelles. Now, with Le Dernier Cri, he “continues to hammer the nail in”, in his own words, taking on trainees to whom he passes on his skills, like a master craftsman of the guilds of the Middle Ages. L’atelier de la Friche achieves a singular synthesis between DIY punk and the spirit of the Arts & Crafts practiced by William Morris in the 19th century: for Bolino, as for Morris, the purpose of art is the pleasure aroused by the creative application of human faculties, both in the producer and the receiver.
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JURICTUS > NAROKATOR
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As part of a culture of autonomy, the choice of screen printing is first and foremost a strategic one. This process enables us to produce a small series of books ourselves, from design to distribution, including all stages of production, and to set a selling price accessible to a wide audience, sufficient to finance the raw materials – paper and inks – for subsequent books. According to Bolino, art should not be reserved for a bourgeois minority of collectors – even if the commercial destiny of an out-of-print book eludes its producer, as it becomes part of a second market, increasingly speculative as the years go by, a phenomenon that irritates Bolino, all the more so when a dealer, out of ignorance or cynicism, speculates on a book while it is still available at Dernier Cri…
But the choice of silkscreen is not just strategic: it’s also about an artistic interest in the medium. “I love screen printing,” says Bolino, “because the colors are beautiful, which often isn’t the case in offset, and even less so in digital printing, which is just the case when you’re doing color for real on paper.” A subtle art of superimposing layers of color, silkscreen allows for experimentation and the invention of a style. You only have to handle a Dernier Cri book to notice his unique “touch”, perceptible at first glance, inseparable from the feel, smell and sound of the book-object, whose paper materiality offers the opportunity for a truly sensual experience.
Rencontres, amitié et art de vivre
Le Dernier Cri publie aussi des livres aux techniques mixtes, en étroite collaboration avec La Platine, la dernière imprimerie de Marseile labellisée artisanat d’art, dont les anciennes machines offset mono-couleur permettent d’imprimer en tons directs, en bichromie et en trichromie, selon un principe proche de l’impression sérigraphique. À rebours des tendances néolibérales dominantes depuis les années 1980, jamais il n’a été question pour Le Dernier Cri d’imprimer au moindre coût des fichiers numériques envoyés d’un simple clic par leurs auteurs, en délocalisant la production dans de lointains pays où la main d’œuvre est sous-payée. « Il est important, dit Bolino, que ça coûte le plus cher possible dans l’investissement humain » : faire les choses ensemble dans l’atelier, « travailler vraiment avec le médium », produire des images et des livres « en fonction du procédé d’impression ». L’art du Dernier Cri, réalisé avec le plus grand soin, n’est pourtant pas une fin en soi : ce qui compte avant tout, c’est le processus même de production et les rencontres qu’il occasionne. Micro-phalanstère à la philosophie punk, Le Dernier Cri donne lieu à un véritable art de vivre, centré sur l’attraction passionnée, l’amitié et la fidélité, en vue d’une augmentation partagée du plaisir d’exister. Littéralement et dans tous les sens, Le Dernier Cri, c’est pour la vie !… Dans la lignée ouverte par Dada, son art anti-art, indépendant de l’institution art, est inséparable de la vie elle-même et rend celle-ci plus intéressante que l’art.
C’est pourquoi aussi l’engagement résolu, tenace et fidèle dans une production locale n’est pas incompatible avec un internationalisme sans limites : la vie et l’art s’ouvrent aux dimensions de l’univers, comme l’avaient bien compris les dadaïstes et les avant-gardes ultérieures qui en ont prolongé l’esprit émancipateur, jusqu’à l’Internationale situationniste, à laquelle le titre de l’exposition du MIAM – « Mondo Dernier Cri, une Internationale sérigrafike » – rend un hommage parodique et complice. S’il s’exprime principalement par ses images, Bolino n’en a pas moins une grande intelligence stratégique, manifeste dans ses actions menées à travers le monde. Souvent en voyage à l’étranger, pour faire des expositions, des concerts et projeter ses films, il prend plaisir à y nouer de nouvelles rencontres, tout comme il aime accueillir des artistes venus du monde entier dans son atelier pour réaliser, avec eux, des ouvrages inédits.
L’Internationale sérigrafike dont Le Dernier Cri est un point clé constitue un réseau de résistance graphique underground, terme que Bolino assume à condition de lui redonner son sens véritable. « Le mot “underground”, dans ce monde occidental dans lequel on vit, dit-il, est complètement galvaudé, il devient un slogan publicitaire et n’a alors plus aucun sens. Cependant, cela ne me dérange pas qu’on dise que mon travail est “underground”, parce que pour moi cette notion renvoie à quelque chose qui est fait sous la terre, dans la marge, dans le caca. Le Dernier Cri en ce sens est underground, même si nous faisons des expositions, par exemple, au MlAM ou à la Friche la Belle de Mai, parce que la manière dont nous le faisons est underground: faire ses livres soi-même, trouver ses solutions soi-même, hors du système dominant. Contrairement à ça, par exemple, des gens qui sortent des Beaux-Arts et qui se retrouvent catapultés dans le monde de “l’art contemporain” ne sont pas underground pour moi et ne l’ont jamais été, alors même qu’ils le revendiquent parfois comme une image faussement subversive pour en réalité mieux se vendre. L’underground, ça veut dire: ramer dans son caca, et savoir ne pas se noyer !… Ce qui est important, c’est de rester un artiste, de faire ce que tu veux sans être vendu à un marché, ne pas avoir un galeriste qui te dise : “fais ci, fais ça”. Donc le caca, c’est l’underground, et on ne dira plus “underground” mais “undercaca”, ou “cacaground”, ou “KKKground” ! … »
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Le Dernier Cri is for Life!
Le Dernier Cri also publishes mixed-technique books, in close collaboration with La Platine, Marseilles’ last remaining arts and crafts print shop, whose ancient single-color offset presses enable us to print in direct, two- and three-color tones, based on a principle similar to silkscreen printing. Contrary to the neoliberal trends that have prevailed since the 1980s, Le Dernier Cri has never considered printing digital files at the lowest possible cost, sent by their authors at the click of a button, by relocating production to faraway countries where labor is underpaid. It’s important,” says Bolino, “that it costs as much as possible in human investment”: doing things together in the studio, “really working with the medium”, producing images and books “according to the printing process”. Le Dernier Cri’s meticulously crafted art is not an end in itself, however: what counts above all is the production process itself, and the encounters it brings about. A micro-phalanstère with a punk philosophy, Le Dernier Cri is a veritable art of living, centered on passionate attraction, friendship and loyalty, with a view to a shared increase in the pleasure of existence. Literally and in every sense, Le Dernier Cri is for life!… Following in the footsteps of Dada, its anti-art, independent of the art institution, is inseparable from life itself…
This is also why a resolute, tenacious and faithful commitment to local production is not incompatible with boundless internationalism: life and art open up to the dimensions of the universe, as the Dadaists and the later avant-gardes who extended their emancipatory spirit understood so well, right up to the Situationist International, to whom the title of MIAM’s exhibition – “Mondo Dernier Cri, une Internationale sérigrafike” – pays a parodic and complicit tribute. Although he expresses himself primarily through his images, Bolino’s strategic intelligence is evident in his actions around the world. He often travels abroad for exhibitions, concerts and film screenings, where he takes pleasure in making new acquaintances, just as he enjoys welcoming artists from all over the world to his studio to create original works with them.
The Internationale sérigrafike, of which Le Dernier Cri is a key element, is a network of underground graphic resistance, a term Bolino accepts, provided he gives it back its true meaning. “The word ‘underground’, in this Western world in which we live,” he says, “is completely overused, becoming an advertising slogan and therefore meaningless. However, I don’t mind people saying that my work is ‘underground’, because for me this notion refers to something done underground, in the margins, in the poo. Le Dernier Cri in this sense is underground, even if we do exhibitions, for example, at MlAM or Friche la Belle de Mai, because the way we do it is underground: making our own books, finding our own solutions, outside the dominant system. Contrary to this, for example, people who come out of the Beaux-Arts and find themselves catapulted into the world of “contemporary art” are not underground for me and never have been, even though they sometimes claim it as a falsely subversive image to actually sell themselves better. Underground means rowing in your own poo and not drowning in it! What’s important is to remain an artist, to do what you want without being sold to a market, not to have a gallery owner tell you: “do this, do that”. So caca is the underground, and we won’t say “underground” any more, but “undercaca”, or “cacaground”, or “KKKground”…
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- In the United States, the term “underground” was used to designate the French resistance to the Nazi occupiers during the Second World War. To use the term as an advertising slogan would be an understatement.
This double dialectic – of the local and the international, of art and life – has been at the heart of Dernier Cri since its inception, and helps us understand its profusion of styles and the diversity of its influences from the historical avant-gardes: Dada, Expressionism and “degenerate” art in all its forms – singular, raw, punk, heta-uma, refined, sophisticated, etc.., all with their own unique style and a great sense of humor that challenges certainties and hierarchies of all kinds.
In reaction to all the images we’re fed by the media,” says Bolino, “the humans in Dernier Cri redraw, triturate and revomit them. This then becomes interesting, either by getting to the heart of the matter and sublimating the thing, or by making it disappear in a burst of laughter. Hence our slogan: vomit with your eyes. Because after vomiting, you’re cleansed, purified, you feel better, you’ve got rid of things that are toxic to your body.”
And so the joy of living intensifies once again.
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- Est significative l’expérience calamiteuse du Dernier Cri avec la DRAC(Direction régionale des affaires culturelles) de la région de Marseille : « J’ai eu, rapporte Bolino, deux rendez-vous en vingt ans avec le chargé du livre de la DRAC. Au premier rendez-vous, j’arrive dans son bureau avec un carton de livres, je les sors, et pour la première fois de ma vie j’ai vu quelqu’un qui avait peur physiquement des livres !… Il commence à voir les livres avec toutes ces couleurs, et il me dit : “non, mais nous, on aide seulement des livres de textes, il n’y a pas de textes dans vos livres”… Et moi je réponds : “mais si, regardez, dans Hôpital Brut, il y a des textes, des interviews”… Des années après, je retente ma chance. C’était un nouveau chargé du livre, mais il ne connaissait pas lui non plus Le Dernier Cri. Je lui explique ce que c’est, et il me dit : “d’abord, on n’a pas d’argent, mais surtout, si vous voulez vendre vos livres, je vous donne un conseil : vous n’avez qu’à les mettre en vente sur Amazon”… Et c’est le chargé du livre de la DRAC qui te dit ça !… »
Cette double dialectique – du local et de l’internationalisme, de l’art et de la vie – au cœur du Dernier Cri depuis son origine, permet de comprendre sa profusion de styles et la diversité de ses influences émanant des avant-gardes historiques : Dada, l’expressionnisme et l’art « dégénéré » sous toutes ses formes – singulier, brut, punk, heta-uma, raffiné, sophistiqué, etc., avec pour point commun sa « patte » unique et un grand humour sans dérision qui remet en cause certitudes et hiérarchies en tous genres.
« En réaction à toutes les images dont nous abreuvent les médias, dit Bolino, les humains du Dernier Cri les redessinent, les triturent et les revomissent. Cela devient alors intéressant, soit en allant à l’essentiel et en sublimant la chose, soit en la faisant disparaître dans un éclat de rire. D’où notre slogan : vomir des yeux. Parce qu’après avoir vomi, on est nettoyé, purifié, on se sent mieux, on s’est débarrassé des choses toxiques pour l’organisme. »
Ainsi s’intensifie à nouveau la joie de vivre.
Xavier-Gilles Néret est l’auteur du texte du catalogue de l’exposition Mondo Dernier Cri, Une Internationale sérigrafike, publié au MIAM en 2020. L’article ci-dessus en constitue une version abrégée, initialement parue la même année dans Le Monde Libertaire (N° 1819).
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LE DERNIER CRI, 41 Rue jobin, 13003 Marseille