
Les Vacances de la Mort
Christophe Bier
Décembre 2008, dans Crachoir n° 3, graphzine d’Yvang, l’illustrateur Fredox s’empare d’une star du photo-roman pour adultes des années 1960, un génie du crime habillé d’un collant-squelette et d’une cagoule-tête de mort, venu d’Italie et rebaptisé Satanik en France. Il incorpore les silhouettes originales du personnage dans un montage numérique intitulé Satanik à Lourdes. Dans Holideath, il décide de prendre lui-même la pose, enfilant une combinaison intégrale cousue sur mesure dans du tissu noir pour maillot de bain, sur quoi il a peint les os d’un squelette à sa morphologie. Il ajoute deux cornes au crâne, empruntées au diable farceur pareillement vêtu que Segundo de Chomon avait imaginé en 1907 dans Satan s’amuse. Fredox devient Satanox, renonce à la narration du roman-photo et propose 240 images au format paysage de ses multiples destinations à travers le globe. Cet album de voyage n’est pas celui d’un touriste ordinaire. Satanox arpente les sites industriels, les hangars et souterrains fissurés, les baraquements sales, les casse-autos et les crématoriums. Près des charognes et dans les ossuaires, il pose, satisfait, se gaussant des champs de bataille de Verdun, de la ville fantôme près de Tchernobyl, d’une fabrique de cercueil en Inde, des crocs d’une chambre froide à Barcelone. Il entre comme un démon dans des lieux interdits au public, se glisse dans un trou de grillage pour rapporter ses photos de vacances, visions d’apocalypse, sur fonds de menace nucléaire et de barbelés, poésie macabre chère à l’auteur des Dossiers noirs de l’histoire. Satanox est un anthropologue de la dévastation, au rictus goguenard, fumant et buvant des bières dans les ruines d’une planète-dépotoir. Un urinoir effondré, une carcasse de bus renversé en Thaïlande, une ancienne usine de charbon à Montceau-les-Mines, des transformateurs électriques en Turquie, un corbillard de pompes funèbres à Mexico le divertissent autant qu’un combat de catch féminin à Cuernavaca. Il nargue les vierges de cimetière et se moque de l’orgueil des hommes, escaladant le sommet de la Bouzloudja, à 1 441 mètres d’altitude, pour photographier la salle de congrès décatie du parti communiste bulgare, folie de béton mosaïqué aux allures extraterrestres. Satanox, joyeux contemplatif du délabrement, donne à ses clichés touristiques les couleurs rouge et cyan des anaglyphes. Ses doigts d’honneur menacent nos pupilles et les gravats n’en sont que plus barbares. Holideath, « vacances de la mort », vendu avec sa paire de lunettes 3D, est une production ludique du Dernier Cri.
Holideath, de Fredox. Le Dernier Cri, Marseille, 2021.
Christophe Bier, émission Mauvais Genres du 21 mai 2022, France Culture.

Graphiste chez un couturier de renom, Fredox «graphe» aussi pour son fanzine, «Stronx», des horreurs contaminées à la société postindustrielle : personnages atteints de peste bubonique, trisomiques hypersexués, vampspiercées au boulon de 12 ! Un univers délirant de maniaque du détournement graphique et sexuel…
PENTHOUSE: Pour vos détournements d’images, vous avez été influencé par qui ? Bazooka ? Les groupes situationnistes ?
Fredox: Bazooka, c’est évident, bien que j’ai découvert ça assez tard. Idem pour les situationnistes. Sinon Witkin, un photographe qui travaille avec des cadavres ou des gens handicapés… J’adore ! Quand je suis tombé là-dessus, j’ai vraiment pris une grosse baffe. A part que lui, il est barré mysticisme catho et moi pas du tout.
Votre état d’esprit apparaît relativement morbide et pervers. C’est votre sentiment ?
Je ne sais pas si c’est délibéré, parce que j’ai toujours eu ça dans la tête… Quand j’étais mioche, je ne faisais pas encore de collages, plutôt des dessins, toujours des vampires, des pendus… Ça me faisait flasher!

Le Grand-Guignol Vivant
“Fredox. manipulateur d’images, adepte du photomontage, apparait dans le graphzine Stronx et rejoins ensuite le Dernier Cri.Satanox Holideath est un recueil de photos de vacances de Satanox, personnage enigmatique habillé en squelette, entièrement en “relief”, utilisant le procédé stereoscopique de l’anaglyphe (imprimé en bichro). Chaussé des lunettes magiques rouge et bleu nous plongeons, à travers une vingtaine de pays, dans des contrées touristiques désolées, explorant zones irradiées et petits trésors d’architectures délabrées. Un vibrant hommage aux congés payés.” -Fedrigoni



SATANOX > HOLIDEATH
244 pages 3D book with glasses


Because if you turn on your TV for the 8 o’clock news and you see Bosnia, Rwanda or Gaza City it’s 10,000 times trashier!
Ça correspond à des fantasmes, à des frustrations ?
On me dit que ce que je fais est trash. Je le comprends mais ça me paraît débile. Parce que si vous allumez votre télévision pour le 20-heures et que vous tombez sur la Bosnie ou le Rwanda, c’est 10 000 fois plus trash! Je montre des mecs atteints de tumeurs énormes, malades au dernier degré, mais quand vous savez que 90 % des gens meurent de maladie, qu’y a-t-il de choquant là-dedans? Et puis la maladie, les gros boutons, les pustules, ça a un côté comique, Grand-Guignol. Peut-être que j’exorcise ma trouille de la maladie en la poussant jusqu’à ses dernières limites.
Comment fabriquezvous vos mongoliens de papier ?
Avec des ciseaux et de la colle, et je finis le tout à l’ordinateur. J’ai beaucoup de mai à trouver de la matière première, c’est-à-dire des images intéressantes! Heureusement, il y a des potes qui pensent à moi. Tenez, il m’est arrivé de détourner une photo de « Newlook » qu’on m’avait mise de côté. Mais il ne faut pas leur dire… [Rires.]


FREDOX > Édition LDC spéciale
47×100 cm Poster Sérigraphié -bigsize-


A collection of hellishly graphic and generally gruesome compilations of images depicting every nightmare any drug-addled, criminally insane human ever experienced. This stuff is like H.R. Giger on krokodil, sampling Hannibal Lector’s menu and blessed with Quentin Tarantino’s self-control. “Weird” doesn’t begin to describe it. Even “vile” and “disgusting” and “repugnant” don’t really do it justice. Let’s just say it’s not for the squeamish. Or your mother. Or anybody under 18. Or over 18. Or 18 bang on. It’s probably what Jeffrey Dahmer’s flipping through in Hell. Fredox ‘Dossiers Noirs de l’histoire’
FREDOX > Édition LDC spéciale
70×100 cm Poster Sérigraphié

Comme on dit dans ces cas-là : âmes trop sensibles s’abstenir !
Un nom qui évoque, au choix, ce qui se fait de mieux dans une discipline ou l’ultime soupir avant de rendre l’âme. Un atelier de sérigraphie né en 1993 des cendres du mouvement “undergraphique” français, et qui résiste encore à la gentrification dans une friche marseillaise. Trois décennies d’artisanat exigeant et intransigeant. Un univers graphique bizarre au croisement du comics, de l’art brut et de l’épouvante. Un laboratoire qui suinte l’odeur de l’encre et dont sortent par centaines fanzines, posters et livres remplis de dessins hétéroclites jaillissant à votre figure en provenance directe de perturbations neuronales de tous les coins du monde. Un siphon de couleurs criardes qui tapisse les murs et remplit les écrans d’images se mettant à bouger, turbulentes, rapides. Bien vivantes, en tout cas, comme l’est ce collectif définitivement immunisé contre les modes, le bon goût et les affres du temps… Comme on dit dans ces cas-là : âmes trop sensibles s’abstenir ! -NOVA Cueillir La Mort / Expo 2025


D’autres références graphiques que « Newlook » ?
Ça peut être n’importe quoi, même «Marie Claire», s’il y a dans une photo un élément graphique qui m’intéresse. J’adore les revues de bricolage, avec tous ces mecs qui brandissent des marteaux. Je les découpe et ils me servent à fracasser quelques crânes. Des rondelles de boulons vont me servir à faire des soucoupes volantes…
Et ces plaies atroces que vous collez sur le visage ou le corps de vos personnages ?
Ça vient de canards médicaux. Parfois ce ne sont pas de vraies plaies, mais des imitations en cire, c’est encore plus impressionnant.
Et le côté piercing… avec des boulons ?
Dans le monde de la mode, le piercing est très branché, avec tout un côté glamour. A force, vous finissez par avoir envie de trasher tout ça !
Les phallus énormes, c’est un complexe ?
Celle que vous voyez là, à la place de la tête du type, c’est pas une bite, c’est un moignon de bras ! Les bites, c’est pour le roman-photo à l’eau de rose, pour casser l’air idiot et béat des personnages. Et pour ça, rien de tel qu’une bonne bite monstrueuse qui leur sort inopinément par la braguette…

A name that evokes either the very best in a discipline or the last breath before giving up the ghost. A silkscreen workshop born in 1993 from the ashes of the French “undergraphic” movement, and still resisting gentrification in a Marseilles wasteland. Three decades of demanding, uncompromising craftsmanship. A bizarre graphic universe at the crossroads of comics, art brut and horror. A laboratory oozing with the scent of ink, from which hundreds of fanzines, posters and books filled with heterogeneous drawings gush into your face straight from neuronal disturbances all over the world.

LE DERNIER CRI, 41 Rue jobin, 13003 Marseille


























